PIERRE-GUILLAUME DE ROUX
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D'un objet de scandale, sans emploi, sans vocation précise, Colette aura tiré un personnage d'excentrique, puissant et cohérent dans son excès même. » Le principe : Réhabiliter la Marquise de Morny, personnage de la Belle Époque, qui fi t scandale en p p q y renonçant à son sexe et en affi chant son goût pour les femmes. Sous la plume élégante et attentive de François-Olivier Rousseau, elle acquiert l'héroïsme des éternels conspués. L'honnêteté foncière, le désintéres- sement et une profonde mélancolie triomphent peu à peu du cocktail de vices que la légende noire lui a prêté.
« La Chevalière » errante Sa longue liaison avec Colette lui valut de fi gu- rer dans son livre Le Pur et l'impur sous les traits de « La Chevalière ». En fait, celle qui se faisait aussi appe- ler « Max » ou « Oncle Max » n'avait aucun goût pour la mauvaise publicité qu'attire le scandale. Un réfl exe qu'elle doit sans doute à sa naissance : la fi lle du duc de Morny, frère adultérin et principal conseiller de Napoléon III, a reçu l'éducation d'une dame. Sa mère, Sophie Troubetzkoï, lui, a cependant, ouvert une voie en se construisant un personnage construit de toutes pièces. Si elle accueille avec enthousiasme la rumeur qui en fait la fi lle naturelle du Tsar Nicolas 1 er , elle ne pro- nonce ainsi jamais le nom de la simple ballerine qui lui sert de grand-mère, maternelle : la fameuse Madame Saki. Une contradiction qui a peut-être éveillé le goût pour la bohème de Missy. Mal aimée de cette mère trop jolie qui lui reproche un « nez de tapir », orpheline de père à un âge encore enfantin, Mathilde est aussi un enfant de la débâcle de 1870 qui laissera la France profondément aff aiblie. Les deux autres guerres qu'elle connaîtra ne suffi ront malheureusement pas à assurer l'aff ranchissement dont elle rêve. Mariée au Marquis de Belboeuf dès 1881 pour en divorcer en 1903, Missy rompt pourtant très vite avec les convenances. En 1886 elle emménage, seule, au numéro 1 de la rue Pierre- Charron, dans un immeuble dont les fenêtres donnent sur la place d'Iéna. Elle commence à porter le pantalon et à fumer le cigare. Sensations garanties : « Habituée des terrasses des cafés, elle y aurait parrainé l'invention d'un breuvage panaché, genre mêlé-casse, baptisé en son honneur un « marquise »... Elle aurait inspiré des romans à Catulle Mendès et à Rachilde, et une haine inexpiable à Jean Lorrain. » C'est sa fortune qui lui permet toutes ses excentricités bien qu'au fond Missy soit d'une intelligence moyenne, assez brave, sans éclat.
Elle aura une liaison avec Liane de Pougy, courtisane en vue, tâtera de la sculpture sans conviction, claquera beaucoup d'argent en aventures et ne sera fi nalement acceptée de personne, ni de la bonne société ni des femmes qui suivent son mode de vie. Nathalie Barney lui reproche de chercher à « imiter l'ennemi », l'homme.
« Pour la société d'alors, construite sur le préjugé d'une hiérarchie entre les sexes, il est un délit d'usurpation, la protestation abusive d'une appartenance à une condi- tion supérieure. » Soudain Missy a dépassé les 40 ans.
« Les frasques de ses premières années de célibataire, « les petites débauches » évoquées dans Fantasio, ces soupers savoureux, dont ses rez-de-chaussée succes- sifs étaient le théâtre, où les convives se battaient à coups de roses et s'enlaçaient selon les préférences de sexe, ne sont plus qu'un souvenir incertain dans l'hété- roclite légende du Paris « fi n de siècle ». » Devenue clubman, associée à Alfred Edwards, le directeur du Matin, elle patronne l'éclectique Cercle des arts et de la mode, situé villa d'Eylau, une impasse dans l'avenue Victor-Hugo. C'est là que va se produire la rencontre avec Colette, celle qui l'initiera au mimo- drame, celle qui va la révéler au grand jour. Le scandale du Moulin rouge, en 1906, qui voit Missy monter sur les planches pour la première et la dernière fois, mar- quera à jamais le point de non-retour avec les siens...
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"Je l'ai rencontré pour la première fois un soir d'automne de 1948 ou d'hiver de 1949, au sortir d'un meeting dont il avait été la vedette, au Quartier latin.
Je collais des affiches gaullistes avec quelques camarades, étudiants comme moi.
Malraux s'est approché de nous, et s'est amicalement affligé de notre inexpérience. Il s'est proposé de nous enseigner ce qu'il baptisait "la technique du coup de pinceau en croix", technique en fait assez rudimentaire, mais qui, nous dit-il avec autorité, garantissait la rapidité d'application et l'adhérence du placard.
"Il faut, soulignait-il, du professionnalisme, même dans l'affichage, et il entreprit de prêcher d'exemple en brandissant le pinceau dangereusement. Il portait un très élégant manteau, qui contrastait avec la modestie de nos tenues. Craignant de le voir se couvrir de colle, je lui repris respectueusement le pinceau des mains, en balbutiant des remerciements. Il me demanda mon nom, qui parut le frapper, alors que mon homonyme de Saint-Céré n'avait pas encore accédé à la notoriété.
Ce n'est que quelques décennies plus tard que je sus qu'il avait habité, lors de la Résistance, un château ainsi nommé. Il nous prodigua quelques encouragements virils et cordiaux, nous félicita de notre zèle pour la bonne cause, assura qu'il aurait plaisir à nous revoir et monta dans sa voiture, enveloppé de son beau manteau et de notre admiration. J'avais vingt ans. Il était pour nous l'image même du héros." Robert Poujade retrace un vibrant portrait de Malraux à travers l'aventure de son oeuvre sur le thème du "contemporain capital" et de l'éternel précurseur.
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David Lloyd George (1863-1945) consacra ses talents incontestables à la poursuite de trois objectifs : le pouvoir, l'argent, les femmes.
Il créa l'Etat-Providence. Il mena son pays à la victoire lors de la Grande Guerre et négocia le Traité de Versailles avec Wilson et Clémenceau. Le Traité anglo-irlandais qui reconnait l'indépendance de l'Irlande fut également son oeuvre.
Il parvint à s'enrichir par des moyens parfois douteux : exploitation d'une mine d'or fictive en Patagonie, trafic de titres de noblesse sans compter divers scandales boursiers.
La fourberie fait partie de son fond de commerce et s'exerce dans tous les domaines : financière, politique ou diplomatique.
Jeune séducteur irrésistible, il se transformera en vieillard lubrique, d'autant plus obsédé par l'autre sexe qu'il avait été trompé par sa maîtresse.
Chassé du pouvoir en 1922, il sombre dans l'aigreur et la misanthropie. Il en vient à mépriser tout le monde, hormis Adolf Hitler. A tel point que les Londoniens se posent cette question en 1940 :
« Lloyd George sera-t-il notre Pétain ? » Triste fin pour un homme qui, d'abord confiné dans l'obscurité galloise, était devenu l'une des personnalités les plus en vue de la vie politique britannique et internationale. Beau sujet à méditer : l'essor et la chute de David Lloyd George.
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Le communisme est à l'ordre du jour
David Alliot
- PIERRE-GUILLAUME DE ROUX
- 31 Janvier 2013
- 9782363710505
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Ce portrait du Premier ministre britannique (1804-1881) retrace l'itinéraire politique d'un personnage aussi talentueux qu'excessif qui parvint à la plus haute fonction alors que rien ne l'y prédestinait : naissance juive, absence de fortune personnelle et de propriété terrienne. Il est ici présenté comme un dandy libertin, un romancier d'oeuvres polémiques et un orateur redoutable.
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Journaliste et historien, François Broche est parti à la recherche d'un père qu'il n'a pas connu, le capitaine Félix Broche, officier de l'ancienne armée coloniale désigné en 1939 pour prendre le commandement des forces françaises d'Océanie de Tahiti. Embarqué pour le Moyen-Orient, il fut tué à Bir Hakeim en 1942. L'auteur a reconstitué son parcours à travers des archives et témoignages.
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"[II s'agit d'] unir les coeurs des différentes classes de cette grande nation encore plus étroitement au Trône et à ces institutions sous lesquelles elles ont le bonheurde vivre" (William E. Gladstone), William Ewart Gladstone (1809-1898), quatre fois chancelier de l'Echiquier, quatre fois Premier ministre, grand tribun populaire, champion des masses opprimées, fut-il réellement le chantre du progressisme comme les historiens se plaisent à le décréter ? Certes, c'est à la force visionnaire et à la poigne exceptionnelle de cet austère mais opiniâtre bourreau de travail que le Royaume-Uni doit d'être entré dans l'ère du libéralisme économique qui sonne tour à tour l'assainissement drastique des finances publiques, l'élargissement de l'électorat au plus grand nombre et la modernisation de l'administration, où triomphera désormais le principe de méritocratie dans le processus de recrutement des fonctionnaires.
Certes, rien ne semble arrêter la soif de réformes du têtu mais ardent Gladstone. Sa volonté d'accorder un pouvoir et une Eglise autonomes à l'Irlande lui attirera l'opprobre général et lui vaudra même la réputation de "dangereux incendiaire" auprès de la reine Victoria. Et, de fait, le brillant fleuron d'Eton, pétri de culture classique, espoir des plus conservateurs en 1830, n'est-il pas devenu, soixante ans plus tard, un radical pur et dur : celui que tous surnomment "the People's William", acclamé à travers tout le pays, ô combien redouté à Westminster ? Mais sous ces apparences se dissimule une tout autre vérité...
Carseule la foi chrétienne a porté Gladstone dans ses convictions et ses combats. S'il prête une attention continuelle aux revendications populaires, c'est unique- ment au nom de la "Providence", principe divin, qui seule permet de maintenir l'équilibre des institutions en anticipant les crises majeures. Un devoir que William Gladstone a rempli au-delà de toutes espérances. Quitte à briser sa propre majorité parlementaire et à défier toute logique de parti, risque que n'eût jamais pris Benjamin Disraeli, son grand rival.
Quitte à terroriser la chambre des Communes, des heures durant, par sa stature d'orateur immense, perpétuellement survolté, virtuose des dossiers les plus retors, défenseur des causes les plus exigeantes... Cette première biographie française rend à Gladstone une envergure chrétienne souvent passée sous silence et témoigne de la complexité du colosse victorien au gré d'un passionnant récit tout en suspense et en coups d'éclat.