L'homme est un animal plusieurs.Le jour où elle deviendra uneL'humanité disparaîtra.
Ce livre est la réédition de celui publié en 1989. Il regroupe une série de textes parus en revue ou en volume ou à l'époque inédits, dans lesquels Valère Novarina expose ses conceptions sur le théâtre, les acteurs, la littérature. Conceptions peu conformistes, on s'en doute, essentiellement axées sur la libération des forces vitales et créatrices de l'écrivain comme de l'acteur.
Le théâtre est l'autre lieu. L'espace s'y appelle autrement : à droite la cour, devant la face, à gauche le jardin, au fond le lointain, au ciel les cintres, sous le plateau les dessous. Au singulier, «les dessous» deviennent le dessous, l'inférieur - qui, remis au pluriel, ouvre les enfers...
Qui est dessous? En dessous de tout? - Le langage, le verbe, la parole. - Qui est descendu aux Enfers? - Orphée, Mahomet, Dante, le Christ.
Qui soutient tout, nous constitue, nous structure, nous porte? nous supporte? nous sous-tend? Quel est notre sous-sol? - Notre langue. C'est sur elle que toute la construction humaine repose. C'est par elle que nous avons été (légèrement, fragilement¿!) séparés des animaux.
Nous sommes des animaux qui ne s'attendaient pas à avoir la parole.
Un homme parle à des animaux, c'est-à-dire à des êtres sans réponse. Il pro- nonce Le Discours aux animaux qui est une suite de douze « promenades », une navigation dans l'intérieur - c'est-à-dire d'abord dans sa langue et dans ses mots.
Un homme parle à des animaux et ainsi il leur parle des choses dont on ne parle pas : de ce que nous vivons par exemple, quand nous sommes portés à nos ex- trêmes, écartelés, dans la plus grande obscurité et pas loin d'une lumière, sans mots et proches d'un dénouement. Les autres siècles appelaient ça « crise intérieure », le nôtre « dépression ». Valère Novarina pense que c'est un état très nécessaire, très salutaire, à ne pas soigner : l'homme a encore beaucoup à se parler à lui-même...
Issu d'un « Carnet de travail » tenu quotidiennement en écrivant, en peignant, en faisant répéter les acteurs, ce livre - conçu comme une suite aux six-cent seize notes de Pendant la matière (P.O.L, 1991) - tient sur quatre pieds comme une table ou un animal. Il se compose de quatre textes égaux : « Demeure fragile », « Le Débat avec l'espace », « Devant la parole », « Opérette réversible » où s'affirme - à partir de la description d'une représentation de nô, d'une peinture de Piero della Francesca, d'une descente dans l'enfer de l'opérette, d'une rumination du mot « parole » » que le temps ne va pas d'un trait, qu'il est un volume. Le réel s'y déplie. Et ce n'est pas par hasard que le mot « temps », dans notre langue, porte un S.
Avons-nous oublié que nous étions aussi des animaux ? Que notre aventure est celle de l'animal parlant ? Dans ce nouveau texte dédié au théâtre, et qui ne se veut pas simplement le livret d'une pièce, Valère Novarina nous fait assister à la mise en espace de la parole humaine.
« C'est un livre, écrit l'auteur, où les sons viennent se croiser et renaître. Il procède de la touche, de la retouche, du repentir. Et en cela il imite, poursuit mon travail de peinture : retrouver une toile d'il y a 12 ans, la faire pivoter d'un quart de tour, et la poursuivre autrement. » L'Animal parlant voyage parfois dans des textes anciens : les reprend à l'envers, les déplace.
C'est vers ce jeu de toutes choses dans l'espace, ces aventures plurielles, cette profonde forêt d'écho que le livre tend.
L'Animal parlant sera créé au théâtre, par l'auteur lui-même, le 20 septembre 2019 dans la grande salle du théâtre de la Colline à Paris, pour 20 représentations. Avec notamment Domi- nique Parent, Christian Pacoud, Agnès Sourdillon... Tournée en novembre à Bayonne ; décembre Villeurbanne ; janvier Sète, etc.
Avec une note de l'éditeur contenant deux projets de préface de Jean Dubuffet
à la tradition et sa verve de parolier a un air " belle époque " à s'y tromper : calembredaines et gaillardises se bousculent dans ses vers de mirliton. Exercice d'école, L'Opérette imaginair recense, pour les moquer, tous les trucs de la composition dramatique ; elle fait aussi la part la plus belle aux comédiens pour des performances à couper le souffle.
Du coup, on n'y reconnaîtrait pas le Novarina du Drame de la vie et de L'Acte inconnu si l'un des personnages ne se nommait Le Mortel, qui parle souvent d'outre-tombe. Opérette imaginaire ? Opérette à surprise, plutôt.
La nouvelle pièce de Valère Novarina, telle qu'elle sera représentée dans le cadre offi ciel du Festival d'Avignon 2015.
"Pacoter : marcher dans le pacot (sorte de boue), patiauquer :
Marcher dans la patiauque (autre sorte de boue, un peu plus gluante)...
Le pacot et la patiauque sont à distinguer du diot, boue argileuse, de la ouafe, boue de neige fondue." Valère Novarina travaille les langues qui l'habitent, les met en scène, les compare, les déploie dans leurs contextes, leurs parentés, leurs timbres, leurs souffles, leurs accents, leurs rythmes. Dans Une langue inconnue, le patois savoyard avec toutes ses nuances et le hongrois chantant pour Valère enfant sont des langues en mouvement.
Boucan animal, concert des tuyaux.
Bal, poussée des chars, tout le monde qui roule, monte au poteau. A ceux qui creusent, qui poussent sans fin, brandissent l'outil, Bouche et Oreille répètent toujours : le Babil des classes dangereuses, faut qu'il cesse ! Au repas les paroles ! Au concert les museaux ! Muséum des nourritures, des maladies dans la parole et des repas des animaux. Antipodistes et hommes-canons, record des morts et course en trou.
Entrée du défilé par la sortie. Gendrée du perpétuel des morts, dialogue des matières, musée des mixtures. Chute de l'épisode de reproduction en cours. Encore pire ! Au moteur métronomique ! A la machine à réciter la suite ! Allegro perpétuel. Les langues luttent dans les postures. Bouche et Oreille reviennent toujours, faire le refrain, remettre au pas, conduire au point et asphyxier. Chaîne de résurrection.
A reculons, dans la représentation continue, le numéro le plus difficile du monde, des mots horribles, sonoribus, l'homme portant rythmus, le coeur son métronon.
Adramélech, à travers son monologue vient raconter sa vie ; la vie de celui à qui on ne donne pas la parole, tandis que les classes dangereuses babillent. Une vie universelle. C'est l'ouvrier, le petit, le sans-grade, qui déblatère jusqu'à plus d'air pour témoigner de sa condition. C'est un bonhomme venu nous dire ses colère, ses peines, ses joies, ses questions, ses doutes et ses inquiétudes. Il est l'ambassadeur d'un monde muet ou muselé, et tout à coup, par trop plein d'air, il craque et dit tout, d'une traite, pour se taire à la fin, vidé, essoufflé...
Cette pièce reprise au Théâtre national de Chaillot du 12 mars au 5 avril 2008, dans une mise en scène de Claude Buschwald, a été écrite par Valère Novarina en 1975 à partir des première et deuxième parties d'Henri IV de Shakespeare et en prenant comme personnage central celui de Falstaff : « non un homme, mais une barrique à figure humaine, sac de toutes les bestialités, boyau gonflé de tous les vices ! [...] ce gueux suborneur abominable et bas, ce dindon empiffré de farce jusqu'au col, ce paquet boursouflé de toutes les infamies, ce vieux Satan blanchi, ce fou couvert de rides ».
La première partie de ce nouveau livre est haïtienne. C'est elle qui donne son titre à l'ensemble. Il y est question en effet d'Haïti où Valère Novarina a effectué deux séjours pour préparer et jouer sa mise en scène de L'Acte inconnu (P.O.L 2007). Il y est aussi question du travail avec les acteurs, de théâtre et de peinture, de l'accord profond qui s'est produit lors des répétitions et du travail plastique. C'est un texte joyeux.
La deuxième partie du livre, son deuxième acte, s'intitule Vue négative ou Voie négative (le choix n'est pas encore fait). Il aurait pu tout aussi bien s'intituler Variations sur une idée fixe. Cette idée de plus en plus ferme chez Valère Nova- rina que 'l'esprit respire'. Et s'il respire, c'est parce qu'il renverse, parce qu'il passe par ce que l'auteur appelle le niement (quelque chose comme une négation positive, dialectique).
Le lien entre la pensé et la respiration, Valère Novarina le ressent très concrètement. Pour lui, il saute aux yeux, lorsque l'on regarde de près travailler les acteurs, la respiration animale préfigure la pensée, l'annonce.
Cette partie du livre revient donc sur une idée éparse, disséminée dans presque tout ce que l'auteur a écrit, mais elle l'exprime peut-être plus nettement, avec plus de force, et avec d'autres exemples. Exemples tirés de la pratique de l'écriture, mais aussi de la pratique de la peinture. Valère Novarina aime à se définir comme écrivain pratiquant. (Prati- quant écriture, peinture, mise en scène... ) La troisième partie s'intitule Désoubli. C'est un texte qui parle de la présence mystérieuse en nous de toutes les langues, la langue maternelle bien sûr, mais aussi d'autres langues, insolites, secrètes, apparemment mortes, vivant toujours au fond de nous... Valère Novarina tourne ici autour de l'idée que le langage est un fluide, une onde, une ondu- lation, un geste dans l'air, une eau...Chaque « parlant » porte en lui un peu de la mémoire de toutes les langues.
La quatrième et dernière partie du livre, Entrée perpétuelle est une métamorphose, un déguisement, une autre version, en tout cas un regard nouveau sur la mystérieuse machinerie organique du Vivier des noms (P.O.L 2015). C'est une réduction - ou plutôt un précipité du livre (au sens chimique) - une nouvelle entrée, sous sa forme active, agissante. Sa version nouvelle pour la scène.
Confronté au problème de l'adaptation théâtrale de certains de ses livres non directement écrits pour le théâtre, comme Le Discours aux animaux, ou difficiles à monter, comme Le Drame de la vie, et pour éviter des interventions extérieures hasardeuses, Valère Novarina a décidé de proposer lui-même aux éventuels metteurs en scène des adaptations en quelque sorte 'clé en mains'.
Le Repas est une adaptation pour la scène des première pages de La Chair de l'homme.
Ce livre est une expérience unique que nous fait partager Novarina au fi l de sa vie, une monographie largement illustrée de photos personnelles, de manuscrits, de souvenirs des mises en scène. Pour la première fois, ses oeuvres de plasiticien sont représentées en couleur dans un livre, associées au parcours théâtral.
Ensemble - plus que recueil- de 9 textes, "La quatrième personne du singulier" fait partie de ces livres "théoriques" (mais tout aussi lyriques que théoriques) grâce auxquels Valère Novarina fait régulièrement le point sur son travail.
Ici, les thèmes sont identiques à ceux des précédents ouvrages du même type ("Le théâtre des paroles", "Lumières du corps", "L'Envers de l'esprit"). Peut-être y est-il un peu plus emporté, flamboyant, qu'il s'agisse de parler de la langue (et singulièrement du patois, dans l'extraordinaire texte d'ouverture), du théâtre toujours, de l'acteur, du sacré. "Le théâtre peut opérer au fond de nous la rare division mentale : il nous ouvre, par une suite de joies libres, par scènes déchaînées et par un soudain chemin plus court ce qui était grammaticalement interdit dans toutes les langues : la quatrième personne du singulier.
Je tu il et moi toi lui tournent en ronde infernale s'ils ne s'ouvrent à la quatrième personne du singulier. moteur invisible, délivreur du drame pronominal : comme dans le Livre de Daniel, les trois Hébreux dans la fournaise : un quatrième est avec eux."
Huit employés, tellement privés d'identité qu'ils sont appelés dans la pièce par les lettres de l'alphabet, vivent sous la parfaite domination des époux Boucot. Les patrons sont obsédés par la peur d'une révolte des travailleurs et élaborent divers stratagèmes pour contrôler tous les aspects de leur vie et principalement le langage. L'Atelier volant est la première pièce de Valère Novarina. Elle a été écrite de février 1968 à novembre 1970 et publiée dan le N° 5 de Travail Théâtral. Elle a été créée en 1974, à Suresnes, dans une mise en scène de Jean-Pierre Sarrazac. L'Atelier volant sera repris en 2010.
L'Acte inconnu est un archipel d'actes contradictoires : acte forain, prologue sous terre, cascades de duos, accidents de cirque, spirales, rébus. Autant de figures, d'attractions, comme autant de mouvements d'un ballet... « L'Ordre rythmique », « Comédie circulaire », « Le Rocher d'ombre », « Pastorale égarée » : quatre mouvements renaissent l'un de l'autre et sont jetés aux points cardinaux.
Entrent et tournent : Le Bonhomme Nihil, Le Coureur de Hop, Jean qui corde, Raymond de la matière, L'Ouvrier du drame, La Machine à dire beaucoup, Le Chantre, La Dame de pique, L'Homme nu, La Femme spirale, Le Déséquilibriste, L'Esprit, Autrui.
On déplace le socle du monde : la scène est divisée en deux, en quatre... Tout passe de cour à jardin, dans le tournoiement du magnétisme animal. Entre les actes, le Bonhomme Nihil glisse des prières dans le mur humain. Au-dehors le monde court à son renouveau.
"Gens du réel, cessez de vous prendre pour des agents de la réalité ! " Un homme entre, déroule une cosmogonie de mots qui convoque les brins d'herbe et les supermarchés, les chiffres de hasard et les jeux d'enfant, les pierres et les bêtes, la mort et l'étonnement de naître, de vivre et donc de parler. Un Chanteur en Perdition enchaîne comptines "comptant pour rien" , explore l'antimonde, rivalise en paroles avec L'Ouvrier du Drame, sorte de maître de la créature parlante.
Spectacle forain, drôle et terrifiant, de la parole telle qu'elle se déroule chaque jour. L'Homme hors de lui reprend la mise en abîme vertigineuse du travail et de la destinée de l'acteur dans la langue et sur la scène absurde, désordonnée du monde. Valère Novarina a décidé de publier ce drame au milieu d'une petite forêt de noms, en partie dérivée d'un "Nominaire" en constitution, pour créer un îlot théâtral cerné par le flot des noms.
Le modèle secret est peut-être Faust - non celui de Goethe - mais un Faust forain vu enfant à Thonon dans les années cinquante, joué entre deux airs de Bourvil par Gugusse, le « célèbre clown de la Loterie Pierrot ». Faust-Gugusse prétendait que toute notre vie avait lieu « en temps de carnaval », puisque le finale en était un « adieu à la chair » ; Mme Albertine, sa comparse dans le public, lui lançait, en trois mots, de prendre ça comme un don, une offrande : et elle lui proposait toutes les quatre minutes de jouer sa vie aux dés... J'essaye de reconstituer l'ordre des scènes de cette pièce vue enfant ... Le Vrai sang est un drame forain, un théâtre de carnaval, en ce sens que les acteurs, d'un même mouvement... incarnent et quittent la chair, sortent d'homme, deviennent des figures qui passent sur les murs, des traces peintes d'animaux, des empreintes, des signaux humains épars, lancés, disséminés : des anthropoglyphes.»
L'Equilibre de la Croix, tout comme Le Repas et L'Avant-dernier des hommes, est issu d'un moment de La Chair de l'homme. Ainsi quand il écrit des textes qui ne sont pas directement destinés au théâtre et, aussi, des textes dont la matière est si riche qu'elle peut se décliner à l'infini, Valère Novarina en écrit-il lui même la version scénique. Pour éviter, sans doute, des erreurs d'interprétation. Et très évidemment pour pousser plus loin sa recherche, sa réflexion, son engagement dramatique et littéraire.
Une nouvelle pièce de Valère Novarina, La Scène, sera créée cet été à Avignon.
Depuis 517 ans, chaque premier jeudi de septembre, des milliers d'habitants du Chablais, montant des bords du Léman ou descendant de la montagne par les trois vallée de la Dranse (Dranse d'Abondance, Dranse de Morzine, Dranse de Bellevaux), se retrouvent, le jour de la "Foire de Crête" , sur l'une des collines qui dominent Thonon, pour vendre, boire, manger, danser, acheter, jouer. Le chapitre XII de La Chair de l'homme décrit l'action de 1471 d'entre eux au moment précis où la roue de la Loterie Pierrot s'immobilise sur le 8.
Tous les personnages de cette scène sont réels. L'usage , en Savoie, est de désigner plus volontiers les gens par leur sobriquet que par leur état civil : Aimé Stehlin est dit Gabin ou Aimé à l'Ancien , Marcel Trabichet est dit Marcel à Bison , Louis-Nestor Liardet est dit Razibus ou Louis la Grêle ou Grêlon... L'auteur, après avoir rassemblé ceux qu'il connaissait, a collecté auprès d'amis des trois vallées, plusieurs milliers de noms, surnoms et sobriquets, acquis ou héréditaires, célèbres ou presque oubliés. Cette enquête a duré de décembre 1992 à novembre 1994.
Il fallait attribuer à chacun selon ce qu'on savait de lui l'action qui lui convienne : la règle dite du renouvellement verbal voulait que cette action soit unique et que le verbe qui la désigne ne soit pas utilisé une seconde fois.