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Mireille Havet
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"Conquête facile, Daniel aime l'amour, les Champs-Élysées, les grandes
automobiles et les cocktails. Autrefois, il aimait la campagne et, dans son jardin désordre, les asters bêtes et tristes et le grand plant d'asperges où l'on coupait, à l'automne, des brassées de feuillages roux que sa mère disposait dans les vases du salon pour faire un fond aux chrysanthèmes.
Il aimait aussi les mots d'où partent, mieux que des gares, les vrais
rapides qui nous entraînent.
Il aimait la lecture et l'encre, maintenant cette femme."
Quand Mireille Havet écrit ce roman, Carnaval, elle est encore nimbée de sa renommée de jeune poète prodige, que Guillaume Apollinaire lui a forgée juste avant la Grande Guerre. Elle a alors un peu plus de vingt ans, fraye volontiers avec les plus désaxés de sa génération, aime par-dessus tout le Paris noctambule des Années folles, regrette la douce campagne de son enfance, croit encore à son avenir d'écrivain et se remet à peine d'une liaison exaltante et humiliante, peu secrète en tout cas, avec la "d'annunziesque" comtesse de Limur.
Mireille Havet a décrit dans son Journal les aléas de cette relation dont elle désire - et ne désire pas - guérir ; elle en a parfois repris certains passages, lyriques et obsédants. Mais Carnaval se veut un roman dans l'air du temps : vif, élagué, irrespectueux des genres littéraires et "crypté". La dure et brève passion de ces deux amantes se traduit littérairement en une aventure - presque une épreuve initiatique - entre une femme mûre, son mari et un tout jeune homme : Madeleine et Jean de Limur deviennent, dans ce roman à clef,
l'excessive Germaine et l'ironique Jérôme ; Mireille Havet est le naïf, puis le cynique Daniel, Sacrifice aux conventions qui, à vrai dire, ne trompa personne ni ses amis et relations, ni la critique. Car l'histoire vécue et l'intrigue on le découvre aujourd'hui, on devait le deviner autrefois sont identiques, ainsi que les circonstances, les décors, les retournements incessants et le paradoxe des sentiments"
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« Par amour de l'aventure, de l'ombre qui masque et de l'équivoque,
j'ai préféré le mardi-gras où l'on pleure sous son masque, à tous les
jours, et me voilà grimée pour la vie en pantin que rien ne casse, en
fantoche de bois. Horreur ! Puisque tu es si consciente, me direz-vous,
ô mes rares amis, pourquoi ne pas t'arrêter, ne pas reprendre souffle,
pourquoi ? Parce qu'il est déjà trop tard, ou bien trop tôt, vous
dirai-je, parce que je suis contaminée, parce que maintenant l'ennui me
terrasse dès que je m'arrête, dès que je me tais, et que la solitude
m'est un supplice bien mérité que ma faiblesse et ma lâcheté ne
supportent plus ! Il faudrait qu'un être qui ne serait pas un maître
d'école m'aime et me sauve par l'amour, par le voyage, par le travail
compris et partagé, par l'argent ! Alors je renaîtrais à moi-même et le
bon grain reprendrait ! Alors j'oublierais la parade du vice, le
sadisme de la souffrance, la morbidité des larmes et des déceptions
profondes et soutenues. Mais seule ! je ne peux et je ne veux pas. Je
ne peux plus ! et je ne veux plus ! Le manque d'argent continuel fait
que je préfère ce milieu louche où l'on nage, où l'or s'attrape comme
les maladies, où l'on revend, prête et trafique jusqu'à l'âme. »
28 septembre 1919
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Journal 1927-1928 "héroïne, cocaïne ! la nuit s'avance..."
Mireille Havet
- Claire Paulhan
- 1 Mars 2010
- 9782912222336
Après avoir publié des poèmes et des contes fantastiques - La Maison dans l'oeil du chat (G. Crès, 1917) et un roman à clé, Carnaval (Albin Michel, 1923) -, celle qui fut autrefois la prometteuse « petite poyétesse » d'Apollinaire s'enfonce dans une terrible impasse : «Pas d'argent. Pas de rémission. Pas d'amis. Pas d'explication possible à leur donner qui, désormais, justifie que cet état se prolonge, du reste, et que je sois toujours empêchée de gagner normalement ma vie. Je ne suis plus un enfant qui attire la compassion et un intérêt attendri. Comme les autres, seule comme les autres, un cas entre des millions, sans autre singularité qu'un glorieux et étincelant début et une fin lamentable, complètement anonyme et obscure pour tout ce même monde qui, à 15, 16, 17 et jusqu'à 25 ans même, attendait de moi son divertissement intellectuel principal, m'accordait du génie et, en échange, me promettait une gloire sans précédent.» Dans ces années 1927-1928, hantées par l'idée du suicide, passent les figures du poète Pierre de Massot, de sa compagne Robbie Robertson - qui devient celle de Mireille Havet -, de l'écrivain anglais Mary Butts, des actrices Alice Simond et Renée Fagan, de l'Américaine Norma Crandall.
Désormais ses amantes sont plus désargentées ou plus égoïstes, les drogues dures ne la lâchent plus et les vrais amis s'éloignent. Mais l'écrivain Mireille Havet persiste à travers les seules «pages d'injures et d'infamie» de son Journal.
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Mireille Havet (1898-1932), la «petite poyétesse» d'Apollinaire, jusque-là sûre de l'originalité ravageuse de son talent littéraire, de sa personnalité et de ses amours, rencontre une femme qui ne lui ressemble vraiment pas, Reine Bénard : ce nouveau tome de son Journal des années 1924-1927 - qui prend la suite des tomes 1918-1919 et 1919-1924 (éd. Cl. Paulhan, 2003 et 2005) -, est entièrement dédié à la description de la courbe de cet amour qui fut tendre et libre, avant de devenir infernal et de précipiter Mireille Havet dans les affres de l'échec et les délires de la drogue.
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Ireille Havet [ de Soyecourt ] (Médan, 4 octobre 1898 - Montana, 21 mars 1932) : ses amis - Paul Fort, Guillaume Apollinaire (qui l'appelait la « petite poyétesse »), Colette, Edmond Jaloux, Natalie Barney et Jean Cocteau - favorisèrent la publication de ses poèmes (dans Les Soirées de Paris, 1914 ; Le Mercure de France, 1916), de ses contes fantastiques, La Maison dans l'oeil du chat (G.Crès, 1917) et un roman à clé, Carnaval (Albin Michel, 1923) .Ce qu'ils ignoraient, c'est que Mireille Havet rédigea, de 1913 à 1929, un extraordinaire et monstrueux Journal, dans lequel elle décrit sa « vie de damnation », une vie de guet et d'attente, de songe et d'outrance, une vie aimantée par son « goût singulier » pour l'amour des femmes et les stupéfiants.
« À force d'exigence et de retombements, de projets et de défaites froides comme l'averse qui donne la fièvre dont on crève à vingt ans, je n'attends plus rien que moi-même, ma belle petite âme que parachève et paraffine chaque jour la vie parisienne et son fouet à neuf queues. Je suis un jouet entre les mains, les lèvres des foules, où mon nom, ma petite identité qui aspirait au lyrisme est balancée comme un numéro de foire, une attraction vernie qui ne coûte pas cher. Je suis une barque haletante et fracassée sur la mer sans étoile, où nous naviguons de compagnonnage avec les lames mauvaises, lourdes comme l'huile, et les petits poissons changeants qui se cachent dans la lune selon les marées. Hélas !. » Le fin critique Edmond Jaloux - évoquant sa brève existence et celles de Jacques Vaché, Raymond Radiguet, René Crevel, Emmanuel Faÿ et Jacques Rigaut - les réunissait dans une même génération littéraire qui, « refusant les conditions communes du monde, se jetèrent dans une aventure de caractère absolu, qui les conduisit à une mort précoce ». De ce monumental Journal, que je publierai en 4 tomes, il a été choisi - pour ce premier titre d'une nouvelle collection - une année dans la vie de Mireille Havet : celle de ses vingt ans, pendant laquelle, après l'Armistice et la mort d'Apollinaire qui la rendent grave et résolue, elle va désespérement chercher à s'étourdir dans le demi-monde et le monde des Années folles.
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La Maison dans l'oeil du chat est un conte qui, au travers de portraits, de scènes de la vie commune, de paysages, offre aux enfants, sans doute aussi aux parents, un riche "terrain de jeu" propice à la rêverie, à aiguiser la curiosité et l'imagination. Le chat n'est pas le seul habitant de cet univers. Y vivent aussi une famille, des enfants, un petit cheval, des grenouilles... Même les choses et les lieux s'y animent et se manifestent: des cloches, un lac, un petit escalier... Dans une ambiance sonore et musicale, c'est une belle promenade poétique et mystérieuse, facécieuse aussi d'environ une heure, à laquelle Mireille Havet invite petits et grands. C'est la talentueuse interprétation de Camille Blouet qui guidera nos pas tout au long du parcours. Dans le livret, un QR code permet l'accès à l'écoute en ligne.
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Journal 1918-1919 ; «le monde entier vous tire par le milieu du ventre»
Mireille Havet
- Claire Paulhan
- 1 Janvier 2003
- 9782912222183
"À force d'exigence et de retombements, de projets et de défaites froides comme l'averse qui donne la fièvre dont on crève à vingt ans, je n'attends plus rien que moi-même, ma belle petite âme que parachève et paraffine chaque jour la vie parisienne et son fouet à neuf queues.
Je suis un jouet entre les mains, les lèvres des foules, où mon nom, ma petite identité qui aspirait au lyrisme est balancée comme un numéro de foire, une attraction vernie qui ne coûte pas cher. Je suis une barque haletante et fracassée sur la mer sans étoile, où nous naviguons de compagnonnage avec les lames mauvaises, lourdes comme l'huile, et les petits poissons changeants qui se cachent dans la lune selon les marées.
Hélas !"