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Claire Paulhan
-
L'écrivain, comme personne (essai de fiction)
Patrick Kéchichian
- Claire Paulhan
- 3 Avril 2023
- 9782912222787
Exercice d'introspection morale et visionnaire, L'écrivain, comme personne est le dernier livre de Patrick Kéchichian. Il y cerne la tension entre l'« inconnaissance » des origines, les « taiseuses dérives » de l'adolescence et la fragile « loi d'équilibre » de la vie adulte, toujours menacée par l'« ivresse de l'effacement».
« Si je me confesse aujourd'hui, si je développe et retourne comme un gant ma petite histoire intime, ce n'est pas à voix basse, feutrée, confortablement installé dans mon boudoir, en robe de chambre, mais en la hurlant, comme l'assoiffé couvert de cendres qui court, nu, éperdu, dans le désert. »
Depuis l'espace du dedans jusqu'au loi de l'hospitalité, en passant par les sentiments de désespoir et d'imposture, la tentation de la folie, la double conversion bienfaisante à la langue française et à la foi catholique, le dépôt des armes sociales, Patrick Kéchichian met à nu sa conscience et son « insolvabilité psychique » : « Par la reconnaissance du mal, la voie était donc ouverte au bien. »
Prisant un style pesé au trébuchet et non dénué d'auto-dérision, il dévoile l'axe de sa démarche : « Je ne suis pas fou ». Et pose la question qui embrasse tout : « Comment, en un seul geste, donner et recevoir ? Parler et écouter ? Lire et écrire ? » Après avoir creusé de ses propres mains son abîme, il accède enfin, en écrivain, à cette « mince barrière de mots et d'intuitions, d'espérance. De larmes. » -
"Conquête facile, Daniel aime l'amour, les Champs-Élysées, les grandes
automobiles et les cocktails. Autrefois, il aimait la campagne et, dans son jardin désordre, les asters bêtes et tristes et le grand plant d'asperges où l'on coupait, à l'automne, des brassées de feuillages roux que sa mère disposait dans les vases du salon pour faire un fond aux chrysanthèmes.
Il aimait aussi les mots d'où partent, mieux que des gares, les vrais
rapides qui nous entraînent.
Il aimait la lecture et l'encre, maintenant cette femme."
Quand Mireille Havet écrit ce roman, Carnaval, elle est encore nimbée de sa renommée de jeune poète prodige, que Guillaume Apollinaire lui a forgée juste avant la Grande Guerre. Elle a alors un peu plus de vingt ans, fraye volontiers avec les plus désaxés de sa génération, aime par-dessus tout le Paris noctambule des Années folles, regrette la douce campagne de son enfance, croit encore à son avenir d'écrivain et se remet à peine d'une liaison exaltante et humiliante, peu secrète en tout cas, avec la "d'annunziesque" comtesse de Limur.
Mireille Havet a décrit dans son Journal les aléas de cette relation dont elle désire - et ne désire pas - guérir ; elle en a parfois repris certains passages, lyriques et obsédants. Mais Carnaval se veut un roman dans l'air du temps : vif, élagué, irrespectueux des genres littéraires et "crypté". La dure et brève passion de ces deux amantes se traduit littérairement en une aventure - presque une épreuve initiatique - entre une femme mûre, son mari et un tout jeune homme : Madeleine et Jean de Limur deviennent, dans ce roman à clef,
l'excessive Germaine et l'ironique Jérôme ; Mireille Havet est le naïf, puis le cynique Daniel, Sacrifice aux conventions qui, à vrai dire, ne trompa personne ni ses amis et relations, ni la critique. Car l'histoire vécue et l'intrigue on le découvre aujourd'hui, on devait le deviner autrefois sont identiques, ainsi que les circonstances, les décors, les retournements incessants et le paradoxe des sentiments"
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« Par amour de l'aventure, de l'ombre qui masque et de l'équivoque,
j'ai préféré le mardi-gras où l'on pleure sous son masque, à tous les
jours, et me voilà grimée pour la vie en pantin que rien ne casse, en
fantoche de bois. Horreur ! Puisque tu es si consciente, me direz-vous,
ô mes rares amis, pourquoi ne pas t'arrêter, ne pas reprendre souffle,
pourquoi ? Parce qu'il est déjà trop tard, ou bien trop tôt, vous
dirai-je, parce que je suis contaminée, parce que maintenant l'ennui me
terrasse dès que je m'arrête, dès que je me tais, et que la solitude
m'est un supplice bien mérité que ma faiblesse et ma lâcheté ne
supportent plus ! Il faudrait qu'un être qui ne serait pas un maître
d'école m'aime et me sauve par l'amour, par le voyage, par le travail
compris et partagé, par l'argent ! Alors je renaîtrais à moi-même et le
bon grain reprendrait ! Alors j'oublierais la parade du vice, le
sadisme de la souffrance, la morbidité des larmes et des déceptions
profondes et soutenues. Mais seule ! je ne peux et je ne veux pas. Je
ne peux plus ! et je ne veux plus ! Le manque d'argent continuel fait
que je préfère ce milieu louche où l'on nage, où l'or s'attrape comme
les maladies, où l'on revend, prête et trafique jusqu'à l'âme. »
28 septembre 1919
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Mémoires 1895-1981 : "ça manque de sang dans les encriers"
Marcel Sauvage
- Claire Paulhan
- Pour Memoire
- 19 Avril 2021
- 9782912222718
Enfant du quartier de la «?Popinque?» à Paris, étudiant en Médecine, Marcel Sauvage (1895-1988) devance l'appel, à l'heure de la Grande Guerre. Il en sort grièvement blessé, alors que s'affirment ses idées pacifistes et individualistes.
Dans le Montparnasse des années 20, son goût pour la littérature et l'art se développe au contact des avant-gardes, poètes et peintres - dont Vlaminck, Pascin, Creixams, Penrose, Becker.
Il publie dès 1918 des essais, Au rythme des idées, des contes dans Le Matin de Colette, puis des recueils de poèmes?: Quelques choses!.. (1919), Voyage en Autobus (1921), Le Chirurgien des Roses (1922), Cicatrices (1923), qui révèlent un «?chercheur de rythmes, de mots et de sensations?», selon Renée Dunan.
Homme de presse et de réseaux, il participe à d'innombrables feuilles libertaires et fonde avec Florent Fels en 1920 l'importante revue littéraire d'avant-garde Action, sous l'égide de son «?maître?» Max Jacob.
De santé fragile, il partage sa vie entre le Sud de la France et Paris, entre son épouse Renée et sa maîtresse Paule Malardot, entre le métier de journaliste-reporter et sa flamme de poète, un temps affilié aux anarchistes individualistes.
Sa rencontre avec Joséphine Baker, dont il rédige les Mémoires en 1927, le fait accéder à une certaine renommée. Il devient juré du prix Renaudot à partir de 1927, représentant son journal L'Intransigeant, pour lequel il voyage beaucoup.
Dès 1940, il se réfugie en Afrique du Nord, où il mène une existence difficile?: il travaille pour le journal T.A.M. [Tunisie-Algérie-Maroc] et un de ses recueils (Poème sans fil) paraît chez Charlot. Fidèle à son condisciple du lycée de Beauvais, Pierre Pucheu, il témoigne, en mars 1944, en faveur de l'ancien ministre, à rebours de l'Histoire. De retour en France en 1945, il est assez isolé et se tourne vers la radio.
Marcel Sauvage est l'auteur oublié de livres divers et surprenants, tel ce recueil de contes, Le Premier Homme que j'ai tué (1929), ce roman de science-fiction, La Fin de Paris ou la Révolte des statues (1932), ce Manifeste du Vitalisme (1939) qui résonne toujours d'une éclatante jeunesse, ou l'inclassable Gardiens de la parole (1947).
Écorché et inquiet, il demeure à la recherche d'une fuyante notoriété, confiant à Pierre Humbourg en 1953?: «?Un jour peut-être on s'apercevra que je ne suis pas un bâtard de Max Jacob, de Salmon, de Cendrars, non plus que de Prévert. J'écrivais en même temps que les premiers et plus de 25 ans avant le dernier.?»
Au début des années 1980, Marcel Sauvage, avec l'aide de Jean José Marchand, écrit ses Mémoires, destinés à être publiés par Luc Estang aux éditions du Seuil. C'est cette autobiographie, restée inédite, que l'écrivain, éditeur et critique Vincent Wackenheim a préfacée et annotée avec verve. -
Il m'arrive de rêver que nous aurions pu nous connaître avant. Avec le même âge. Je crois que nous serions restés amis. » (Georges Perros à Jean Paulhan) 1953 : La Nouvelle Revue française renaît de ses cendres. Jean Paulhan, alors septuagénaire, cherche des regards neufs : Jean Grenier lui présente le jeune Georges Poulot, tout juste âgé de trente ans, ancien sociétaire de la Comédie-française avec Gérard Philipe, lecteur pour le TNP de Jean Vilar. Ainsi débute à La NRF celui qui prend le nom de Georges Perros.
Cinquante-huit critiques et quelques «papiers collés» plus tard, le «petit noteur» est devenu un écrivain à part entière. Entre temps, il a préféré s'esquiver, prendre la tangente sur sa pétaradante moto et se réfugier au fin fond de la Bretagne.
Refusant d'être publié en volume ou de se présenter à des prix littéraires, Georges Perros assume sa «sociale insignifiance» : «Ce que ces notes m'ont apporté, explique-t-il en septembre 1954, m'a comblé. Vous savez ce que je veux dire. L'important, c'est de continuer, quoique comblé.» Sauvage, instable, Perros ne décourage pas Paulhan. Bien au contraire, sa personnalité tourmentée l'intrigue, son esprit ironique et pince-sans rire excite sa curiosité. Mieux : il voit en son cadet la figure même de la littérature vivante - celle qu'il faut soutenir, publier, pousser dans ses retranchements.
Mais Georges Perros est aussi l'un des rares correspondants de Jean Paulhan à lire son oeuvre de manière désintéressée et à le suivre sur ce terrain du langage qui hante le directeur de La NRF : «Vous tournez autour des difficultés centrales - et rien moins que littéraires -, écrit Perros dans sa toute dernière lettre, comme un tigre qui voudrait manger un bout de la cuisse de la vérité.» Non sans courage, il tente de cerner le secret de Jean Paulhan, à l'aide des prismes de la poésie et de la psychologie. «Ce qui se passe (à l'endroit qui nous occupe), lui répond celui-ci, est tellement bizarre et contradictoire qu'il est d'abord difficile de se défendre de la conviction qu'on est vide, très exactement que l'on n'est personne. Mais je crois qu'il faut se défendre et qu'on est assez vite récompensé. Eh bien vos pages sont l'une de ces récompenses.» Il est d'autres «récompenses» au coeur de ces 211 lettres qui rythment «l'épreuve du compagnonnage» des deux épistoliers : les parties de boules aux Arènes de Lutèce, les visites à la ménagerie du Jardin des Plantes ou les nouvelles des migrations saisonnières des sardines dans la baie de Douarnenez...
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Journal 1927-1928 "héroïne, cocaïne ! la nuit s'avance..."
Mireille Havet
- Claire Paulhan
- 1 Mars 2010
- 9782912222336
Après avoir publié des poèmes et des contes fantastiques - La Maison dans l'oeil du chat (G. Crès, 1917) et un roman à clé, Carnaval (Albin Michel, 1923) -, celle qui fut autrefois la prometteuse « petite poyétesse » d'Apollinaire s'enfonce dans une terrible impasse : «Pas d'argent. Pas de rémission. Pas d'amis. Pas d'explication possible à leur donner qui, désormais, justifie que cet état se prolonge, du reste, et que je sois toujours empêchée de gagner normalement ma vie. Je ne suis plus un enfant qui attire la compassion et un intérêt attendri. Comme les autres, seule comme les autres, un cas entre des millions, sans autre singularité qu'un glorieux et étincelant début et une fin lamentable, complètement anonyme et obscure pour tout ce même monde qui, à 15, 16, 17 et jusqu'à 25 ans même, attendait de moi son divertissement intellectuel principal, m'accordait du génie et, en échange, me promettait une gloire sans précédent.» Dans ces années 1927-1928, hantées par l'idée du suicide, passent les figures du poète Pierre de Massot, de sa compagne Robbie Robertson - qui devient celle de Mireille Havet -, de l'écrivain anglais Mary Butts, des actrices Alice Simond et Renée Fagan, de l'Américaine Norma Crandall.
Désormais ses amantes sont plus désargentées ou plus égoïstes, les drogues dures ne la lâchent plus et les vrais amis s'éloignent. Mais l'écrivain Mireille Havet persiste à travers les seules «pages d'injures et d'infamie» de son Journal.
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Ce n'était certainement pas dans la nature, ni dans l'esprit de Jean Paulhan (1884-1968) de tenir un journal intime ou littéraire : « Tu commences à peine et tu butes déjà, notait-il en s'adressant à lui-même le 15 décembre 1926. Il te semble déjà qu'un journal ne peut pas être tenu et essentiellement dans la disposition où tu es - que le vrai n'est pas ce que tu disais. » Pourtant, il laissa derrière lui carnets, cahiers et feuillets, écrits à diverses périodes cruciales ou douloureuses de sa vie : ces textes, qu'il avait partiellement relus peu avant sa mort, sont ici réunis dans leur intégralité chronologique. Autant sa correspondance actuellement en cours d'édition montre l'homme au travail, l'ami en action, le critique en éveil, le directeur littéraire en autorité, autant ces écrits intimes, qui vont de 1904 aux dernières années de Jean Paulhan, évoquent la sensibilité rêveuse du jeune étudiant en philosophie, la fascination pour le peuple malgache, les violentes inquiétudes du fiancé, du mari et du père, le refuge du soldat adultère dans la maladie, les doutes de l'écrivain et du linguiste, les « progrès en amour assez lents » et assez tard, les amitiés profondes pour des hommes - Fénéon, Groethuysen, Muselli - dont il parle comme de lui-même, enfin les souvenirs de son enfance nîmoise :
« Dès l'âge de dix ans, je crois, écrit-il en 1946, j'ai désiré devenir vieux. À quel âge, me demandais-je, cesse-t-on d'exiger d'un homme qu'il fasse des études, qu'il ait un métier et gagne sa vie, qu'il ait femme et enfants, qu'il coure les femmes, qu'il boive au café, et le reste. J'ai vieilli et je vois que je ne me trompais pas. Voici peut-être cinq ou six ans seulement que je me sens libre, et, oui, précisément heureux : d'un bonheur fondé (alors que mes joies d'enfant, plutôt rares, mais très vives, me paraissaient toujours inexplicables). Fondé, je veux simplement dire proche de moi, facile à rappeler. Je ne veux pas dire naturel. » Au coeur de ces textes autobiographiques rassemblés, où Jean Paulhan se cache autant qu'il se livre, se trouve l'une des clés de sa personnalité - clé liée à un profond secret, subi et contenu : « Aussi assidûment, aussi sagement que Breton à devenir fou, écrit-il le 22 octobre 1925, je me serai appliqué à cesser de l'être toute ma vie. »
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Mireille Havet (1898-1932), la «petite poyétesse» d'Apollinaire, jusque-là sûre de l'originalité ravageuse de son talent littéraire, de sa personnalité et de ses amours, rencontre une femme qui ne lui ressemble vraiment pas, Reine Bénard : ce nouveau tome de son Journal des années 1924-1927 - qui prend la suite des tomes 1918-1919 et 1919-1924 (éd. Cl. Paulhan, 2003 et 2005) -, est entièrement dédié à la description de la courbe de cet amour qui fut tendre et libre, avant de devenir infernal et de précipiter Mireille Havet dans les affres de l'échec et les délires de la drogue.
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Il est un homme qui préfère, en 1883, Rimbaud à tous les poètes de son temps ; défend dès 1884 Verlaine et Huysmans, Charles Cros et Moréas, Marcel Schwob et Jarry, Laforgue, et par-dessus tous Mallarmé. Découvre un peu plus tard Seurat, Gauguin, Cézanne et Van Gogh. Appelle à La Revue blanche, qu'il dirige de 1895 à 1903 - oui, de 1895 à 1903 -, André Gide et Marcel Proust, Apollinaire et Claudel, Jules Renard et Péguy, Bonnard, Vuillard, Debussy, Roussel, Matisse. Comme à La Sirène, en 1919, Crommelynck, Joyce, Synge et Max Jacob. L'homme heureux ! Il est à la rencontre de deux siècles. Il sait retenir, de l'ancien, Nerval et Lautréamont, Charles Cros et Rimbaud. Il introduit au nouveau Gide, Proust, Claudel, Valéry, qui apparaissent. Nous n'avons peut-être eu en cent ans qu'un critique, et c'est Félix Fénéon. Cela fait une étrange gloire, hors des enquêtes et des anthologies, hors des académies et des journaux, hors de la vie, comme on dit, littéraire. Cela fait une gloire mystérieuse qu'il faudrait serrer de plus près, qu'il faudrait comprendre. » Il s'agit là d'une nouvelle édition de F. F. ou le Critique, avec des notes sur les variantes d'un texte de Jean Paulhan, publié en 1943 par Confluences, en 1945 et 1948 par Gallimard, en 1969 par Claude Tchou, pour Le Cercle du Livre précieux. Suivent un dossier de fac-similés, montrant des pages d'un des manuscrits de F. F. ou le Critique et des fragments non retenus par Jean Paulhan, ainsi qu'un dossier de réception critique, comprenant des textes de Maurice Blanchot (« Le Mystère de la critique »), Alexandre Astruc (« F. F. ou de la Vocation »), André Berne-Joffroy (« F. F. »), André Billy (« Fénéon, Paulhan ou la Critique »), Raymond Guérin (« Jean Paulhan ou d'Une nouvelle incarnation des Lettres »), Maurice Nadeau (« Les oeuvres de Félix Fénéon ») & André Wurmser (« Félix Fénéon, homme d'hier »).
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Journal 1940-1944 ; « que passent les heures, les jours, les nuits et que la France renaisse »
Hélène Hoppenot
- Claire Paulhan
- 19 Mars 2019
- 9782912222640
Dans le premier tome de son Journal 1918-1933, Hélène Hoppenot (1894-1990), femme de diplomate, nous entraînait de Paris à Rio de Janeiro, Téhéran, Santiago du Chili, Berlin, Beyrouth, Damas et Berne. Dans le deuxième tome (1936-1940), elle racontait avec verve les tractations secrètes et les décisions erratiques du gouvernement français. Son mari, Henri Hoppenot, est alors à la tête de la «?Sous-Direction Europe?» et tous deux sont proches d'Alexis Léger (soit Saint-John Perse), secrétaire général du Quai d'Orsay).
Au début du troisième tome, en 1940, nous retrouvons les Hoppenot en Uruguay?: «?Nous tous, exilés diplomatiques, sommes devenus des épaves.?» Soumis au rythme des chassés-croisés incessants, des ordres et contre-ordres incohérents, ils subissent l'illisible politique de Vichy. Malgré tout, Hélène Hoppenot garde espoir?: «?Depuis deux ans - et quels qu'aient été les désastres subis - j'ai toujours cru à la victoire de l'Angleterre. Par instinct et non, hélas, par raison. Un univers nazi est inconcevable.?» Elle va rapidement convaincre son mari qu'il lui faut choisir le général de Gaulle contre le «?terrible vieillard?» et le gouvernement de Vichy - dont Henri Hoppenot est pourtant le représentant légal à Montevideo - et contre Alexis Léger, qui voit en de Gaulle un futur dictateur. La tension et la complexité de ces années difficiles affectent le moral de Hélène Hoppenot, mais pas son sens critique?qui ponctue, en temps réel, les échos, les fausses nouvelles et les rumeurs qu'elle consigne...
Heureusement, elle retrouve de vrais amis sur le continent américain?: Gisèle Freund, Darius Milhaud, Jules Supervielle, Henri Seyrig, la famille de Paul Claudel... Et le tumultueux séjour à Montevido de Louis Jouvet et de sa troupe de comédiens en 1941 est une distraction bienvenue dans le désert culturel urugayen.
Après la démission de Henri Hoppenot, le 25 octobre 1942, ils partent sans regret pour les États-Unis, où ils retrouvent Alexis Léger et des intellectuels européens exilés. Traversée du désert... Mais c'est Henri Hoppenot, nommé à la tête de la délégation française à Washington, qui organise en juillet 1944 -?soit entre le Débarquement et la Libération de Paris?- le séjour à Washington et New York du général de Gaulle. Soutenu par Hélène Hoppenot, il fait alors partie de ceux qui contribuent à arracher aux autorités américaines la reconnaissance officielle du chef de la Résistance française.
Hélène Hoppenot était très consciente de l'importance de noter les propos entendus, les choses vues dans la coulisse, avant de les retrouver déformés ou censurés par les journalistes, comme Geneviève Tabouis ou «?Pertinax?», selon leur orientation... Ce Journal 1940-1944 livre donc quantité d'informations pour les historiens, tout en constituant un témoignage d'une grande honnêteté intellectuelle.
Édition établie et annotée par Marie France Mousli, qui a déjà proposé le Journal 1918-1933 de Hélène Hoppenot, paru en 2012, puis le Journal 1936-1940, paru en 2015.
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Guillaume Apollinaire & André Salmon, correspondance 1903-1918 & florilège 1918-1959
Guillaume Apollinaire, André Salmon
- Claire Paulhan
- Tire-a-part
- 12 Avril 2022
- 9782912222732
La vie courte d'Apollinaire (1880-1918) est bien connue, depuis l'enfant en costume marin jusqu'au poète à la tête bandée, sanglé dans son uniforme bleu horizon. On ne peut en dire autant d'André Salmon (1881-1969), qui survécut plus de cinquante ans à son compagnon. Unis par « une amitié qui ne peut finir », les deux poètes n'ont cessé de se voir et de s'écrire. Leur correspondance, ici réunie pour la première fois, fait revivre toute une époque créatrice, peuplée de leurs amis Maurice Cremnitz, René Dalize, André Derain, Max Jacob, Marie Laurencin, Jean Mollet, Pablo Picasso, Alfred Jarry, Jean Cocteau...
Conçu sur le modèle du puzzle et du décryptage, ce livre propose deux ensembles de textes classés par ordre chronologique : une série de 90 lettres et documents, écrits depuis leur rencontre jusqu'à la mort d'Apollinaire, permet de suivre les avatars d'un compagnonnage «fondé en poésie» (1903-1909), fluctuant (1909-1914), enfin confraternel (1914-1918). Puis un « florilège » de 28 proses et poèmes, rédigés par Salmon entre 1918 et 1959, maintient un dialogue vivant avec le camarade perdu. L'écrivain, sollicité sans répit après la disparition de son ami, ne perdra pas une occasion de donner une image charmeuse « du rare inspiré et de l'homme succulent » qui fut sa jeunesse même.
Et l'opposition sommaire entre le fondateur du Festin d'ésope, de La Revue immoraliste et des Soirées de Paris, l'auteur d'Alcools et de Calligrammes, le conteur de L'Hérésiarque &Cie et du Poète assassiné, le défenseur des Peintres cubistes, et André Salmon s'efface devant le couple de ces deux poètes « en correspondance ». Un seul exemple : Salmon, léger d'argent, veut se marier le 13 juillet 1909 pour qu'il y ait feux d'artifice, illuminations et bals en l'honneur de ses noces. Témoin du marié, Apollinaire lui offre un poème, qui renforce l'illusion de fête générale, tout en témoignant de leur belle complicité :
« On a pavoisé Paris parce que mon ami André Salmon s'y marie / [...] Réjouissons-nous parce que, Directeur du feu et des poètes, / L'amour qui emplit ainsi que la lumière / Tout le solide espace entre les étoiles et les planètes, / L'amour veut qu'aujourd'hui mon ami André Salmon se marie »... -
Correspondance 1942 ; « Quel est donc ton tourment ? »
Simone Weil, Joë Bousquet
- Claire Paulhan
- 19 Mars 2019
- 9782912222633
Sept lettres, pas une de plus, échangées par la philosophe Simone Weil et le poète Joë Bousquet entre avril et mai 1942. Elles font suite à une rencontre que l'urgence du départ attendu par Simone Weil vouait à rester sans lendemain. À la veille de cette rencontre provoquée par Jean Ballard, directeur des Cahiers du Sud, ils ne se connaissaient pas personnellement, si ce n'est par quelques-uns de leurs écrits respectifs. Chacun attendant beaucoup de l'autre, leur « conversation nocturne » fut dense et riche. Ils firent l'un sur l'autre une impression profonde.
Intellectuellement, beaucoup les opposait : l'une avait fait le choix, remontant à Platon, du réel contre le rêve ; pour l'autre, au contraire, la quête du réel passait par le rêve. Ce fut pourtant le poète qui amena la philosophe à l'aveu des états mystiques qu'elle connaissait. Délivrée en quelque sorte de son secret, Simone Weil put alors laisser libre cours au flot tumultueux et magnifique de ses grands textes mystiques qui, tous, précédèrent son départ pour les États-Unis. Ainsi, sans cette rencontre et les lettres qui suivirent, notre connaissance de Simone Weil et de son oeuvre demeurerait incomplète.
L'intensité de l'amitié qui se noua entre ces deux êtres laissa pourtant intacte la singularité de chacun. C'est ce que sut résumer Joë Bousquet en une phrase lapidaire: « Ses pensées étaient les miennes mais elle se reposait dans les pensées qui m'ôtaient le repos. » Simone Weil (1909-1943) Brillante élève d'Alain, elle intègre l'ENS en 1928, partage bientôt les luttes syndicales et travaille une année en usine. Le domaine religieux exerce sur elle une emprise de plus en plus puissante ; elle se découvre mystique en 1938. Simone Weil mourut en exil à Londres à 34 ans laissant une oeuvre philosophique majeure.
Joë Bousquet (1897-1950) Engagé volontaire à 17 ans, médaillé militaire et sous-lieutenant à 18, touché à la colonne vertébrale à 21, désormais paralysé à vie des membres inférieurs, J. Bousquet ne vécut pas en reclus. Écrivant sans relâche, avec ses amis carcassonnais Estève, Nelli et Alquié, il créa en 1928 la revue Chantiers, fusionnée en 1930 avec les Cahiers du Sud. J. Paulhan, J. Cassou, P. Éluard, et de nombreux peintres furent ses amis et correspondants.
Édition établie, préfacée et annotée par Florence de Lussy, conservatrice générale honoraire à la BnF, et Michel Narcy, directeur de recherche émérite au CNRS.
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Correspondance 1925-1944 ; nos relations sont étranges
Pierre Drieu La Rochelle, Jean Paulhan
- Claire Paulhan
- 11 Décembre 2017
- 9782912222534
« Parlerons-nous politique ? » demande Drieu à Paulhan, un jour de 1936, après dix années de promesses non tenues et de vagues reproches. Le dialogue sera vain, peut-être, mais il est sincère, bien que l'écart se creuse, jusqu'en 1943, entre le conseiller municipal du Front populaire et le thuriféraire de Doriot, entre le patriote qui en appelle à « l'espoir » et au « silence » en juin 1940 et le fasciste qui rêve de créer à Vichy un parti unique, entre l'ancien et nouveau directeur de La NRF imposé par Otto Abetz. Leur dialogue est même remarquablement direct : « Nos relations sont étranges, écrit Drieu à Paulhan le 12 décembre 1942 : j'ai pour vous une véritable dilection qui m'est venue assez tard, à l'usage, un peu avant 1939, et en même temps je pense que nous sommes ennemis et que nous nous combattons. » Ces 169 lettres échangées le montrent : Paulhan n'a jamais rompu intellectuellement avec Drieu, tentant de comprendre sa logique singulière. Paulhan n'a jamais rompu avec La NRF, non plus : après avoir refusé la codirection de la revue avec Drieu, à l'automne 1940, c'est lui qui fixe, en sous-main, les règles de cette cohabitation forcée, conscient que cette « anti-NRF » permet à la maison d'édition de Gaston Gallimard de perdurer sous l'Occupation. « Je crois que ma raison (personnelle) de ne pas écrire dans la nrf demeure valable, précise pourtant Paulhan en juin 1941 : je ne puis qu'être solidaire de ceux de nos collaborateurs que j'y avais invités et que l'on renvoie. » Entre Paulhan et Drieu la Rochelle, peut-on parler d'une amitié ? Y eut-il autre chose que les relations complexes entre un éditeur et un écrivain, les conseils avisés d'un directeur de revue à son successeur, et enfin leurs paradoxales discussions politiques ? Malraux l'affirmera : « Pour Drieu, Paulhan n'était pas un résistant, pour Paulhan, Drieu n'était pas un collaborateur ». Est-ce pour cela que, sans poser de questions, Drieu intervint auprès des autorités allemandes en mai 1941 pour faire libérer Paulhan, arrêté avec d'autres membres du réseau du Musée de l'Homme ? Est-ce pour cela que Paulhan a toujours gardé le contact, et plus encore, avec le directeur collaborationniste de La NRF ?
Si Drieu incarne la mauvaise conscience du milieu intellectuel, Paulhan ne voit cependant pas en lui le traître par excellence. De fait, la question de la fidélité est au coeur de cette correspondance (et ce n'est pas un hasard si elle s'ouvre sur la douloureuse rupture entre Drieu et Aragon, dont Paulhan est l'arbitre à son corps défendant) : fidélité à l'amitié, fidélité à soi-même et à ses convictions politiques, fidélité à la France, à la revue... Pour Jean Paulhan, comme pour André Malraux ou Emmanuel Berl, Pierre Drieu la Rochelle a certes failli gravement - en particulier lors de ses dernières années - mais il ne s'est pas trahi. Il aurait même été « loyal » jusqu'à sa mort par suicide, le 16 mars 1945. Paulhan ne signifiait déjà rien d'autre à Gide, trois ans plus tôt : « Drieu est à mon égard, en tout ceci, gentil et loyal. (Nous autres directeurs de revues, sommes corrects en de tels cas). A peine semble-t-il, de temps à autre, m'adresser quelque reproche secret. » (15 mars 1942).
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Correspondance 1958-1966 ; mémoire d'André Breton à Charles Fourier: la révolution passionnelle ; rétrospections
Simone Debout, André Breton
- Claire Paulhan
- Tire-a-part
- 1 Novembre 2019
- 9782912222657
«?Si Fourier doit être -enfin !- interrogé passionnément, comme il l'exige, et non plus du bout des lèvres (passionnément, comme on interroge Rimbaud, que vous citez toujours si juste, par exemple), c'est à vous qu'il le devra -et vous savez que, lorsque je vous dis cela, il y va, à mes yeux, de l'avenir du monde.?» André Breton à Simone Debout 15 septembre 1958 « Rassembler des lettres d'André Breton et une correspondance vieille de plus d'un demi-siècle (de 1958 à la mort d'André Breton en 1966), c'est réunir les moments successifs d'un échange, d'une double fervente attention et d'un enthousiasme commun pour Charles Fourier. Des témoignages et plus, la mémoire réelle enclose comme une belle au bois dormant, consignée dans des lettres et les lettres des mots que le lecteur réveille et réanime : au présent, le double bonheur de découvrir Fourier et de rencontrer André Breton. » Simone Debout Mai 2019 Simone Debout, née en 1919, est l'éditrice des oeuvres complètes de Charles Fourier (Anthropos, 1966-1968?; Presses du réel, 1998-2013). Avec la révélation du Nouveau Monde amoureux (Anthropos, 1967?; Presses du réel, 1998), elle a notamment permis la redécouverte du philosophe dans ses dimensions politiques et sensuelles les plus subversives, celles restées inaperçues pendant plus d'un siècle. Dans « griffe au nez » (Anthropos, 1974??; Payot, 1999) ou dans L'Utopie de Charles Fourier (Payot, 1978?; Presses du réel, 1998), Simone Debout a exploré les voies d'une émancipation des désirs où la réalisation passionnée du singulier donne corps aux mouvements du collectif.
Après la Seconde Guerre mondiale qu'il a passée essentiellement à New-York, André Breton (1896-1966) est revenu en 1946 à Paris, où il relance le mouvement surréaliste. Il publie en février 1947 un long poème, l'Ode à Charles Fourier, et voit, moins de dix ans plus tard, de vrais passionnés de l'oeuvre du «?rêveur sublime?» le rejoindre, dont la résistante Simone Debout... «?Transformer le monde?» avec Marx, «?changer la vie?» avec Rimbaud et «?refaire de toutes pièces l'entendement humain?» avec Fourier??: ces maximes devenues indissociables dans l'esprit d'André Breton, peuvent alors trouver à s'incarner, et même à lui survivre.
Édition établie, annotée et présentée par Florent Perrier, avec le concours d'Agnès Chekroun.
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Lettres & enveloppes rimées à Noura (Suzanne des meules)
Félix Fénéon, Joan Ungersma Halperin
- Claire Paulhan
- Tire-a-part
- 11 Juin 2018
- 9782912222619
Le réservé et ironiste « F.F. » est aujourd'hui reconnu comme le « critique et parfait critique » d'art qui exposa de nombreux peintres à la galerie Bernheim-Jeune et révéla, entre autres, Georges Seurat en 1886. Collaborateur décisif de nombreux périodiques symbolistes, artistiques et libertaires, Fénéon fut aussi l'éditeur qui publia, toujours en 1886, Les Illuminations de Rimbaud. Il est l'auteur, enfin, des inoxydables « Nouvelles en trois lignes »... Mais cette figure de l'avant-garde esthétique et de l'anarchisme intellectuel fut avant tout un personnage énigmatique.
Début 1912, dans la station thermale du Mont-Dore où sa femme Fanny prenait les eaux, Félix Fénéon succomba au charme d'une jeune « danseuse de caractère »... Il avait alors cinquante et un ans, Suzanne Des Meules vingt-quatre. Cette différence d'âge ne transparaît guère dans les lettres de celui qui signe parfois « Félicie ». Enjouées, érotiques, spirituelles, elles révèlent une constante « légèreté de l'être » tout au long de leur tendre et libre relation, qui dura jusqu'à la mort de Fénéon en 1944 : « Donne-moi de tes nouvelles, lui écrit-il en 1916, et dis-moi si ton con divin est toujours à sa place, entre ton doux ventre et ton cul adoré. Je t'embrasse sur le recto et le verso de ta page érotique, sur l'avers et le revers de ta médaille à l'effigie de Sapho, sur le côté face et le côté pile de ta pièce au millésime 69. » À la fin des années 60, Joan U. Halperin montra quelques-unes de ces lettres retrouvées à Jean Paulhan, qui en fut « un peu sonné », lui qui avait connu un « Fénéon si délicat, usant de tant de circonlocutions pour dire bonjour et bonsoir, et tout d'un coup... Bien ».
Illustrées par des photographies d'époque, des oeuvres d'Émile Compard, de Paul Signac et de Séverin Rappa, voici 70 lettres et enveloppes rimées (que n'aurait pas reniées Mallarmé) envoyées par Félix Fénéon entre 1913 et 1942 (complétées par 5 lettres de sa veuve) à celle qu'il appelait Noura.
Édition établie, présentée et annotée par Joan Ungersma Halperin, qui rassembla les Oeuvres plus que complètes de Fénéon (Droz, 1970) et écrivit sa biographie, Félix Fénéon. Art et anarchie dans le Paris fin-de-siècle (Gallimard, 1991). -
Pour qui travaille-t-on ? : Une lettre à André du Bouchet / Été-Automne 1952
Helion
- Claire Paulhan
- 15 Mars 2024
- 9782912222794
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Correspondance 1912-1924 “le Bénédictin et l’Homme de barre”
Valery Larbaud, Jacques Rivière
- Claire Paulhan
- 2 Janvier 2006
- 9782912222237
Lorsque Valery Larbaud (1881-1957) s'associe à l'hommage que La Nouvelle Revue française rend à son directeur, Jacques Rivière (1886-1925) qui vient de mourir prématurément, il écrit, pesant chaque mot : «Nous lui devons tous beaucoup : nous surtout, les premiers collaborateurs de cette publication, nous qui en avons vu les débuts héroïques et modestes. II nous a donné ses conseils, ses encouragements, son exemple et, pensée amère aujourd'hui : son temps.» C'est cette relation entre éditeur et écrivain, empreinte d'attentions et de diplomatie, que montrent les 149 lettres échangées de 1912 à 1924 entre Jacques Rivière et Valery Larbaud. Celui-ci est alors l'un des principaux auteurs des éditions de La NRF, mais aussi l'un des plus sûrs conseillers en littérature étrangère de la revue. Attentif, mais voué à une existence préservée de «bénédictin», Larbaud, toujours en voyage, toujours souffrant, sort parfois de sa réserve pour défendre ardemment les écrivains qu'il admire, comme James Joyce - que Jacques Rivière, lui, n'apprécie guère - ou Saint-John Perse. Il reste cependant très à l'écart du groupe de La Nouvelle Revue française, emmené par André Gide et «l'homme de barre» (Jacques Rivière) qui s'emploient à fonder, non sans tensions, une nouvelle morale intellectuelle.
Cette correspondance croisée montre, au-delà de la «grande et fidèle amitié» que Larbaud et Rivière cultivèrent avec soin, les rouages de la fabrication, mois après mois, de la jeune NRF : l'incessant travail de lire les manuscrits, de relire les épreuves, de traquer les coquilles, de compenser les retards, de rattraper les occasions perdues, de s'attacher quelques justes réussites, le dispute, pour l'un comme pour l'autre, à l'essentiel qui est de composer, malgré l'inquiétude et la fébrilité, son oeuvre propre...
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Journal 1945-1951 : "On voudrait vivre plus vite, tourner, tourner les pages de cette unique vie"
Hélène Hoppenot
- Claire Paulhan
- Pour Memoire
- 27 Octobre 2024
- 9782912222817
Années 1945-1951. Pour la troisième fois de son existence de femme de diplomate, Hélène Hoppenot (1894-1990) revient vivre en Suisse, car le général de Gaulle y a nommé son mari ambassadeur de France.
À Berne, se mêlent les rituels protocolaires, qui l'ennuient, et les brillantes manifestations culturelles (expositions, concerts, représentations théâtrales, conférences d'écrivains) qu'elle organise avec audace, non sans solliciter l'attaché culturel de l'ambassade, Henri Guillemin, tout vibrant d'érudition.
De temps en temps, elle revient dans le maussade Paris d'après-guerre auprès de sa famille?: elle assiste à la fin de sa mère et de son beau-père. Dans le même laps, sa fille Violaine se marie, a trois enfants et divorce. Mais Hélène Hoppenot retrouve avec joie ses fidèles amis?: Adrienne Monnier, Léon-Paul Fargue, les Claudel, Pablo Picasso, Constantin Brancusi, Marthe de Fels, Jules Supervielle, Mary Reynolds et Marcel Duchamp, Blaise et Raymone Cendrars, Darius et Madeleine Milhaud, qui lui rappellent, quoique vieillissants, l'intensité intellectuelle des années 30.
Sans nul doute, le personnage principal de ces années est Charles de Gaulle?: sa vision politique, ses discours, son exercice du pouvoir l'intéressent au plus haut point... On lit aussi, en des pages informées et lucides, la fin de la SDN, la mort de Hitler, Pétain à Sigmaringen, la reddition de l'Allemagne nazie, les procès du «?terrible vieillard?» et de Pierre Laval, les bombes à Hiroshima et Nagasaki, la naissance de l'ONU, la venue de Winston Churchill à Berne, l'affaire de l'Exodus, l'effondrement du MRP, les grèves de 1947, Mao Tsé-toung... - et quantité de faits vécus depuis la coulisse, décryptés et entrecoupés des incessantes rumeurs du Quai d'Orsay...
Pendant que Henri Hoppenot assiste sans illusion aux stratégies internationales en ce début de Guerre froide, Hélène Hoppenot voit ses photographies publiées et reconnues. Équipée d'un Rolleiflex et de son passeport diplomatique, elle voyage en Italie (1948), en Tunisie (1950 et 1951) et en Grèce (1951). En février 1950, surgit Romain Gary, alors au seuil de sa romanesque carrière diplomatique et littéraire. Hélène et Henri Hoppenot le prennent en amitié, retrouvant le plaisir de frayer avec un diplomate féru de littérature et de poésie, comme le furent leurs amis Paul Claudel ou Saint-John Perse.
Édition établie et annotée par Marie France Mousli, qui a déjà proposé, de Hélène Hoppenot, le Journal 1918-1933, paru en 2012, le Journal 1936-1940, en 2015, le Journal 1940-1944, en 2019. -
Pierre Jean Jouve écrivit dans son «Journal sans date», En Miroir (Mercure de France, 1954) : «Un plus mauvais jour fut celui où je rencontrai Jean Paulhan, car on sait le dommage qui s'ensuivit pour toute une partie de mon oeuvre.» Si la vie éditoriale du poète, entre 1925 et 1961, a été partiellement entre les mains du directeur de La NRF, Jean Paulhan a peut-être été, parmi ses correspondants, le plus à même de comprendre le secret de son oeuvre : en témoignent ces 149 lettres d'un Jouve ombrageux et angoissé par l'édition de ses textes, ainsi que les 19 lettres retrouvées de Paulhan (les autres ont été détruites par Jouve) et un livre dédié à Paulhan, mais publié chez Grasset, Le Paradis perdu (1929).
Accordant d'abord sa pleine confiance à celui qu'il nomme son ami, puis devenant hyper-sensible à toute critique - seuls Bernard Groethuysen, Gabriel Bounoure et Jean Wahl lui donnèrent quelque satisfaction à La NRF -, Jouve s'évertua à ne pas abandonner sa «continuelle position de défense», hormis pendant le temps de la guerre, où il entama avec son interlocuteur un dialogue d'une nouvelle force, aimantée par la «cause sacrée» de la Résistance.
Rythmé par plusieurs crises, ruptures et réconciliations dont le mouvement se clôt abruptement en 1961, ce corpus de 168 lettres ajoute peut-être du secret au secret de Pierre Jean Jouve, ne serait-ce qu'en raison de l'absence presque totale de la voix de Jean Paulhan. Cependant, rompre n'est pas haïr, c'est souffrir, affirme Jouve dans En Miroir : «Mais qui donc est responsable ? Est-ce la tendance de rupture intervenant sans finesse, sans ruse, sans diplomatie - ou sont-ce les animosités exceptionnelles qui, dans la société parisienne surtout, ont répondu à mon travail et à mon existence ? Je mourrai sans doute n'ayant pas trouvé de réponse.» C'est l'une des questions que Jouve semble avoir posée à Paulhan.
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Ireille Havet [ de Soyecourt ] (Médan, 4 octobre 1898 - Montana, 21 mars 1932) : ses amis - Paul Fort, Guillaume Apollinaire (qui l'appelait la « petite poyétesse »), Colette, Edmond Jaloux, Natalie Barney et Jean Cocteau - favorisèrent la publication de ses poèmes (dans Les Soirées de Paris, 1914 ; Le Mercure de France, 1916), de ses contes fantastiques, La Maison dans l'oeil du chat (G.Crès, 1917) et un roman à clé, Carnaval (Albin Michel, 1923) .Ce qu'ils ignoraient, c'est que Mireille Havet rédigea, de 1913 à 1929, un extraordinaire et monstrueux Journal, dans lequel elle décrit sa « vie de damnation », une vie de guet et d'attente, de songe et d'outrance, une vie aimantée par son « goût singulier » pour l'amour des femmes et les stupéfiants.
« À force d'exigence et de retombements, de projets et de défaites froides comme l'averse qui donne la fièvre dont on crève à vingt ans, je n'attends plus rien que moi-même, ma belle petite âme que parachève et paraffine chaque jour la vie parisienne et son fouet à neuf queues. Je suis un jouet entre les mains, les lèvres des foules, où mon nom, ma petite identité qui aspirait au lyrisme est balancée comme un numéro de foire, une attraction vernie qui ne coûte pas cher. Je suis une barque haletante et fracassée sur la mer sans étoile, où nous naviguons de compagnonnage avec les lames mauvaises, lourdes comme l'huile, et les petits poissons changeants qui se cachent dans la lune selon les marées. Hélas !. » Le fin critique Edmond Jaloux - évoquant sa brève existence et celles de Jacques Vaché, Raymond Radiguet, René Crevel, Emmanuel Faÿ et Jacques Rigaut - les réunissait dans une même génération littéraire qui, « refusant les conditions communes du monde, se jetèrent dans une aventure de caractère absolu, qui les conduisit à une mort précoce ». De ce monumental Journal, que je publierai en 4 tomes, il a été choisi - pour ce premier titre d'une nouvelle collection - une année dans la vie de Mireille Havet : celle de ses vingt ans, pendant laquelle, après l'Armistice et la mort d'Apollinaire qui la rendent grave et résolue, elle va désespérement chercher à s'étourdir dans le demi-monde et le monde des Années folles.
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Journal, 1936-1940 ; Hitler sait attendre, et nous?
Hélène Hoppenot
- Claire Paulhan
- 12 Novembre 2015
- 9782912222541
Dans le premier volume de son Journal, couvrant les années 1918 à 1933, nous avons suivi Hélène Hoppenot de Paris à Rio de Janeiro, puis à Téhéran, Santiago du Chili, Berlin, Beyrouth, Damas et Berne.
En 1933, grâce à leur grand ami Alexis Léger (en littérature, Saint- John Perse), secrétaire général du Quai d'Orsay, son mari est nommé en Chine : « Dans ce pays tant aimé, j'aurais volontiers envisagé de demeurer jusqu'à la mort », confie Hélène Hoppenot, au terme de quatre années si éblouissantes qu'elle n'a plus éprouvé l'envie de tenir son Journal...
En 1937, elle retrouve sans enthousiasme la France et le Quai d'Orsay, mais reprend la « conversation » avec elle-même. À Paris, Hélène Hoppenot se révèle une observatrice très perspicace, qui décrit avec justesse et humour le milieu de la politique et de la diplomatie, où elle se meut avec aisance. Elle renoue aussi avec ses amis écrivains et artistes, qui gravitent autour des librairies de la chère Adrienne Monnier et de Sylvia Beach, autour de Darius Milhaud et de Paul Claudel... Elle fait également la connaissance de Colette, Helen Hessel, Gisèle Freund, Jean Giraudoux, Marcelle Auclair, Paul Valéry et quelques autres, dont elle note les propos, parfois détonants !
En janvier 1939, alors qu'Hitler se montre de plus en plus offensif et dominateur, Henri Hoppenot prend la tête de la « sous-direction Europe »... Grâce à ses confidences angoissées, Hélène Hoppenot peut relater au jour le jour les efforts erratiques des gouvernements pour éviter la guerre : son témoignage, plein d'anecdotes et de commentaires critiques, permet de décrypter les faits et gestes d'Alexis Léger, Édouard Daladier, Georges Bonnet, Paul Reynaud, Philippe Pétain... À l'heure où la France est acculée à prendre part au conflit, Hélène Hoppenot anticipe le repli du gouvernement en Touraine. Le 10 juin 1940, elle cherche à joindre son mari : « A six heures, j'appelle à nouveau et j'attends. Longtemps ? Très longtemps. Tout à coup, j'entends une voix de femme, enrouée, lointaine : « Paris, dit-elle, ne répond plus...» Paris ne répond plus ? Le voilà, le grand choc, qui traverse le coeur de part en part...
La voici, cette défaite redoutée. Paris ne répond plus ?... Cette voix de femme va résonner dans mes souvenirs et je ne pourrai l'oublier... Mais, un jour, Paris répondra. Ressuscitera. » Avec son mari et leur fille Violaine, Hélène Hoppenot prend le chemin de l'Exode qui la mène à Bordeaux, Madrid, puis Lisbonne. Dès le 24 juin 1940, elle sait que le général de Gaulle représente « tout ce qui nous reste d'espoir », mais les Hoppenot doivent se résoudre à l'exil et rallier le lointain poste diplomatique de Montevideo.
Outre ce Journal, à la fois littéraire et politique - dont le troisième tome couvrira toute la Seconde Guerre mondiale -, Hélène Hoppenot (1894- 1990) a laissé une importante correspondance et six livres de photographies : Chine, Extrême-Orient, Rome, Tunisie, Mexique & Guatemala.
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Hélène Hoppenot a 23 ans quand elle débarque, en février 1918, à Rio de Janeiro où son mari est nommé auprès de l'ambassadeur Paul Claudel, dont l'épouse est restée en France. Fine et intelligente, tenue à une certaine réserve, elle va rapidement s'orienter dans les arcanes de la diplomatie et en intégrer tous les codes, avant même qu'on ne confie à Henri Hoppenot une ambassade. Dans le Journal qu'elle commence à tenir alors, elle raconte avec sagacité et humour la vie au Brésil, les excentricités du « Cacique » (surnom de Claudel), la gentillesse de son secrétaire, Darius Milhaud, qui restera toute sa vie un ami fidèle, ainsi que les différends entre le jeune Henri Hoppenot et sa hiérarchie. Hélène Hoppenot est assurément aux premières loges pour décrire les aléas et les dessous de la vie diplomatique et politique dans cette période troublée de l'entre-deux-guerres.
Mais la vie de diplomate est aussi une vie de nomade, orchestrée par leurs influents amis du Quai d'Orsay - Philippe Berthelot ou Alexis Léger (le poète Saint-John Perse). Attristée par le départ de Claudel et Milhaud à la fin de l'année 1918, Hélène Hoppenot aura, pour la première fois, «l'impression de commencer à vivre une vie qui sera pleine de séparations, de mélancolies de ce genre.» Après ces débuts pittoresques au Brésil, les Hoppenot séjournent en Perse, pays agité par des tensions géopolitiques considérables, puis au Chili, de nouveau au Brésil, puis dans le Berlin décadent d'après la Grande Guerre, au Liban et en Syrie, et enfin en Suisse. Et entre deux destinations lointaines, les brefs passages à Paris sont consacrés aux amis - peintres, musiciens, écrivains et poètes - habitués des librairies d'Adrienne Monnier et de Sylvia Beach, rue de l'Odéon : Erik Satie, Darius et Madeleine Milhaud, Paul et Reine Claudel, Alexis Léger, Henri Seyrig, Roger Desormière, Francis Poulenc, Pablo Picasso, Jean Cocteau, Valery Larbaud, Léon-Paul Fargue et tant d'autres.
Le Journal de Hélène Hoppenot s'interrompt provisoirement à son départ pour la Chine en 1933. Elle s'y livrera à une autre de ses passions : la photographie.
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Correspondance 1926-1934
Catherine Pozzi, Jean Paulhan
- Claire Paulhan
- 15 Décembre 2001
- 9782912222060
Au sujet de Catherine Pozzi (1882-1934), Jean Paulhan écrivait au jeune Dominique de Roux, vers 1963 : « Karin Pozzi était une grande jeune femme, gracieuse et laide, qui fut la femme de É[douard] Bourdet, la mère de Claude B[ourdet] et la maîtresse de Valéry (à qui s'adresse le poème « la grande amour.») Elle n'a pas écrit d'autres poèmes que ceux-là, mais une sorte d'essai métaphysique : Peau d'âme (chez Buchet) et deux ou trois notes qui ont paru dans la nrf (une sur Julien Lanoë). Ah, et un admirable récit, Agnès (nrf). » Presque quarante ans plus tôt, Jean Paulhan, nommé depuis peu rédacteur en chef de La Nouvelle Revue Française, avait fait la connaissance de cette femme fragile et tuberculeuse, énigmatique et hautaine - alors la maîtresse de Paul Valéry - qui venait de refuser de signer de son nom son premier texte publié, Agnès. Du cryptage compliqué des premiers temps (1926-1927) aux dérobades de l'écrivain avéré (1930-1932), jusqu'aux tensions et malentendus (1932-1934) autour d'une oeuvre inachevée de Catherine Pozzi, Peau d'Âme, cette correspondance croisée entre un auteur hypersensible et son éditeur pressant et intrigué donne à comprendre la difficulté croissante d'une relation que son Journal 1913-1934 laissait déjà transparaître : chaque nouvel écrit de Catherine Pozzi, envoyé « à l'ami, non au grand Directeur », est l'occasion d'une nouvelle crise d'incompréhension mutuelle. « Il y a tant de raisons d'écrire, outre celle de publier, expliquait Catherine Pozzi à Jean Paulhan, dans sa lettre du 10 juin 1931. Par exemple exalter la conscience, l'attention ; tracer un chemin ; son chemin ; détruire ; croître. Et tout se ramène à une certaine forme de vie, qui est l'oeuvre par excellence, et dont, peut-être, la chose écrite se détacherait plus naturellement et moins perceptiblement s'il était admis qu'en effet la vie soit l'oeuvre. Cette opinion est d'ailleurs démodée, tout athénienne qu'elle soit. »
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Journal 1934-1935 ; Valbois - Berg-Op-Zoom - Montagne Ste Geneviève
Valéry Larbaud
- Claire Paulhan
- 1 Novembre 1999
- 9782912222121
Aris, mercredi 14. XI. [1934]. La boue légère de Paris, cet après-midi et ce soir dans mes deux longues promenades à pied, m'était agréable à fouler, après cinq mois passés ailleurs. Peu m'importait d'arriver dans le cabinet de Marcel Thiébaut en «poète crotté» fraîchement débarqué de la campagne, encore en complet-veston de home-spun clair sous un pardessus brun plutôt du matin que de l'après-midi. Il y avait ce «vent mouillé du Sud-Ouest» qu'un vers de Claudel a indissolublement identifié, pour moi, à certaines journées, comme celle-ci, de Paris. Quelques femmes, - non professionnelles, - dont j'ai rencontré le regard, ont eu, non pas the glad eye, mais l'air gentiment, cordialement, amusé -, bien entendu «âge en rapport» ; les moins de 40 ans ne me voient plus. Dans un petit journal, chez le coiffeur de bas étage, une annonce disait : «De tous les signes de la vieillesse, le plus pénible, le plus douloureux.» Quelle erreur ! Le regard pur d'adultère sur les belles filles de 20 à 30 ans, le regard non belligérant, est un idéal, un bonheur idéal, enfin atteint, réalisé. » Valery Larbaud a tenu un Journal pendant presque toute sa vie valide ; il en a détruit certaines parties, publié ou conservé d'autres, qu'il a données à relier : ce Journal 1934-1935 que nous publions intégralement aujourd'hui, illustré de documents et de fac-similés, forme son carnet de bord de sa cinquante-quatrième année : il y inscrit les étapes de ses textes en cours, l'organisation des idées et de ses recherches, ses courses dans « Paris-ma-grande-ville », les manuscrits qu'il reçoit, ses lectures et ses jugements littéraires, son voyage en Belgique et Zélande, ses va-et-vient entre « l'air provincial » et « l'air parisien », des choses vues, des paysages et des impressions. « Tout ce bavardage au vol du stylographe » derrière lequel s'organise et se condense sa pensée.