Ô nuit, ô mes yeux est un roman graphique qui, à l'instar de Bye Bye Babylone (Denoël 2010), est composé, en alternance, de pages de textes et de pages de dessins, selon un rythme non systématique. D'une manière générale, une page de texte est suivie de plusieurs pages d'illustrations.
Ô nuit, ô mes yeux retrace les destinées des grandes et petites chanteuses arabes, entre le Caire et Beyrouth, en passant par Jérusalem, Damas et Alexandrie, depuis le début du xxe siècle, jusqu'aux années 1970. Lamia Ziadé y raconte et y dessine les existences d'Asmahan, Oum Koulthoum, Faïruz, Sabah, Leïla Mourad, Nour el Hoda, Samia Gamal, etc. et celles de leurs contemporains (poètes, hommes politiques, banquiers, émirs, rois, officiers anglais, diplomates français, journalistes, compositeurs, réalisateurs, productrices, acteurs, danseuses.) avec pour toile de fond les événements marquants du Moyen-Orient à travers le siècle.
De la Nahda (renaissance arabe intellectuelle et artistique du début du xxe siècle), en passant par l'âge d'or (les années 1930, 40, 50), et jusqu'au crépuscule (depuis la défaite de 1967), plus que quiconque ces femmes ont incarné le rayonnement et l'épanouissement de la culture arabo-musulmane. Elles sont un pilier du rayonnement spectaculaire du cinéma Égyptien, qui, en devenant parlant, est surtout devenu chantant.
Leurs existences reflètent toutes les forces, séductions, servitudes et paradoxes du Moyen-Orient. Dans cette société conservatrice, elles ont réussi, grâce à leur audace et à leur talent, à imposer leur art et conquérir une liberté qu'elles ont payée au prix fort : leurs vies privées ont souvent été extrêmement romanesques et tumultueuses, tragiques.
Dans ce livre, il y a des ruines et des martyrs, des vestiges, des temples, des sanctuaires, des portiques, il y a des tombes, des cercueils, des mausolées, des cimetières, des épitaphes. Il y a des sépultures mythiques et des fosses communes. Il y a des résistants tués, des révoltés abattus, des leaders assassinés, des enfants massacrés, des partisans torturés, des nationalistes pendus. Il y a des rebelles héroïques. il y a des saints, des prophètes, des dieux, des vierges, des archanges, il y a des victimes et des assassins. Il y a aussi des châteaux forts, des citadelles, des basiliques, des mosquées, des dômes, des minarets, des phares, des miradors, des barbelés, des carcasses d'hôtels, des camps, des prisons. Et des détenus, des captifs, des séquestrés. Il y a des condamnés à mort.
Il y a des miliciens et des dictateurs, des fédayins et des moudjahidines, une infirmière kamikaze, une miss univers et un prince rouge, des émirs, des pachas, des califes, des patriarches et des poètes.
Il y a l'élégance, la classe, le style, la manière, la touche, la griffe, il y a la flamme, la passion, l'idéal, la cause. Il y a Sep- tembre Noir et la bataille de Kerbala, la corniche de Beyrouth et le discours d'Alexandrie, la tête de Jean-Baptiste et celle de l'imam Hussein, la fiancée de Naplouse et l'artificier de la Casbah, la prisonnière de Khyam et la dactylo d'Alger, les Boeings de la Pan Am et l'automobile du Roi d'Irak, le minaret de Jésus et le rocher de Mahomet. il y a aussi un imam disparu, un cheikh caché, un ayatollah inspirant, un mufti éliminé et un mufti ambigu. Il y a des keffiehs, des treillis, des lunettes noires, des turbans, des sahariennes, des drapeaux, des uniformes, des journaux, des slogans.
Il y a la plume, le mot, le verbe, l'éloquence, le discours, l'étendard.
Il y a des attentats, des enterrements, des processions, des funérailles, des cortèges, des pleurs. Et aussi des colonnes, des chapiteaux, des gisants, des sarcophages. Des tombeaux phéniciens, des cénotaphes sumériens, des nécropoles romaines, des pyramides égyptiennes. Il y a le Saint Sépulcre, le temple de Salomon et le dôme du rocher.
Il y a des massacres, des tueries, des boucheries. Il y a des blasts d'explosions. Il y a du sang, des soupirs, des larmes, des lamentations, de la poussière, de la fumée, de la boue, des bris de verre, des décombres, la désolation, la tristesse, l'agonie, le drame, la tragédie, le deuil, les couronnes, les fleurs, les rubans, les chants, les youyous, le paradis.
C'est une danse macabre.
Dans ce livre, il y a un siècle au proche orient.
Bye bye Babylone est le premier livre de Lamia Ziadé, paru il y a bientôt dix ans, avant ses deux succès chez P.O.L : Ô nuit, ô mes yeux (2015), et Ma très grande mélancolie arabe (2017). Cette nouvelle édition, dans un nouveau format, est en réalité un nouveau livre, une version longue comme l'on dit au cinéma. Avec de nombreux nouveaux dessins inédits (une cinquantaire de nouveaux dessins), un texte entièrement revu et augmenté.
Beyrouth 1975-1979 : une petite fille observe, raconte l'avancée imparable d'un conflit qui va rava- ger la Babylone chatoyante qui l'a vue naître.
« Dans ce livre il y a Beyrouth, en feu, en flammes, en étincelles, en explosions, dans le noir absolu, il y a Beyrouth qui brille. Il y a moi et mon petit frère, il y a des miliciens et des miliciennes...
Il y a le magasin de mon grand-père et le foulard en soie de ma grand-mère, la Nivéa de ma nounou et le Petzi de Walid.
Il y a des cinémas en feu, le Roxy, le Radio City, le Dunia, l'Empire, le Rivoli, et des hôtels en flammes, le Palm Beach, le Vendôme, le St Georges, le Phoenicia, l'Alcazar.
Dans ce livre, il y a des chewing gums et des kalachnikov, des bonbons, des chocolats, des barbe-à-papas, il y a des bazookas, des M16, des mortiers, des obus, des missiles, des grenades... »
Le 4 août 2020, une monumentale explosion dans des entrepôts ravage le port de Beyrouth et les quartiers voisins. Elle fera des centaines de morts et plus de 4000 blessés. Lamia Ziadé a vécu cette catastrophe de trop pour Beyrouth depuis Paris, mais en lien constant avec sa famille et ses amis vivant sur place. Immédiatement, elle a voulu réaliser le carnet intime de cette catastrophe. Saisir dans ses dessins ce qu'elle voyait, ce qu'on lui racontait. Mais elle tient aussi son propre journal dans lequel elle témoigne de son émotion et de sa colère qu'elle partage avec ses compatriotes. Elle restitue la stupeur de l'événement : « Les effets de l'explosion sont incompréhensibles, répondent à un système mystérieux inverse à la logique ». Des verres intacts dans une pièce ravagée, des meubles retrouvés à 200 mètres de l'appartement qui les abritait. « Une sorte de maléfice semble avoir organisé les dégâts. » Lamia Ziadé dessine également les portraits de celles et ceux dont on ne doit pas « oublier les visages souriants », des sauveteurs dans les décombres, des victimes, mais aussi des politiques conspués.
Dans ce livre il y a les cabarets du Caire, les studios, villas, casinos du Caire, les maris, les amants, l'alcool, les somnifères, l'argent, les suicides, les brownings, les scandales, les palaces. Il y a le chant, la musique, la voix, les ovations, les triomphes, la gloire. Il y a l'audace, le génie, l'aventure, la tragédie.
Il y a des poètes et des émirs, des danseuses, des banquiers, des officiers, des imams, des cheikhs, des actrices, des khawagates, des musiciens, des vamps, des noctambules, des révoltés, des sultans, des pachas, des beys, des espionnes, des prodiges, des rois d'Égypte et la cour.
D'éminents journalistes, de célèbres compositeurs, des patronnes de clubs, des grands chambellans, des joueurs de oud. Il y a la petite paysanne du delta et la princesse druze, le fils du muezzin et le chanteur solitaire, la star juive et le colonel héroïque. Il y a Asmahan, Oum Kalthoum, Abdelwahab, Farid el Atrache, Samia Gamal, Leïla Mourad, Nour el Hoda, Sabah, Fayrouz, il y a les astres de l'Orient. Il y a la classe, le glamour, la touche, le style. Il y a l'amour, la passion, la haine, la vengeance. Il y a des verres et des cigarettes, des cartes à jouer, des jetons, des dés, des bijoux, des drapeaux, des corans. Il y a les cinémas de Beyrouth, les palais de Damas, les quais d'Alexandrie, les rues de Jérusalem, la cour de Bagdad. Il y a la radio, les disques, les micros, les caméras, les génériques, les néons, le rideau, l'orchestre, le concert, le public, la transe.
Il y a la voix des Arabes. Il y a les grands hôtels, le Saint-Georges, le King David, l'Orient Palace, le Mena House.
Il y a la chute de l'Empire ottoman et il y a la guerre en Palestine, il y a la prise du canal de Suez et la défaite de 1967, il y a un siècle au Proche-Orient.
"En 1975, j'avais 7 ans et j'aimais les Bazookas que ma mère nous achetait, à Walid et à moi, chez Spinney's.
" Tout commence au Paradis, dans ce mirage d'Occident, le Beyrouth des années 70. Les familles aisées emplissent leurs caddies des mêmes produits de rêve qu'à Paris et New York, tandis que les miliciens de tous bords bourrent les leurs de M16, d'Uzi et d'AK47. Lamia Ziadé est cette petite fille qui observe, subit, raconte l'avancée imparable d'un conflit qui va ravager la Babylone chatoyante qui l'a vue naître.
Sous ses doigts, la guerre devient pop. Assemblage d'éclats joyeux et noirs, inventaire d'instants d'horreur et d'innocence, son roman graphique retrace l'histoire d'une ville, d'un peuple, d'un monde en proie à la folie destructrice. Un portrait lucide, grave et inédit, comme si les yeux de l'enfance avaient le pouvoir de voir plus loin que l'intelligence adulte.
Que faire quand son jouet préféré est une poupée qui s'abîme au moindre câlin ?
Découvrez l'histoire de Mouss et de son doudou fondant.
À la demande de son fils, Fouad Elkoury, photographe libanais, revient sur les images qui ont marqué sa carrière. À travers trente mails, chacun accompagné d'une photographie, les souvenirs affleurent peu à peu : la guerre, l'exil, le Moyen-Orient, la poursuite de ses convictions de photographe, la naissance de son fils... Dans une langue intime, avec les illustrations de Lamia Ziade en contre-chant, Lettres à mon fils compose le portrait original d'un artiste et d'un père.