Les Belles Lettres
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La grande mer : une histoire de la Méditerranée et des méditerranéens
David Abulafia
- Les Belles Lettres
- 19 Août 2022
- 9782251453064
Pendant quelque trois mille ans, le bassin méditerranéen a été un foyer de civilisation de premier ordre. Il a exercé une influence majeure sur les affaires du monde.
David Abulafia retrace ici l'histoire d'une mer à hauteur d'homme, de la guerre de Troie à la piraterie, des batailles navales entre Carthage et Rome à la diaspora juive des mondes hellénistiques, de la montée de l'Islam aux Grands Tours du XIXe siècle jusqu'au tourisme de masse du XXe siècle.
Plutôt que d'imposer une unité artificielle à l'activité foisonnante qui se déroule à la surface de la « Grande Mer », David Abulafia insiste sur sa diversité, qu'elle soit ethnique, linguistique, religieuse ou politique.
Au coeur de sa thèse se trouve l'idée que la prospérité de cités maritimes telles qu'Alexandrie, Trieste, Salonique, Venise et beaucoup d'autres, a reposé pour une large part sur leur capacité à accueillir peuples, religions et identités et à leur permettre de coexister : la Méditerranée a incarné pendant des millénaires ce lieu exceptionnel où religions, économies et systèmes politiques se sont rencontrés, affrontés, influencés et finalement assimilés.
David Abulafia combine la recherche historique la plus exigeante avec le style enlevé du conteur. Son histoire de très longue durée a été unanimement saluée comme une splendide réussite. -
Joseph Fouché, portrait d'un homme politique
Stefan Zweig
- Les Belles Lettres
- Bibliotheque Allemande
- 8 Octobre 2021
- 9782251452227
Traduction nouvelle intégrale.
Le Fouché (1929) de Stefan Zweig occupe une place à part dans la série des Vies. L'ouvrage a pour cadre la France de la Révolution et de l'Empire. L'existence de celui qui fut associé à la Terreur, au règne napoléonien et à la Restauration comme « massacreur » et policier impitoyable n'est comparable à aucune autre.
À bonne distance de la perspective universitaire illustrée par Louis Madelin (1901), Zweig s'est attaché à retracer la genèse psychologique d'une personnalité dont la cuirasse construite dans les épreuves et les humiliations fait obstacle à tout sentiment de sympathie de la part du lecteur.
Chronologique, le récit est découpé en une suite de neuf chapitres. Son trait spécifique est une exceptionnelle intensité dramatique. Les face-à-face de Fouché avec Robespierre jusqu'à Thermidor puis avec un Napoléon dérivant vers la tyrannie avant d'être entraîné dans une chute inexorable, théâtralisent les moments clés d'une histoire aux retournements inattendus. Ces instants où opportunisme, conquête et volonté de conservation amorales du pouvoir se mêlent inexorablement, sont, aux yeux de Zweig, l'image désespérante du temps présent.
Le succès de Stefan Zweig auprès du public français ne se dément pas. Son exploration des mouvements de l'âme continue de fasciner tout comme séduit l'élégance stylistique de ce Viennois cosmopolite. La fiction toutefois n'est pas seule à nourrir son art du récit. L'histoire elle aussi n'a cessé de le requérir.
La suite de ses biographies non romancées (les Vies) découvre un agencement virtuose du matériau légué par les historiens. Tous ces textes donnent à voir un artiste que son refus de l'engagement militant rend paradoxalement plus sensible aux menaces qui pèsent sur les sociétés européennes de son temps.
Nouveauté dans le choix du protagoniste : Fouché, dont il est question dans ce volume, est aux antipodes des hautes figures positives incarnées par Érasme et Castellion dont « le ministre de toutes les polices » est l'absolue face noire. L'humanisme zweigien se lit cette fois par contraste.
Pour autant, il ne perd rien de sa force.
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Alfred Dreyfus, l'officier innocent qui donna son nom à l'Affaire bouleversant la France et le monde au tournant du XXe siècle, est demeuré l'inconnu de l'Histoire. Son combat est pourtant celui d'un homme défendant son honneur et celui de sa famille, oeuvrant à la vérité et à la justice. Celui aussi d'un patriote viscéralement attaché aux valeurs démocratiques de la France libérale et républicaine, reconnu en cela par les dreyfusards vouant leur vie à la cause de l'innocent. Enfin celui d'un soldat d'exception contraint de renoncer à sa carrière par suite d'une dernière injustice mais engagé durant toute la guerre de 14-18 jusqu'à la victoire.
Demeuré pour la postérité le « capitaine Dreyfus », il adopta l'écriture comme un principe de survie et un acte de vérité, restituant l'histoire vraie d'un homme et d'une humanité espérant dans la justice. À la dernière humiliation d'une réhabilitation complète qui lui était refusée, il opposa l'exactitude de sa parole et la langue de la vérité. Pourtant, une large part de ses écrits demeure inconnue, tandis que ses livres et articles publiés semblent définitivement perdus dans le passé. La force et le sens du combat de Dreyfus disparaissent.
Les Lettres d'un innocent, suivies trois ans plus tard de son journal de l'île du Diable, Cinq années de ma vie, ne sont qu'une partie des écrits de l'homme résistant à la raison d'État et à la persécution raciale qui allaient progressivement submerger l'Europe - et que préparait déjà la violence coloniale.
Les OEuvres complètes du capitaine Dreyfus, pour la première fois réunies et publiées par deux historiens de renom, révèlent ce que fut la destinée d'un homme - à la patrie et à l'humanité reconnaissantes. Une vie à la modernité civique et politique évidente, qui nous parle et nous émeut comme rarement. Avec Dreyfus dans le texte, c'est l'Affaire tout entière qui nous revient au présent. -
Les Juifs, la mémoire et le présent
Pierre Vidal-Naquet
- Les Belles Lettres
- Le Goût De L'Histoire
- 5 Mai 2023
- 9782251454429
Sous ce titre sont regroupés des textes très divers :
Articles scientifiques sur les crises et les affrontements qui ont ébranlé le judaïsme, du II?
Siècle avant notre ère aux négateurs du grand massacre du XX? siècle. Sont également repris des préfaces à des ouvrages de passion et de raison, des reportages en Israël, des prises de position dans la presse quotidienne ou hebdomadaire.
Il se trouve que Pierre Vidal-Naquet, qui a choisi le monde antique gréco-romain comme objet d'études historiques, est aussi un Juif. En tant que tel, il s'efforce de penser dans l'histoire, la mémoire, le présent, le destin des siens : journaliste ou historien de métier, c'est un même homme qui a écrit tous ces textes au nom d'un même engagement existentie -
Les mémoires de la Méditerannée : Préhistoire et Antiquité
Fernand Braudel
- Les Belles Lettres
- 3 Juin 2022
- 9782251453057
Ce livre est le fruit d'un vieil amoureux de la mer Intérieure qui en dévoile pour nous les balbutiements enrichis d'un savoir encyclopédique. L'historien des grands espaces et des longues durées apporte son métier et sa vision à la préhistoire et aux antiques civilisations qui, jusqu'à l'accomplissement de la conquête romaine, ont bordé et fait la Méditerranée.
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L'homme et le grain : une histoire céréalière des civilisations
Alain Bonjean, Benoît Vermander
- Les Belles Lettres
- 5 Novembre 2021
- 9782251452357
· Un panorama mondial qui envisage les céréales et pseudocéréales dans leur rapport à la sédentarisation de l'humanité, à l'évolution des différentes civilisations depuis le Néolithique, et à l'avenir de nos relations avec toutes les formes du vivant.
· Une étude concrète et abondamment illustrée des différentes espèces de céréales et de leurs usages · Une source de réflexions sur les réponses que les céréales peuvent apporter aux défis alimentaires, environnementaux et spirituels des générations de demain · Une mise en perspective de la portée symbolique et religieuse des céréales à travers les époques et les civilisations · Un compte-rendu complet des échanges biologiques et technologiques qui se sont succédé jusqu'aux enjeux actuels de la mondialisation · Une approche transdisciplinaire, qui combine l'expérience de terrain et les connaissances complémentaires d'Alain Bonjean, généticien des plantes, et Benoît Vermander, enseignant en sciences sociales et religieuses.
Cet ouvrage retrace la longue histoire des interactions entre l'Homme et les céréales.
Depuis les premières tentatives de domestication jusqu'aux applications agronomiques les plus contemporaines de la génomique, depuis les gestes de partage qui scandent le quotidien jusqu'aux rituels agraires les plus élaborés, Alain Bonjean et Benoît Vermander dévoilent la diversité des espèces productrices de grain et celle des sociétés qui s'organisent autour de leur culture.
La domestication des orges, exemplaire du travail poursuivi entre la nature et l'humanité ; la naissance des blés dans le croissant fertile, leur introduction en Europe puis dans le monde entier ; la précoce mise en valeur des millets et l'exubérance du répertoire mythique qui les accompagne ; les transferts et les drames qui ont marqué l'échange colombien, depuis l'introduction du maïs en Europe jusqu'à celle de techniques culturales africaines en Amérique du Nord ; le répertoire élaboré des riz asiatiques et des rituels associés ; la diversité maintenue des céréales africaines, celle des espèces andines trop longtemps négligées, gage d'espoir pour l'humanité... Telles sont quelques-unes des étapes de ce livre, qui ouvre des perspectives inédites sur les rapports entre l'homme et le végétal et sur les crises qui marquent aujourd'hui pareille relation.
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Cuisines cultes : Le sacre de la nourriture, de la Préhistoire aux mondes futurs
Camille Pech De Laclause, Julienne Richard
- Les Belles Lettres
- Le Bulletin Des Belles Lettres
- 12 Novembre 2024
- 9782251456386
LES HISTOIRES
Partez sur les traces des cuisines disparues avec des archéologues, feuilletez un florilège de recettes et d'anecdotes sur l'alimentation à travers les civilisations et les âges, puis attablez-vous en bonne compagnie avec éditeurs et comédiens pour écouter Pétrone. Enfin, contemplez le festin des esclaves.
LE DOSSIER
Cuire, croire et proscrire : anthropologie de l'alimentation et de ses rites, de la Préhistoire aux mondes futurs. Cannibalisme et rituels sanglants, science-fiction et sorcellerie, ripailles divines et nourritures sublimes : goûtez aux différentes couches des cuisines cultes.
LES FICTIONS
Coquillages et crustacés : des histoires de gnome, de collection d'huîtres et de crevettes décortiquées.
LE CARNET
Portfolio photographique de mains nourricières.
LES ARTISTES
Portraits et conversations en tablier de celles et ceux qui parlent de cuisine, qui cuisinent les mots ou qui cuisinent en parlant.
Comme chaque année depuis la parution du n°0 en 2019, notre Bulletin est abondamment illustré et doté d'une couverture souple, marquée au fer à dorer. Les exemplaires sont numérotés, le tirage limité. -
La Vie de Charlemagne, écrite au IXe siècle par Eginhard (770-840), familier du grand empereur et de son fils Louis le Pieux, est le texte le plus célèbre du Moyen Age latin.
La précédente traduction, donnée par Louis Halphen en 1923, inaugura la collection "Les Classiques de l'histoire de France au Moyen Age" devenue "Les Classiques de l'histoire du Moyen Age" dans laquelle ce volume prend place, un siècle après.
Riche d'anecdotes piquantes, de descriptions ethnographiques, de notations épiques, ce texte est la source essentielle pour l'histoire de Charlemagne et l'interprétation de son règne. On y voit la dépréciation des Mérovingiens en rois fainéants, et la construction de l'image du grand conquérant, rénovateur de l'Eglise, de l'école et de la culture, couronné empereur par le pape en 800. Mais ce récit est aussi l'oeuvre d'un auteur : Eginhard écrit après les faits et son ouvrage est tissé des préoccupations politiques des successeurs de Charlemagne. C'est aussi l'oeuvre d'un savant, acteur de la Renaissance carolingienne, pétri de culture classique mise au service de la politique et de l'art littéraire.
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Vie et mort d'un grand vizir : Halil Hamid Pacha (1736-1785), biographie de l'empire ottoman
Olivier Bouquet
- Les Belles Lettres
- 4 Février 2022
- 9782251452432
Le 31 mars 1785, Halil Hamid Pacha est révoqué de ses fonctions de grand vizir. Envoyé en exil, ses biens sont confisqués et ses maisons scellées. Nommé gouverneur, il ne rejoint pas son poste : il est exécuté sur l'île de Ténédos (Bozcaada). Rapportée au palais de Topkapi, sa tête est exposée à la vue de tous, sur un plateau d'argent. Pourquoi le sultan a-t-il mis à mort le pacha de la Porte ottomane ?
Halil Hamid avait des enfants. La plupart de leurs descendants vivent en Turquie. Olivier Bouquet a retrouvé leur trace dans un diagramme conservé chez un érudit grec d'Istanbul. Il a rencontré ceux qui administraient la fondation pieuse du prestigieux ancêtre. Ils lui ont confié des documents d'une grande richesse. Dossiers et inventaires sous le bras, l'historien a mené l'enquête à Isparta, ville d'origine du vizir. Il a retrouvé les fontaines, maisons et couvents établis par sa fondation pieuse, à Istanbul, en Anatolie et dans les Balkans. Il a recueilli les empreintes laissées par le dignitaire dans la mémoire du pays, de sa région et de sa lignée.
Voici une biographie d'un genre nouveau. Vie et mort : elles prennent sens l'une par l'autre. Elles s'éclairent par le croisement de trois axes narratifs : le dernier mois de la vie du pacha, entre sa révocation et son exécution ; ses deux années passées dans l'enfer de la Sublime Porte ; ses trois décennies au service du sultan. Jeune scribe, chef de bureau, haut dignitaire, fondateur d'oeuvres pies, Halil Hamid s'élève dans la hiérarchie impériale. Mais provincial d'Anatolie, Stambouliote de vie et de carrière, père de six enfants, chef de maison, familier des soufis et ami des lettrés, il est un homme de son temps et un Ottoman en situation.
Ce n'est pas seulement un grand vizir qui trouve ici sa biographie : c'est l'Empire ottoman du XVIIIe siècle. Sur l'architecture des résidences et le détail des biens, sur la diversité des meubles et la préciosité des tissus, sur la splendeur des armes et des bijoux, le lecteur trouvera dans ce livre la richesse de descriptions détaillées, servies par un ensemble de 382 illustrations.
Il pourra aussi comprendre les projections néo-ottomanes à l'oeuvre dans la Turquie d'aujourd'hui à la lumière du passé impérial. Un passé d'autant plus fantasmé qu'il est peu connu.
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Aimé Césaire, Frantz Fanon ; portraits de décolonisés
Pierre Bouvier
- Les Belles Lettres
- L'histoire De Profil
- 21 Janvier 2010
- 9782251900032
Ils sont tous deux Martiniquais.
Ils ont tous deux lutté contre le colonialisme et l'héritage de la traite et de l'esclavage. L'un est célébré par la République française, l'autre presque ignoré. L'analyse croisée de leur biographie et de leurs écrits met en relief, pour la première fois, toutes les facettes de ces hérauts de l'anticolonialisme comme autant de témoins de la complexité du processus d'émancipation que fut la décolonisation avec ses jalons historiques, ses luttes politiques et ses manifestes littéraires.
Aimé Césaire (1913-2008), le poète de la négritude, député-maire de Fort-de-France, s'élève avec vigueur et lyrisme contre le passé de la colonisation. Il milite en faveur d'une autonomie négociée au sein de la République métropolitaine. Ses prises de position, tant littéraires, mémorielles que politiques, marquent fortement la communauté antillaise et plus généralement la diaspora africaine. Frantz Fanon (1925-1961), le médecin et psychiatre, se confronte aux faux-semblants identitaires des colonisés dans les départements d'Outre-mer et d'Afrique du Nord : ses consultations psychiatriques lui révèlent les stigmates infligés par leur statut aux Antillais et aux immigrés maghrébins et sahéliens.
Il dénonce les pratiques asservissantes qu'impose l'assimilation et devient ainsi le chantre des générations contestataires. Figures majeures de la vie intellectuelle française du XXe siècle, Césaire et Fanon ont atteint une dimension universelle qui aujourd'hui particulièrement nous donne la mesure et l'intelligence des attentes et des enjeux de l'ère post-coloniale.
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Ce livre n'est pas une biographie supplémentaire d'Henri IV, promu au à la fin du XXe siècle idole monarchique des Français. Tentant de résoudre la plus extraordinaire énigme criminelle du temps des guerres de Religion, l'empoisonnement du prince de Condé à Saint-Jean d'Angély en 1588, Robert Muchembled a vu une piste initiale banale (cherchez la femme) bifurquer vers la responsabilité assurée d'un commanditaire dissimulé, père naturel, qui plus est, du fils posthume du prince assassiné : Henri de Navarre, futur roi de France.
C'est donc une histoire (incomplète) de la personnalité secrète du Béarnais qui est ici proposée. Si elle diffère de la mythologie traditionnelle appliquée à son souvenir, elle lui rend toute son humanité : ses qualités et ses succès vont de pair avec des traits moins glorieux, indispensables, probablement, pour survivre et triompher durant l'une des périodes les plus tragiques du passé français : dénué de scrupules moraux ou religieux, confiant (superstitieusement) en son étoile, il élimine sans pitié ceux ou celles qui le gênent ; maître de la désinformation, grand producteur de fausses nouvelles, il forge lui-même sa propre légende, dispose de l'un des plus efficaces services secrets du temps, cumule les maîtresses comme un Sultan oriental et traite durement son fils secret (héritier au trône intermittent, puis rival de Louis XIII après le régicide).
Bien qu'il véhicule des images fortes, d'ambitions effrénées, de sang, de poison, de violence, de désirs charnels, dignes de romans historiques ou policiers, le récit, chronologique, appuyé sur les documents d'époque (parfois inconnus, ou souvent mal mis en perspective) présente des faits réels et des personnages qui n'ont rien de fictif. Il invite à découvrir un exercice du pouvoir suprême plus chaotique, baroque et dramatique que celui évoqué par les manuels scolaires : en suivant les acteurs dans les coulisses, où ils ôtent un masque hiératique pour vivre pleinement leurs passions, apparaissent de nombreux mystères ; leur résolution colore de suspense la narration et rappelle que la grande Histoire (la geste des souverains et des dominants) aurait pu être profondément différente de celle qui s'est imposée.
En parfaite harmonie avec sa caste, la grande aristocratie guerrière prédatrice, le Vert-Galant impose aux filles et aux femmes nobles (aux autres aussi) une domination masculine absolue, renforcée par la croyance au pouvoir fécondant exceptionnel du « super mâle » royal (qu'il a vaillamment démontré). Bousculés depuis un demi-siècle par d'irrésistibles mutations sociales et culturelles, les nostalgiques de la grandeur nationale perdue qui encensent sa figure tutélaire ne tentent-ils pas, subrepticement, de moderniser le mythe du monopole viril du pouvoir (en particulier au sommet de l'État), inconsciemment mais puissamment relié à l'ancienne monarchie française salique et sacrée ?
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Casanova, un générateur de hasard
Alain Boureau
- Les Belles Lettres
- Essais
- 18 Mars 2022
- 9782251452760
Giacomo Casanova (1725-1798), immense écrivain et penseur, s'est lentement constitué comme sujet au fil de la rédaction de l'Histoire de ma vie, en doutant toujours de parvenir à vaincre ses deux adversaires majeurs, le hasard et la nécessité. Le présent essai, sans suivre une chronologie externe, égrène les moments décisifs de ce parcours, et leur préparation : à ce fils d'actrice, pratiquement abandonné à ce qu'il ne voulait pas être son sort, il importait de faire le choix d'une activité et d'un gagne-pain. Ses projets, souvent suivis de pratique, dans l'ordre des mathématiques et de la finance, de l'industrie et de l'agriculture, du journalisme et théâtre, abondèrent, comme le montrent aussi ses écrits autres que l'Histoire de ma vie. Mais la voie majeure fut celle de l'entregent, cet art de saisir les rapports et relations des autres, pour s'y insérer avec profit : sa carrière d'occultiste autoproclamé, racontée avec beaucoup d'humour, reposait sur cette savante perception, mais il préféra le rôle de metteur en scène où il s'incluait parmi les acteurs et dont il donne de savoureux exemples dans l'Histoire de ma vie, projet des projets, qui passa aussi par l'élection d'une langue qui ne fût pas maternelle.
Bien entendu, on ne saurait oublier la longue cohorte des aventures érotiques qui font cependant de Casanova l'opposé de la figure d'opéra Dom Juan : dans la suite mobile des aventures de Giacomo, un rêve qui, poursuivi et recommencé, visait l'unicité toujours fuyante du sujet : il eut l'ambition de maîtriser le titillement du hasard et la passivité de la sensation. Avec quelques femmes-philosophes, il cherchait une autre voie, un chemin vers l'unicité du sujet et de l'objet qui réduirait l'écart entre ses deux langues, entre l'esprit et la chair, entre la fidélité et l'inconstance. La suite amoureuse ne procédait pas alors d'une accumulation par addition, mais dérivait de la soustraction qui aboutissait, par un calcul différentiel, à la part infinitésimale de l'unicité.
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LA VERITABLE HISTOIRE DE : la véritable histoire de Cicéron
Claude Dupont
- Les Belles Lettres
- La Veritable Histoire De
- 13 Juin 2013
- 9782251040165
Cicéron a dix - sept ans quand débute la lutte armée entre Marius et Sylla. Pendant plus d'un demi-siècle, la guerre civile va ensanglanter Rome. jusqu'à ce qu'Auguste inaugure un nouveau régime. Dans cette terrible période de convulsions et de déchirures, un homme va désespérément tenter de sauver la République. Une république conservatrice. dominée par les classes privilégiées, niais préférable à ses yeux aux aventures de la dictature militaire ou aux illusions d'un despotisme aux accents populistes.
Présent sur tous les fronts. foudroyant une conjuration aux effets mortels, niais acceptant de lourds compromis au nom du moindre mal, Cicéron oscillera entre les intransigeances et les louvoiements, entre les fidélités et les volte - face. Jusqu'à l'ultime combat qu'il affrontera avec énergie et avec panache. Mais ce lutteur avait bien d'autres passions. Orateur d'exception. philosophe érudit, poète de talent d'après Plutarque, il laissa une oeuvre abondante.
Qui nous est, pour l'essentiel, parvenue. et qui nous permet de suivre le cours de ses pensées et de ses émotions. Avec son appétit de culture, son idéal de tolérance, son culte de l'amitié, son attention aux autres, Cicéron ne fut pas seulement le dernier Républicain de Rome. Il en fut aussi le premier humaniste. Plutarque, Tacite. Appien. Salluste. Dion Cassius et Cicéron nous racontent.
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LA VERITABLE HISTOIRE DE : Néron
Alain Rodier
- Les Belles Lettres
- La Veritable Histoire De
- 14 Février 2013
- 9782251040158
Né en 37 après J.-C., Néron est porté au pouvoir à 17 ans par les intrigues de sa mère Agrippine. Conseillé par le grand Sénèque, le dernier empereur de la dynastie julio-claudienne se montre bon administrateur au début de son règne. Il rétablit le Sénat dans ses prérogatives, procède à d'importantes réformes et se veut le bienfaiteur de son peuple. Après le grand incendie de 64, il conçoit des projets grandioses pour rebâtir Rome.
Mais on ne lui pardonnera jamais l'assassinat de son demi-frère Britannicus, de sa mère et de son épouse Octavie. Ni la répression sanglante de la conspiration de Pison quand il pousse Sénèque au suicide et élimine une partie de l'élite politique romaine. L'Histoire retient aussi qu'il fut l'instigateur des premières persécutions contre les Chrétiens. Ses débauches, son goût immodéré pour les festivités et ses cabotinages sur scène finissent par lasser. Confronté à la révolte de grands chefs militaires, le dernier empereur de la lignée julio-claudienne est déclaré ennemi public par le Sénat et contraint de se suicider en 68.
Tacite, Suétone, Sénèque, Dion Cassius nous racontent.Textes réunis et présentés par Alain Rodier.
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Jacques de Molay ; le dernier grand-maître des Templiers
Philippe Josserand
- Les Belles Lettres
- 20 Septembre 2019
- 9782251449777
Aujourd'hui encore, Jacques de Molay fascine. Parmi les vingt-trois grands-maîtres qui se sont succédé à la tête de l'ordre du Temple entre 1120 et 1312, il est sans doute le seul dont le public intéressé par l'histoire conserve la mémoire. Les Rois maudits de Maurice Druon l'ont immortalisé et de récents supports, du Da Vinci Code à Assassin's Creed, ont répandu son nom dans le monde entier. Pourtant, s'il est ancré dans le mythe, Jacques de Molay n'a guère captivé les historiens. Il est un « inconnu célèbre », d'ordinaire déprécié, sur lequel bien des incertitudes persistent jusque pour ses dates essentielles - sa naissance, son élection ou même sa mort. Les traces de son action, toutefois, sont loin d'être indigentes. Ces sources, étudiées de façon systématique et confrontées aux différentes mémoires existantes, offrent un nouvel éclairage sur le grand-maître : débarrassé des stéréotypes, Jacques de Molay peut enfin sortir de l'ombre.
Trois parties structurent le livre. La première traite des images du dignitaire, révélant comment, à partir du début du XIXe siècle, un archétype du héros tragique s'est mis en place. La seconde s'attache à l'homme et analyse son parcours pour établir la manière dont il s'est élevé jusqu'au sommet du Temple au sort duquel, de la Terre sainte aux geôles de Philippe le Bel, il s'est identifié. Les engagements de Jacques de Molay, enfin, sont au coeur de la troisième partie. Le soutien à l'Orient latin et la défense de son ordre, qu'il s'est efforcé d'adapter au mieux à une conjoncture lourde de périls, ont été les priorités de cet homme ferme et entreprenant, bien loin de l'incapable que trop d'auteurs décrivent. Ainsi, jusque dans la tourmente du procès du Temple, il a cherché à sauvegarder son institution puis arrêtée la perte de celle-ci, à en préserver la mémoire face aux juges et à la mort : il le fit, le 11 mars 1314, en rétractant des aveux arrachés six ans et demi plus tôt sous la torture, prêt à affronter le bûcher et à réaliser ce sacrifice ultime de sa vie dont la postérité l'a vengé en y trouvant, au fil des siècles, l'assurance croissante du martyre. -
Pour comprendre Napoléon, pour comprendre la fascination qu'il exerce sur nous deux cents ans après sa mort, il faut passer par Rome. Stendhal nous l'apprend dès les premières lignes de La Chartreuse de Parme : « après tant de siècles, César et Alexandre avaient un successeur. » Quoi ? Nous préférons regarder l'Antiquité comme un aimable decorum, offrir l'image d'Épinal d'un Napoléon costumé en Romain, alors qu'elle pourrait bien être son ADN.
De la soif de conquête à l'apothéose finale, Napoléon Bonaparte a sculpté sa légende dorée ou noire dans le marbre antique faisant de son gouvernement un précis d'histoire romaine, des fondations de la République jusqu'aux règnes de Constantin et de Justinien, favorisant la paix religieuse, promouvant le Code civil... ou organisant un véritable culte de sa personne, fidèle aux empereurs sanguinaires dépeints par Suétone. Car de la Rome antique, Napoléon retient avant tout la leçon d'immortalité.
Le premier empereur des Français serait-il le dernier Romain ? La réponse dans cet essai novateur qui recèle bien des surprises.
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Cléopatre, l'Egyptienne
Bernard Legras
- Les Belles Lettres
- Mondes Anciens
- 22 Octobre 2021
- 9782251452135
Ce livre offre un regard neuf et richement documenté sur le règne de Cléopâtre. Il démontre que la reine, qui s'affirmait comme une femme d'État, était pour ses sujets à la fois grecque et égyptienne. Le livre témoigne de l'enracinement dans son royaume du dernier souverain hellénistique, une « Grecque d'Égypte » vue comme « une Égyptienne » par les sources anciennes (influencées par la propagande d'Octavien, rival d'Antoine). Bernard Legras dresse également un bilan de la situation chaotique de royaume à la mort de son père Ptolémée XII « Aulète » (« Joueur de flûte ») et des rivalités naissantes avec les membres de sa fratrie. Cléopâtre s'imposa en éliminant sa soeur cadette, Arsinoè IV, et ses deux jeunes frères, Ptolémée XIII et Ptolémée XIV. Sa volonté de redonner à son royaume la puissance qu'il avait au début de l'ère hellénistique, la conduisit à valoriser les richesses de l'Égypte, et donc à lier totalement son destin aux atouts que lui donnaient le contrôle et l'exploitation de cette terre conquise par le premier roi grec devenu pharaon, Alexandre le Grand. Les ordonnances de la reine conservées sur papyrus ou sur des inscriptions avaient pour but de reconstituer son économie, d'assurer le bien-être à ses sujets, et de maintenir une puissance militaire. Le livre montre son habileté à nouer des alliances avec les imperatores romain, Jules César, puis Antoine, afin de maintenir l'indépendance menacée de son royaume.
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La gloire et la cendre : l'ultime victoire de Napoléon
Patrick Tudoret
- Les Belles Lettres
- 6 Mai 2021
- 9782251451916
Que se passe-t-il ce 15 décembre 1840 où les « cendres » de Napoléon Ier sont transportées, en grande pompe, de Courbevoie jusqu'à l'hôtel des Invalides ?
En dépit d'un froid sibérien, une véritable marée humaine - plus d'un million de personnes, dont Hugo, Balzac, Gautier et tellement d'autres -, vient rendre hommage à la dépouille d'un empereur déchu, mort dix-neuf ans plus tôt sur une île anglaise perdue, hostile, battue par les vents.
Quelques mois auparavant, La Belle-Poule appareillait à Toulon, sous le commandement du prince de Joinville, fils du roi Louis-Philippe, et c'était le début d'une incroyable et bouleversante épopée, de la dernière campagne du grand exilé de Sainte-Hélène. Ce sera son ultime victoire
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LA VERITABLE HISTOIRE DE : Marc Aurèle
Pamela Ramos
- Les Belles Lettres
- La Veritable Histoire De
- 4 Juin 2009
- 9782251040042
De Marc Aurèle (121 - 180).
L'Histoire retient surtout l'empereur philosophe, opposant bonté, raison et tempérance aux troubles d'un empire chancelant. Fils adoptif d'Antonin le Pieux, fort d'une solide éducation. il prend le pouvoir tardivement, non sans appréhension. Partisan du peuple et du Sénat, il affronte avec patience et endurance, malgré une santé précaire. les prémisses des invasions barbares. Il subit la grande peste de 167, l'épreuve du partage du pouvoir, la trahison de son général, Cassius.
Et le fanatisme chrétien, vivace et encore neuf. Solitaire écrivant ses Pensées les soirs de campagne. Marc Aurèle ne renonce jamais à la philosophie comme remède, comme lien universel ne souffrant aucune frontière, poursuivant un idéal d'unification des peuples en une Cité commune, régie par la raison. Raillé par ses détracteurs pour son manque de fermeté. encensé par son entourage pour ses qualités humaines exceptionnelles.
Il laissera à l'Empire romain un fils tyrannique et violent, Commode, qui s'empressera de piétiner les principes de son père. L'Histoire auguste, Dion Cassius, Fronton. Eusèbe de Césarée ou encore Aurélius Victor, témoins et historiens antiques. nous dévoilent qui fut véritablement Marc Aurèle, philosophe et empereur.
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Cette biographie du fondateur l'empire romain propose, à travers le récit des événements historiques, une réflexion sur les pratiques du pouvoir dont auguste donne un exemple universel.
L'oeuvre d'auguste est considérable : héritier de césar, il met l'ordre dans l'empire après un siècle de guerres civiles, y maintient la paix, orne rome de grands complexes urbains. pourtant, il n'a cessé d'avancer masqué, d'oú la personnalité complexe et fascinante du personnage: un masque de douleur et de clémence pour une obstination froide et calculée, une apparence éternelle de beauté et de sagesse pour un corps constamment souffrant et infirme, une sérénité de façade pour un esprit anxieux et torturé par le remords.
Ses rapports avec ses proches sont tout aussi tourmentés, avec, notamment, son épouse livie, enlevée à un premier mari, ou sa fille julie, bannie pour tentative de complot. cette biographie, la première en français depuis 1930, rend enfin justice à l'un des personnages essentiels, et pourtant assez mal connu, de toute l'antiquité romaine.
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LA VERITABLE HISTOIRE DE : Tibère
Christopher Bouix
- Les Belles Lettres
- La Veritable Histoire De
- 18 Mai 2011
- 9782251040103
De Tibère (42 av. J.-C. - 37 ap. J.-C.), l'Histoire retient surtout l'image d'un homme tourmenté, mélancolique et misanthrope, renonçant au pouvoir pour se livrer à d'inavouables débauches.
Le beau-fils d'Auguste est pourtant dans sa jeunesse un général adulé, reconnu par tous pour ses qualités militaires et son génie stratégique. Élevé par la « marâtre » Livie dans le culte du pouvoir, Tibère est longtemps le jouet de manigances politiciennes avant de parvenir sur le trône impérial et de se voir assigner cette tâche impossible : devenir César après Auguste.
Jusqu'au jour où il décide de tout quitter.
Suétone, Tacite, Velleius Paterculus ou Dion Cassius nous racontent l'histoire d'un empereur malgré lui qui chercha, sa vie durant, à se dérober au monde et aux rouages de l'Histoire.
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LA VERITABLE HISTOIRE DE : Constantin
Pierre Maraval
- Les Belles Lettres
- La Veritable Histoire De
- 5 Février 2010
- 9782251040066
La tradition historiographique dans sa diversité considère la conversion de Constantin au christianisme comme un moment décisif tant pour l'histoire de la Chrétienté occidentale et de Byzance que pour celle de l'Empire romain. Sa victoire sur Maxence, le 28 octobre 312 au pont Milvius, est restée célèbre car c'est à la veille de la bataille que Constantin aurait vu une croix lumineuse. Les conséquences idéologiques sont immenses et l'Empire donne ainsi à l'église chrétienne une position officielle (édit de Milan, 313). En 325, est réuni, à son initiative, le premier concile oecuménique à Nicée pour mettre un terme à l'hérésie arienne qui déchirait l'Église.
Cet empereur au long règne (306-337), maître tout puissant de l'Empire après plusieurs guerres contre ses rivaux, met fin au système tétrarchique en rétablissant la monarchie héréditaire. Homme politique d'exception, Constantin est aussi un grand bâtisseur. Constantinople, la ville qui porte son nom, sera pour onze siècles la capitale politique, culturelle et artistique de l'Empire romain d'Orient, le centre d'une brillante civilisation.
À sa mort, après avoir favorisé de nombreuses réformes politiques, monétaires et fiscales, sociales et religieuses, Constantin laisse derrière lui un empire pacifié. De ce personnage pragmatique et efficace que disent les sources controversées tant païennes que chrétiennes ? On trouvera dans ce livre le récit des grandes étapes de sa vie, au travers des témoignages favorables ou défavorables de Lactance, Eusèbe de Césarée, Libanios, Zosime et bien d'autres.
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Les Inscriptions d'Asoka
Asoka, Jules Bloch
- Les Belles Lettres
- La Voix De L'Inde
- 8 Février 2007
- 9782251720159
Sacré vers - 260 avant J.-C., l'empereur Asoka, de la dynastie Maurya, régna durant trente-six ans et unifia le plus vaste territoire connu de l'histoire indienne. Souverain longtemps légendaire, réputé pour avoir tué ses quatre-vingt-dix-neuf frères afin d'accéder au pouvoir, il entra dans l'Histoire avec la découverte, à partir de 1837, de plusieurs piliers situés à des milliers de kilomètres les uns des autres et portant de longues inscriptions rédigées à la première personne : ce sont ses Édits. Dans ces textes, qui commencent par la formule « Le roi ami des dieux au regard amical parle ainsi », Asoka énonce, dans les six premiers : le progrès de la Loi, la définition de la Loi, le péché, les devoirs des contrôleurs et la protection des animaux. S'y ajoutent ensuite diverses mesures pour le bien-être des populations et autres ordonnances. La philosophie qui inspire les Édits est bouddhiste, et l'Empereur regrette les guerres du début de son règne, mais il ne renie pas le brahmanisme. Soucieux d'être compris de ses sujets, Asoka a fait écrire ses Édits en divers dialectes locaux, proches du prâkrit (lui-même dérivé du sanscrit), et adoptant les graphies du lieu. Ces Édits, qui forment un bref traité de politique et de morale, sont uniques dans l'histoire humaine : jamais Empereur ne s'est exprimé en termes semblables.Traduit et commenté par Jules Bloch.
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Ali Boumendjel (1919-1957) ; une affaire française, une histoire algérienne
Malika Rahal
- Les Belles Lettres
- L'histoire De Profil
- 28 Septembre 2010
- 9782251900056
En mars 1957, la presse anonce la mort d'un « petit avocat musulman » : « Qui a tué Maître Boumendjel ? » titre France Observateur. On s'interroge sur un faux suicide. Mais que faisait donc ce « modéré » entre les mains des « paras » ? Pourquoi a-t-il été assassiné, comme le reconnaîtra le général Aussaresses dans ses mémoires en 2001 ?
L'homme était un militant de l'Union démocratique du Manifeste algérien (UDMA), l'organisation de Ferhat Abbas. Son parti, perçu comme modéré, bourgeois, francophone et intellectuel a été gommé de l'histoire officielle algérienne et largement ignoré par les historiographies françaises et algériennes. Au moment de son arrestation, Boumendjel faisait le lien entre la direction de l'UDMA et la direction algéroise du FLN. Il conjuguait alors, comme il l'avait toujours fait sans complexe, la culture française avec un nationalisme algérien, républicain et démocratique. Il y a plusieurs histoires dans cette histoire : une histoire française et une histoire algérienne, celle d'une affaire qui a secoué les intellectuels français et l'histoire d'un héros et d'un martyr. L'une et l'autre éclairent d'une lumière nouvelle les récits existants.
Au mépris qu'Aussaresses exprime à l'encontre de cet intellectuel, aux abracadabrantes explications qu'il donne de son arrestation, il est nécessaire d'opposer un travail d'historien. À l'histoire officielle algérienne, qui tente aussi d'intégrer Ali Boumendjel parmi ses martyrs en schématisant son parcours, il était importe d'opposer la richesse d'une biographie familiale, la complexité d'un engagement politique nuancé et d'un idéal à la fois algérien et républicain, partagé par nombre de nationalistes d'alors, et susceptible de trouver aujourd'hui un écho de l'autre côté de la Méditerranée.