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L'histoire de l'ivresse est l'histoire d'une fascination oscillant entre exaltation romantique et dénonciation scandalisée - entre l'esthétisation et la moralisation. Pourtant, nombreux sont ceux qui, de tous temps et dans toutes les cultures, ont refusé cette alternative pour plutôt s'interroger sur ce que l'ivresse fait - sur les puissances insoupçonnées qu'elle recèle. De la Bagdad du IXe siècle au New York du XXe, de la France médiévale au Japon de l'ère Meiji, poètes, philosophes, écrivains, alchimistes ou simples ivrognes ont exploré, de manière souvent vacillante et imbibée, ce que l'ivresse change dans le domaine de l'art comme dans celui de la science, dans celui de la politique comme dans celui de l'éthique - et jusqu'à celui de l'être. Cheminant en compagnie de Abû Nûwas, Nakae Chômin, Rabelais, Dorothy Parker, Zhang Xu et de nombreux autres, Laurent de Sutter propose une traversée des transformations que l'ivresse propose, à la recherche d'une vérité nouvelle, ne tenant plus sur ses pieds que de manière hésitante : une vérité ivre, ridiculisant la police millénaire de la sobriété.
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« Je suis déçu. » Cette phrase tombant comme un couperet vaut toutes les condamnations. Qu'elle concerne un film, un repas, une relation amoureuse ou un choix politique, la déception est le signe d'une chute sans pardon. Et si, dans l'affirmation de la déception, ne se cachait pas autre chose qu'une certaine bêtise : celle qu'il y a à attendre quoi que ce soit de quoi que ce soit ? Et si la déception n'était rien d'autre que le prix à payer de l'espoir - l'espoir n'étant jamais gratuit ?
Ce qui semble ne relever que de la morale implique en réalité toute une politique, un droit et même une théologie. Renoncer à l'espoir, ce n'est pas seulement renoncer à la possibilité d'être déçu ; c'est renoncer à un ordre beaucoup plus vaste, qui tente de régler chacune de nos rencontres avant même qu'elle n'ait lieu.
Poursuivant son travail de décadrage des grands concepts issus de la modernité, Laurent de Sutter ajoute un chapitre jouissif au chantier de ses Propositions. -
« Nous sommes devenus superforts. Rien ne peut nous résister : la plus grande oeuvre d'art, l'action la plus héroïque, l'entreprise la plus noble, la figure la plus impeccable - elles ne le sont que pour autant que nous le voulions bien. Chacun d'entre nous, partout dans le monde, et quoi qu'il en soit de sa richesse ou de sa pauvreté, de sa culture ou de son ignorance, nous sommes plus forts que tout. La superforce est la condition contemporaine de l'être humain. Pour nous, humains du XXIe siècle, plus de réalité qui ne soit bornée par un Oui, mais. Qui, aujourd'hui, sauf un abruti ou un niais, oserait dire qu'il n'est pas critique ? Qu'il ou elle n'a pas d'esprit critique ? La raison moderne, la raison critique, parce qu'elle est d'abord une interrogation sur elle-même, comme l'avait dit Emmanuel Kant, ne peut connaître d'autre limite ni d'autre alternative qu'elle-même. De sorte qu'elle a fini par dévorer la totalité du champ du pensable. Il est temps de faire le point sur le programme critique et de se poser la question de ce qu'il a laissé de côté. Et la réponse que je propose est : il a laissé de côté le futur. Il n'y a pas d'après de la critique, parce que l'idéal de la critique est le champ de ruine où survivrait une luciole, où pousserait une pâquerette ».
Dans ce livre-étendard d'une génération nouvelle, scintillant d'idées, d'arguments et d'exemples, Laurent de Sutter appelle à renouer avec le sens du futur, à quitter le mode du « oui, mais » pour épouser celui du « et si », à redevenir superfaibles et... libres à nouveau. -
Pour en finir avec soi-même Tome 1 ; propositions
Laurent de Sutter
- PUF
- Perspectives Critiques
- 14 Avril 2021
- 9782130827009
Qui sommes-nous ? À cette demande, chacun nous intime désormais de répondre. Du développement personnel aux documents d'identité, des luttes politiques aux relations intimes, de la vie professionnelle aux moments d'illumination mystique, réussir à enfin être soi-même semble constituer la condition essentielle de tout. Mais d'où provient cette obsession pour le fait d'être quelqu'un ? Et, surtout, que révèle-t-elle de l'ordre du monde dans lequel nous vivons ? Dans son nouveau livre, Laurent de Sutter, propose une solution inédite à ces questions au terme d'une dérive surprenante, saisissant dans un même mouvement la méthode Coué et le très ancien droit romain, l'invention philosophique du moi et la pensée chinoise, la psychanalyse et la spiritualité indienne, le théâtre et la neurologie. Et si être soi-même n'était rien d'autre que le nom de la police ? Et si, pour résister aux appels à être « quelqu'un », il fallait enfin apprendre à devenir n'importe qui ?
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Partout autour de nous règne le danger. Il nous effraie lorsqu'il est trop précis et nous angoisse lorsqu'il nous échappe. Face à lui, nous ne réclamons qu'une chose : la sécurité. Pourtant, cette réclamation ne vient pas de nous. Nous n'en sommes que les porte-parole - les hérauts inquiets d'une réalité qui nous dépasse davantage que nous le croyons. Car le danger n'est pas un sentiment personnel. Ce qui angoisse ou fait peur est d'abord l'enjeu d'un vaste processus politique de définition, où ce qui se joue n'est rien moins que la possibilité d'une distinction entre le pensable et l'impensable.
Mêlant musique et droit romain, philosophie et histoire de l'assurance, psychanalyse et théologie, Laurent de Sutter nous rappelle combien craindre le danger est se faire l'écho de la crainte d'un pouvoir pour qui la sécurité est la meilleure manière de se perpétuer. -
Indignation totale ; ce que notre addiction au scandale dit de nous
Laurent de Sutter
- Alpha
- Philosophie
- 15 Mars 2023
- 9782383880783
Notre époque est celle du scandale généralisé. Du matin au soir, du bureau au bistrot et des vacances aux dîners de famille, il n'est de circonstance qui ne nous fournisse pas l'occasion de nous indigner. Tantôt le scandale est politique, tantôt il est économique ; tantôt il est moral, tantôt il est religieux ; tantôt écologique, tantôt esthétique. Tous les domaines de la vie semblent désormais être affectés par des imperfections, des bêtises, des horreurs suscitant notre rage plus ou moins vertueuse.
Que signifie un tel réflexe d'indignation ? Que dit-il de nous - et, surtout, de la manière dont nous pensons ? Pour le philosophe Laurent de Sutter, ce que l'indignation incarne n'est peut-être rien d'autre que l'impasse de ce qui pourtant la nourrit : notre obsession pour la raison. L'âge du scandale est l'âge du triomphe de la raison. Si l'on veut en finir avec le premier, il faut donc se demander comment on peut parvenir à se débarrasser de la seconde ! -
« Pop'philosophie » : s'il fallait se fier aux crises d'urticaires ou la morgue méprisante que ce simple mot provoque, il faudrait sans doute en conclure qu'il s'agirait du nom d'une étrange maladie. Cette maladie, ce serait celle de la philosophie qui se prostituerait au spectacle ou aux industries culturelles, à la pop-culture ou, pire, aux sirènes du populisme. Avec la pop'philosophie, ce à quoi on assisterait serait la ruine de la philosophie tout court, devenue tantôt gadget pédagogique pour enseignants désespérés, tantôt tentative un peu pathétique de capitaliser sur la glamour frelaté du monde du rock, du cinéma ou de la télévision pour ressasser les banalités les plus éculées. Et si c'était faux ? Pour Gilles Deleuze, en tout cas, qui inventa ce concept au mili eu des années 1970, ça l'était : à ses yeux, rien n'était plus important que l'invention d'une pop'philosophie qui sauverait enfin la pensée en général de la double tentation de la correction professorale ou de la pontification esthétique. Permettre d'inventer une pensée véritablement anarchiste, enterrant la philosophie pour l'ouvrir à des devenirs inédits : tel était l'objectif qu'il donna au concept de pop'philosophie.
Rien n'était moins simple - ni plus ambitieux. Il est temps de comprendre en quoi.
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Striptease ; l'art de l'agacement
Laurent de Sutter
- Du Murmure
- Borderline
- 26 Mars 2015
- 9782373060003
À rebours de ce que l'on imagine, le striptease n'a pas pour dernier moment la révélation de la nudité d'une femme, et la manifestation de la puissance érotique que cette nudité peut susciter, mais bien sa dissimulation.
Il est l'incarnation de tout spectacle, en tant que LE spectacle (comme le proclamera Guy Debord), assomption du faux et de la fausseté par laquelle la société du spectacle tentait de maintenir le réel à distance.
Ce qui est insupportable pour Barthes comme Mauriac par exemple est que le striptease affiche les signes de l'art sans en être un - et que ces signes rendent heureux ceux qui les consomment sans savoir.
Au travers de cet essai, l'auteur retrace un historique de l'effeuillage tout en le repositionnant dans le discours des philosophes et penseurs du XXe siècle.
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Hors la loi ; théorie de l'anarchie juridique
Laurent de Sutter
- Les liens qui libèrent
- Trans
- 10 Mars 2021
- 9791020909657
Et si, bien loin d'être le garant de quelque ordre que ce soit, le droit était surtout une machine à le faire exploser - une machine à inventer des réalités sociales toujours plus bizarres pour transformer le monde, et non le stabiliser ?
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L'âge de l'anesthésie ; la mise sous contrôle des affects
Laurent de Sutter
- Les liens qui libèrent
- 10 Mai 2017
- 9791020905086
Un cliché répandu veut que nous vivions désormais dans une société malade de trop de sollicitations, de trop d'accélérations, de trop d'excitation. Mais, en réalité, il n'en est rien. Plutôt qu'une société soumise à l'excitation, ce que nous expérimentons chaque jour tient d'une sorte de domestication calme et silencieuse, dont l'affect principal est celui de la dépression.
Antidépresseurs, somnifères, cocaïne, pilules : nos vies ressemblent désormais à des pharmacies. Nous ne parvenons plus à agir autrement qu'en nous aidant de substances chimiques - une pilule pour nous réveiller, une autre pour travailler, une troisième pour faire la fête, une quatrième pour en éviter les conséquences et une dernière pour nous endormir. Mais que dit cette addiction de notre présent ? Pourquoi avons-nous décidé de soutenir nos existences avec des produits dont les origines remontent aux sources du capitalisme industriel ? Que signalent-ils de notre abandon aux exigences d'un monde qui réclame de nous à la fois que nous fassions preuve de créativité et d'initiative et que nous marchions droit ? La réponse est peut-être la suivante : derrière la pléthore de substances que nous ingérons, inhalons ou nous injectons, ce qui se dissimule n'est rien d'autre qu'une manière d'éviter le plus angoissant : la possibilité de l'excitation. L'excitation qui n'est pas celle des vies individuelles, mais celle de la contamination de ce que la chimie ne peut annihiler : l'excitation politique. La pharmacie du capitalisme fait de nous des drogués obéissants ? Il est temps de chercher à la comprendre.
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« Après la loi, il y a le droit ; après la loi, il y a la totalité de ce dont la loi a signé l'oubli ; il y a l'invention et le désordre, le savoir et l'exploration, la multiplicité et la singularité, les êtres et les choses, la force des gestes et celle de mots.
Après la lex, il y a le ius, le li, le giri, le dharma, la fiqh, la aggadah, la maât et le dînum ; après le nomos , il y a l'anomie, l'anarchie, l'injustice, l'arbitraire, la casuistique, la magie, le récit, la religion, les rituels. Après la loi, il y a l'ensemble des moyens que les êtres humains ont inventé pour devenir plutôt qu'être, et pour faire devenir avec eux les relations qui les unissaient à d'autres et finissaient par les constituer en groupes. Car telle est la différence principale qui sépare la loi du droit : la loi ne connaît que l'être, un être à la défense duquel elle est vouée par structure et par fonction - un être qu'il est de son devoir de ne pas remettre en question. »
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Lettre à Greta Thunberg ; pour en finir avec le XXe siècle
Laurent de Sutter
- Le Seuil
- Anthropocène
- 4 Juin 2020
- 9782021458282
Qui est Greta Thunberg ? Héroïne d'un présent assombri par le désastre climatique en cours pour les uns, incarnation de la bêtise catastrophiste du contemporain pour les autres. Pourtant, ce qu'elle nous apprend va au-delà du jeu d'échec des « pour » et des « contre » qui plombe les débats relatifs à l'écologie. Ce qu'elle nous apprend est tout simplement une nouvelle manière de penser et d'agir à l'aune de la crise que nous traversons.
Avec Greta Thunberg, la figure de l'intellectuel jugeant le monde depuis la certitude de sa connaissance se voit déboulonnée au profit d'une autre, qui ne craint plus de regarder en face l'incertitude de toute connaissance. Car il y aura toujours une raison d'attendre, une donnée manquante, une théorie non vérifiée, une hypothèse sur un risque non expurgée de valeurs. Or ce dont nous avons besoin, aujourd'hui, est autre chose, qui prend la forme d'un savoir que nous ne pouvons pas maîtriser - le savoir de l'urgence. De ce savoir, Greta Thunberg est désormais l'incarnation. Et Laurent de Sutter propose de se mettre à son école.
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Qu'est-ce que la police ? Personne ne semble avoir de réponse véritable à proposer. Gardienne de l'ordre ? Protectrice des citoyens ? Bras armé du souverain ?
Condition nécessaire au libéralisme ? Preuve de civilisation de sociétés refusant toute violence autre qu'officielle? Ou bien tout cela à la fois - et quelque chose d'autre encore ?
Et si la seule manière de pouvoir comprendre quelque chose à la police était de se tourner vers la fiction, vers la pop culture ? T el est le choix de Laurent de Sutter : suivre les images dans la manière dont celles-ci nous raconte la police au présent. De James Ellroy à Police Academy, de Jean-Pierre Melville à l'inspecteur Harry, de John Woo aux banlieues parisiennes en 2004, c'est une toute autre vision de la police que propose cet ouvrage.
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Réflexion du philosophe sur les motivations des auteurs d'attentats-suicides, depuis la fin du XIXe siècle. Ecartant les explications idéologiques, il démontre qu'ils sont pris dans une guerre des images, rappelant la surenchère visuelle des société...
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Deleuze ; la pratique du droit
Laurent de Sutter
- Michalon
- Le Bien Commun
- 1 Février 2009
- 9782841864829
" la jurisprudence est la philosophie du droit, et procède par singularités, prolongement de singularités ", disait Gilles Deleuze (1925-1995).
La philosophie sait penser la loi. mais le droit ne se laisse pas réduire aussi facilement. ce prodigieux meccano impose son jeu à la pensée et s'offre ainsi comme un modèle possible, inventif et foisonnant, rigoureux pourtant, souverainement indifférent au jugement. la relecture d'une tradition critique allant de socrate à kafka ouvre ainsi pour deleuze la voie d'une pensée clinique, attentive au singulier, qui pourrait bien être l'avenir de la philosophie.
Une relecture décapante d'une des plus grandes oeuvres de notre temps.
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Johnsons et shits ; notes sur la pensée politique de William S. Burroughs
Laurent de Sutter
- Leo Scheer
- Variations
- 8 Juillet 2020
- 9782756113227
Toute sa vie, Williams Burroughs n'a cessé d'intervenir, avec une méchanceté et une acuité remarquables, dans les grands débats de son époque. Au fil du temps, ses interventions ont fini par constituer une « mythologie », dont deux familles d'individus occupent les rôles principaux : les « Johnsons » et les « Shits ». Les Johnsons n'attendent qu'une chose, qu'on les laisse vaquer à leurs propres affaires. Les Shits, eux, obsédés par le droit et la raison, prétendent s'ériger en centre autour duquel toute existence doit graviter. À l'heure où les Shits se multiplient, dans la politique comme sur les réseaux sociaux, la mythologie de Burroughs et les plans qu'il a formés pour se débarrasser des emmerdeurs sont plus que jamais d'actualité. La révolution sera Johnson ou ne sera pas.
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Magic est de ces livres étonnants, bouleversant tout ce que nous croyions savoir sur un sujet. À partir d'une interrogation sur l'apparition du concept de « lien social » chez Rousseau ou Durkheim, Laurent de Sutter propose une surprenante remise en cause du consensus régnant autour de l'idée de lien. Plutôt que de poursuivre l'investigation du côté de la sociologie, il suggère, pour comprendre ce qui nous lie, de regarder du côté d'un droit qui aurait retrouvé ce qui lui a toujours été consubstantiel et que l'on a pourtant tenté de refouler, à savoir sa magie.
Que se passerait-il si, en effet, le droit était la dernière manifestation de la magie dans un monde qui croyait pouvoir s'en passer ? Telle est la question au coeur de ce bref essai érudit, spectaculaire et fascinant, passant avec une grâce provocante de Montesquieu à Giordano Bruno, des juristes romains à Gabriel Tarde, de Marcel Mauss aux inspirateurs du Code civil, de Giorgio Agamben à Quentin Meillassoux.
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De l'indifférence en politique
Laurent de Sutter
- PUF
- Perspectives Critiques
- 13 Février 2008
- 9782130566861
Le livre que le lecteur tient entre les mains est un bréviaire de l'indifférence à la politique. Ce bréviaire, toutefois, ne vise aucune fin édificatrice, ni prosélyte. Il se contente d'être l'exposé fragmentaire d'un soupçon vague : que la politique ne rend pas heureux. Plutôt qu'y dépenser une énergie que nous n'avons pas, ne vaut-il pas mieux nous tourner vers d'autres horizons ? Déambulant le long d'une plage des Pouilles, assis à la terrasse d'un café parisien, ou goûtant, depuis le balcon d'un hôtel, la nuit londonienne, nous n'avons que l'embarras du choix. II suffit qu'une jeune fille croise notre chemin pour que la politique s'évanouisse comme un rêve d'hiver.
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Le livre des trahisons ; le gouvernement Hollande contre la gauche
Laurent de Sutter
- PUF
- Hors Collection Puf
- 7 Septembre 2016
- 9782130785729
Le 15 mai 2012, François Hollande était élu président de la République française. Depuis, avec l'aide de ses différents gouvernements, il n'a cessé de multiplier les actions, les lois et les déclarations contraires à ce qu'il avait annoncé - et, surtout, contraires à l'idée la plus élémentaire de ce que peut être la gauche. Quarante intellectuels et écrivains se sont donc réunis pour dresser la chronique de ces trahisons et pour raconter, à rebours de l'épilepsie médiatique favorisant notre amnésie, quelque chose de la condition politique du présent. Du programme présidentiel au projet de loi El Khomri, des déclarations de Manuel Valls contre toute tentative d'explication au passage en force de la constitutionnalisation de l'état d'urgence, de la gestion de la jungle de Calais, jusqu'aux dictateurs invités par l'Élysée, à la lutte contre les prostituées et à la démission de Christiane Taubira, ce sont quatre années invraisemblables qui viennent de s'écouler. Ce n'est pas la première fois que la gauche a trahi la gauche, mais celle-ci pourrait bien être la dernière.
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Toute vie est une oeuvre d'art pornographique.
Nous avons besoin d'un nouvel art de jouir. L'héritage de la révolution sexuelle s'est épuisé. Pourquoi? Parce qu'il paraît vain d'imposer un programme, quel qu'il soit, à la jouissance. Ce programme, la révolution sexuelle l'avait baptisé "érotisme". Peut-être, pour en finir, faut-il donc aussi en finir avec cet érotisme. En finir au profit d'une autre conception de la sexualité où la jouissance participe d'un véritable art. Tel est du moins le but du présent essai - un but qu'il ne sera possible d'atteindre qu'au prix d'un bouleversement complet du partage entre admissible et inadmissible en matière de sexe. En serez-vous capables? -
Dans Les Contes de la folie ordinaire, Charles Bukowski dit que les prostituées sont titulaires d'un secret que les hommes ont oublié : la vérité. Jean-Luc Godard relie son obsession du cinéma - art des signes vrais - et de la prostituée en une métaphysique qui lui est propre, que l'on retrouve particulièrement dans son film Une femme coquette.
Il y joue le rôle du miché de la prostituée, incarnation de la vérité face à la coquette qui, de l'autre côté de la rue, joue à la putain. Lulu, l'opéra d'Alban Berg, adapté de La Boîte de Pandore de Frank Wedekind, tend aux bourgeois et aristocrates autrichiens le miroir de leurs propres fantasmes obscènes, ceux qu'ils gardent à l'abri de leur intériorité, avant de détruire l'objet de leur désir, la belle Lulu. La prostituée, en rendant publique l'hypocrisie de la société bourgeoise sur le point du sexe, lui ôte tout pouvoir. C'est pourquoi on s'attache à la condamner quand, portant des attributs extérieurs de séduction, elle racole dans la rue. DansUlysse, James Joyce montre comment Leopold Blum, en traversant une expérience initiatique, devient un véritable héros : il doit aller chercher Stéphane Dedalus dans le bordel de Bella Cohen. Pour lutter contre les hallucinations - ses désirs secrets - qui l'assaillent, il doit se raccrocher à la vérité de son amour pour sa femme Molly.
Chester Brown, dans son roman graphique Vingttrois prostituées, révèle que passer un moment avec une putain, c'est passer un moment avec soi-même, comme on passerait un moment face à un miroir.
On y est nu, confronté à son reflet, obligé de prendre en charge son propre désir.
À partir de ces exemples, loin d'être tous cités ici, Laurent de Sutter démontre que la rencontre avec une prostituée fait dérailler l'ordre par lequel un homme tente de ne pas s'effondrer à chaque coin de rue. Elle rend impossible la poursuite d'une existence qui prétend être gouvernée par la raison, comme s'il s'agissait d'un dossier à régler.
Au contraire, la vérité est dans la perte de cette règle. De même qu'elle affole l'ordre social du travail et de l'argent, ou même l'ordre policier de la rue, la prostituée affole l'ordre individuel du sujet.