« Il n'y a pas de bout du monde mais certains lieux, pour lesquels j'éprouve une incontestable attirance, sont tout de même plus susceptibles que d'autres de recevoir cette appellation. » De la Sibérie à la Chine, en passant par le Portugal ou le Soudan, Olivier Rolin nous fait découvrir sa géographie personnelle. Il redonne vie aux femmes et aux hommes qui ont croisé sa route. Sans oublier les écrivains qui l'ont accompagné dans ses pérégrinations : Chateaubriand, Hugo, Pessoa, Kafka, Borges, Proust... L'anecdote voisine avec des événements plus graves, guerres, catastrophes.
À travers ses rencontres, l'auteur de Port-Soudan rend un hommage vibrant au monde et à sa beauté.
On habite un très vieil appartement, on y a passé la moitié de sa vie, entassé un prodigieux bric-à-brac, journaux, lettres, photos, livres surtout, des livres partout - et puis un jour on est viré, il faut prendre ses cliques et ses claques. Un déménagement, écrit Michel Leiris, c'est une «fin du monde au petit pied», et c'est aussi un jugement dernier : chaque objet, pour être sauvé, est sommé de dire son histoire - un vieux chapeau parle d'un lointain voyage au Texas et d'un auteur de best-sellers internationaux, un fossile d'une plage de sable noir, au bout de la Sibérie, où Tchekhov imprima ses pas, les livres évoquent les lieux et les temps où on les a lus, la bibliothèque devient lanterne magique. Les histoires se bousculent, des paysages se déploient, sortis de l'oubli.Quand en plus la rue d'où on est chassé est celle où fut publié puis traduit l'Ulysse de Joyce, où deux librairies célèbres voyaient passer les plus grands écrivains des langues française et anglaise ; quand l'injonction de vider les lieux vous tombe dessus au moment où une pandémie assigne tout le monde à résidence... alors on se dit que ce chambardement mérite peut-être d'être raconté. On écrit ce livre.O. R.
« J'avais prolongé mon séjour à Veracruz tant qu'elle avait été là - je l'aurais prolongé jusqu'à la fin du monde, s'il n'avait tenu qu'à moi. Maintenant qu'elle avait disparu, je le prolongeais dans l'espoir de la retrouver, ou au moins d'apprendre quelque chose sur les raisons de sa disparition.
Un jour, un pli me parvint à l'hôtel, expédié par la poste, ne comportant aucune indication de provenance, aucun mot d'accompagnement. Il contenait les quatre récits, brefs et terribles, qu'on va lire. »
Son domaine c'était les nuages. Sur toute l'étendue immense de l'URSS, les avions, les navires, les tracteurs avaient besoin de ses prévisions. Dans la conquête de l'espace commençante, ses instruments sondaient la stratosphère, il rêvait de domestiquer l'énergie des vents et du soleil, il croyait « construire le socialisme ». Jusqu'au jour de 1934 où il fut arrêté comme « saboteur »...
Martin raconte à la fille de son meilleur ami, mort depuis longtemps, ce que fut leur jeunesse à la fin des années 60, une époque où l'on croyait dur comme fer à la Révolution. Au Vietnam la « guerre du peuple » défaisait la puissante Amérique, la Chine était rouge pour l'éternité, le Che plus grand mort que vivant, les impérialistes étaient des tigres en papier. C'était dans la nuit des temps...
5 000 kilomètres en train au long de la ligne Baïkal-Amour (BAM) qui traverse la Sibérie orientale pour finir sur les rives du Pacifique, tel est le voyage entrepris par Olivier Rolin dans l'histoire de la Russie et sa géographie démesurée. L'auteur y croise des vies, partage des histoires, et connaît la mélancolie des villes de pionniers à demi abandonnées dans l'immensité où survit encore la mémoire des milliers de déportés qui construisirent cette ligne au prix de leur vie.
" c'est à port-soudan que j'appris la mort de a.
Les hasards de la poste dans ces pays firent que la nouvelle me parvint assez longtemps après que mon ami eut cessé de vivre. un fonctionnaire déguenillé, défiguré par la lèpre, porteur d'un gros revolver noir dont l'étui était noué à la ceinture par une lanière de fouet en buffle tressé, me remit la lettre vers la fin du jour. (...) comme presque tous ceux qui survivaient dans la ville, son office principal était d'ailleurs le racket et l'assassinat.
Comment s'était-il procuré le pli, je l'ignore. peut-être l'avait-il volé à la mort elle-même. "
« Fleuves géants, déserts glacés, taïga sans limites, températures extrêmes : en Sibérie, la géographie n'y va pas de main morte. L'Histoire non plus, qui en a fait la terre des bagnards et des déportés, l'un des noms du Malheur au XXe siècle.
On peut pourtant trouver un charme secret à cette partie du monde que désigne assez bien le vieux mot de solitudes, et qui est comme le grand large sur terre. C'est mon cas.
Les chroniques ici réunies témoignent à leur façon d'une inclination contre-nature... » O.R.
Faire tenir le monde dans un livre, ou tout au moins une journée du monde, celle de l'équinoxe de printemps de l'année 1989 : telle est l'ambition de ce roman qui se veut à la fois réaliste et délirant.
Des milliers de personnages vivent et meurent dans ces pages, des centaines d'histoires et de lieux s'y croisent. projet absurde, mégalomane ? il se peut, mais l'auteur ne croit pas que la littérature soit faite pour être nécessairement raisonnable ou modeste.
" c'était il y a juste dix ans, et il semble qu'un siècle ait passé.
Le drapeau rouge flottait encore de l'elbe au détroit de béring, l'armée de la même couleur faisait encore trembler l'europe, lénine foudroyait, de ses millions de regard de bronze, la moindre place de bourgade sur un sixième des terres émergées. ces impressions d'un voyage à travers un pays disparu, l'urss, ne prétendent être ni un essai, ni même une enquête au sens journalistique du terme. j'aimerais pouvoir penser qu'il s'agit d'une promenade poétique.
Des esquisses de choses vues, une série d'instantanés - ce qui ne veut pas dire, je l'espère, des clichés. " o. r.
En 1983, dans un livre acheté en Patagonie, je découvrais L'existence d'un pittoresque aventurier français de la fin du XIXe siècle.
Trafiquant d'armes, explorateur, chercheur de trésors, il avait mené en Terre de Feu une expédition qualifiée de « funambulesque ». Un quart de siècle plus tard, j'apprenais qu'il était aussi un ami de Manet. Le peintre d'Olympia avait fait de Lui un curieux portrait en chasseur de lions. Voici, romanesque et romancée, leur histoire croisée.
En 2004, dans son roman Suite à l'hôtel Crystal, Olivier Rolin mettait en scène son suicide dans une chambre d'hôtel de Bakou. Six ans plus tard, et malgré les mises en garde de ses amis, il décide de se rendre dans la capitale azérie pour affronter ce destin imaginaire. Il y découvre une ville pleine d'histoires et de contradictions, où derricks, minarets et faux palais vénitiens voisinent paisiblement aux abords de la mer Caspienne. Notes de voyages, souvenirs et réflexion littéraire se mêlent dans ce texte atypique, journal d'un séjour qui aurait dû être le dernier.
Cette histoire a autant de sources que le Nil qui filait devant moi, rasoir tranchant tranquillement mon oeil. Le Nil n'a pas de source, pas d'autre début que les nuages de l'équateur, les milliers de gouttes de pluie ruisselant sur le Ruwenzori, les montagnes de la Lune, les hauts plateaux d'Éthiopie, la rosée qui vêt de perles les collines d'Afrique, l'urine des animaux et des hommes, et même leurs larmes...
Tout en pensant qu'il n'est pas indélicat, pour un écrivain, de réfléchir à sa pratique de l'écriture et de la lecture, que c'est même assez souhaitable, je crois aussi qu'il doit se convaincre de ce que Valéry écrivait dans Rhumbs : en art, les théories qu'on peut se former ne peuvent prétendre à une portée universelle, ce sont des bricolages qui servent surtout à leurs auteurs, des lanternes qui n'éclairent, sur les chemins nocturnes, que ceux qui les portent. Ce recueil rassemble une collection hétéroclite (comme son titre l'indique) de petites lanternes personnelles. A côté de textes à visée plus ou moins générale sur la littérature, on en trouvera d'autres dont l'objet est plus nettement circonscrit, notamment un hommage au Hugo des Choses vues et une lecture de l'Iliade où éclate, je l'espère, un peu de l'enthousiasme éprouvé à revisiter les beautés de cet immense poème, que je n'avais plus fréquenté depuis ma jeunesse.
Dans un bistrot d'une petite ville, deux eprsonnages dialoguent : la serveuse, venue de la campagne, et un client de passage, qui semble être ce qu'on appelle un " intellectuel ".
Ils parlent " pour rien ", ou plutôt : pour échapper à la monotonie, à l'ennui, à la tyrannie du stéréotype : calamités qu'ils éprouvent tous deux, mais évidemment pas de la même façon.
Ce dialogue ne va donc pas de soi. il se hasarde, c'est une histoire progressive de séduction/éducation mutuelles, l'invention d'une fantaisie commune par la liberté des mots.
D'abord, de fréquentes incompréhensions l'interrompent.
Dans le silence ouvert par ces crises de non-parole s'élève - si l'on peut dire - une " voix " bredouillante, grommeleuse, qui est probablement celle de la télévision, ou d'une radio. mais il serait trop simple de la réduire à cela. elle est plus généralement celle des nouveaux maîtres. elle émet un magma de lieux communs, dans une langue faiblement articulée. cette " voix " de personne, aussi éloignée de la langue " littéraire " que de la langue " populaire " (pour faire vite), enfin, des langues matérielles, ,nous ne l'entendons, ne la lisons que trop, il nous arrive même de l'utiliser.
A la fin, elle " s'incarne " en une sorte d'ectoplasme. parce que cette chose-là, en effet, ne cesse de se réaliser - sans jamais être personne.
Dans une ville et un temps imaginaires, mais qui ne sont pas sans rapport avec nos lieux et notre histoire, un homme se souvient de quelques autres, d'une femme, et d'événements révolutionnaires à demi légendaires qui les ont liés autrefois.
Mais il n'est pas interdit de penser - et ici phénomène futur se veut une parabole de la rêverie littéraire que ces personnages ne sont que les différentes figures de la mémoire d un seul, qui a aimé une femme dont la beauté demeure l'ultime évocation possible, la ville tombant insensiblement, à mesure que la vie du narrateur va vers sa fin, dans un état de barbarie et de servitude.
Le premier roman d'olivier rolin, dont l'écriture dense et variée s'est affirmée comme l'une des plus intéressantes de notre littérature contemporaine.
Dans les souvenirs d'un homme qui aime les barmaids tournent des silhouettes de villes lointaines, des portraits de femmes émergeant de l'ombre, des évocations d'écrivains qu'il a connus.
Les émotions qui nouent parfois, assez mystérieusement, les charmes des lieux, des livres, des visages, voilà ce que j'ai essayé de transcrire. au demeurant, il s'agit tout de même, mine de rien, d'une histoire, que j'aimerais avoir racontée en empruntant quelque chose à l'art lancinant de la rengaine, à la sentimentalité ironique d'un tango. la scène est aux quatre coins du monde, mais surtout à buenos aires, sous la dictature, et en arrière-plan, tout près, il y a la violence politique et la mort.
De Buenos Aires à New York, de Tokyo à Helsinki en passant par Brive-la-Gaillarde : trente-neuf chambres d'hôtel, dans le monde entier, donnent lieu à autant d'histoires et permettent à de multiples figures de se croiser : femme fatale, ex-colonel de l'armée soviétique, boxeur et trafiquant d'armes, marin contrebandier, poète alcoolique, strip-teaseuse... Un roman où l'auteur, inspiré par Perec, explore toutes les figures possibles de l'emboîtement.
- Olivier Rolin vient de l'horizon politique par son engagement très jeune dans la gauche prolétaire. Il a abordé la littérature avec la même exigence d'absolu, et ses oeuvres Complètes permettent de retracer dans un premier temps le parcours du politique vers le littéraire, en publiant notamment la presque totalité des articles et reportages signés par l'auteur de l'Invention du Monde dans la presse de l'époque (Libération, dont il a fait partie de l'équipe, Le Figaro, Le Nouvel Observateur etc.)L'ensemble est présenté par ordre chronologique, et les livres (romans ou récits), sont accompagnés de critiques ou entretiens parus à l'époque, ainsi que de quelques fac-similés de manuscrits.On trouvera, dans le premier tome, les ouvrages suivants : Phénomène futur (1983), Bar des flots noirs (1987), En Russie (1987), La Havane (1989), Voyage à l'Est (1990), Semaines de Suzanne (1991), L'Invention du monde (1993), Port Soudan (1994), Méroé (1998), Paysages originels (1999), Mon Galurin gris (1997), accompagnés des articles et entretiens publiés des années 1980 à 2000.Puis, suivront La Langue (Verdier, 2000), Tigre en papier (2002), Suite à l'hôtel Crystal (2004), Un chasseur de lions (2008) et Bakou, derniers jours(2010), dans le deuxième tome, accompagnés des articles parus depuis 2000.
- Olivier Rolin, né en 1947, est l'auteur de plusieurs romans, dont Port Soudan (1994, prix Femina) Tigre en papier (2002, prix France-Culture 2003) et Un chasseur de lions (2008). Il a également écrit des récits de voyage, a été journaliste et est éditeur.
Après Circus 1, qui retraçait les années d'engagement politique puis l'entrée en littérature, voici Circus 2 qui regroupe l'ensemble des livres et textes d'Olivier Rolin de 1999 à 2011. On retrouve les grands romans, dont Tigre en papier ou Un chasseur de lions, mais aussi ses textes dont un bon nombre sont consacrés à des écrivains, comme Hemingway, Nabokov, Borges, Michaux, Kawabata, Lowry. Olivier Rolin est au mieux de sa forme, avec une prose riche, parfois époustouflante, souvent drôle, et un art particulier de recueillir les traces d'un passé qui s'éloigne.L'ensemble est présenté par ordre chronologique, et les livres (romans ou récits) sont accompagnés de critiques ou entretiens parus à l'époque, ainsi que d'une sélection de fac-similés de manuscrits ou carnets préparatoires.On trouvera, dans ce deuxième tome, les ouvrages suivants :Paysages originels (Seuil, 1999), La Langue (Verdier, 2000), Tigre en papier (Seuil, 2002), Suite à l'hôtel Crystal (Seuil, 2004), Une invitation au voyage (BNF, 2006), Un chasseur de lions (Seuil, 2008), Bakou, derniers jours (Seuil, 2010), Bric et Broc (Verdier 2011) et Sibérie (Inculte, 2011) accompagnés d'autres textes, articles et entretiens.
J'ai toujours aimé Cendrars, son cosmopolitisme, sa puissance sans falbalas, son Transsibérien et ses Sept Oncles, sa trogne de nègre suisse dont il serait difficile, même à un artiste des Postes, d'effacer l'éternel clope au bec.
Ce recueil d'impressions de voyage lui est un modeste hommage, le "galurin gris" dont il se coiffe est celui que Blaise évoque dans un poème du Coeur du Monde consacré à sa malle de cabine. On y "tourne dans la cage des méridiens comme l'écureuil dans la sienne", passant sans transition ni dessein préconçu du détroit de Magellan à la mer Rouge, de la Gironde à Saigon, d'une tombe égyptienne aux ruines de Kaboul, de l'archipel des Açores à La Havane.
Alexandrie y voisine avec New York et la Lozère. Aucune cohérence à attendre, donc, sinon peut-être celle-ci : à chacune des escales de cette pérégrination, on a essayé d'exiger quelque exactitude des mots, de façon à ce qu'ils composent comme les fragments d'une géographie, autrement dit d'une écriture scrupuleuse de la terre.
L'idée des " paysages originels " m'est venue à l'improviste : j'avais, dans un roman (Méroé), écrit une phrase où il était question des paysages de l'enfance que, sa vie durant, on ne quittera jamais complètement - quelque chose comme ça.
Je dois reconnaître que, lorsque j'écrivais cette phrase, je n'étais pas tout à fait certain qu'elle eût un sens précis, dont je pusse répondre. C'était, plutôt qu'une idée, un rythme demi-inconscient qui me poussait (je sais bien lequel : celui d'un passage de Paulina 1880, le roman de Pierre-Jean Jouve, où il est question - je cite de mémoire - de cette " unique première vision du corps, et aussi de l'âme, du corps animé, qui ne s'effacera jamais plus, et même pas dans l'au-delà de la mort " : rien à voir avec mon propos du moment, donc.
Cette façon un peu somnambulique d'écrire, cela arrive. Il ne faut pas en abuser, mais enfin cela arrive.) Cependant, il me parût à la réflexion qu'il y avait bien, dans cette phrase qui m'avait presque échappé, un soupçon de vérité, et même d'une vérité qui pût s'appliquer à la littérature : les lieux des années d'apprentissage devaient émettre, à travers toute l'oeuvre d'un écrivain (et bien au-delà de leur image explicite), quelque chose de comparable à ce qu'on nomme je crois, en astrophysique, un " rayonnement fossile " : une sorte de signature de l'origine.
OR
Du paysage originel, géographique et affectif de notre enfance, on ne peut jamais s´évader tout à fait. Dans cette série de reportages initialement parus dans Le Monde, Olivier Rolin explore les lieux de l´enfance de cinq grands écrivains, Hemingway, Nabokov, Borges, Kawabata et Michaux. Quelle empreinte intime et secrète laissent-ils sur leur oeuvre ? De ces enfances littéraires naît un portrait éclaté du monde d´il y a cent ans.