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«Dans la soirée, après avoir bu deux ou trois poires en conclusion de mon dîner, dans un état, donc, de légère ébriété, je suis descendu vers la gare Saint-Lazare en ruminant la lancinante question de ce que je pourrais bien faire, en voyage à Paris, qui ne soit pas du journalisme pittoresque ou de la sociologie de comptoir. Heureusement, les poires ne tardèrent pas, si je puis dire, à porter leurs fruits. Ainsi éprouvai-je bientôt le sentiment d'être suivi, dans la rue de Rome autrement déserte, par un type amoché que j'avais remarqué auparavant et qui portait un pansement sur l'oeil droit (...). Au coin de la rue de Rome et du boulevard des Batignolles, j'observai que le Sacré-Coeur, considéré sous cet angle, ne ressemblait aucunement au Sacré-Coeur mais beaucoup à Notre-Dame-de-la-Garde. C'était une impression de voyage. Déjà la nuit remplissait à plein bord la large et profonde tranchée du chemin de fer que longe la rue de Rome dans sa partie supérieure mais, tout au fond, l'acier poli des rails réfléchissait encore la lumière du couchant et traçait dans l'obscurité des lignes roses.»
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«Un soir nous étions installés tous les trois, bien lestés d'alcool et de toxiques divers, devant l'entrée de l'habitat rupestre. Le gueux s'éloigna pour procéder à l'inspection de quelque chose qui clochait avec sa voiture. Sally me fit entrer dans la maison, m'y prodigua des marques d'affection, attira mon attention sur une carabine Winchester posée sur le manteau de la cheminée. Elle m'invita à vérifier qu'elle était en ordre de marche. Incapable, comme on l'a vu, de résister à ses injonctions, et conscient toutefois de ce qu'impliquait presque nécessairement cet enchaînement de gestes, j'actionnai la poignée qui caractérise ce type d'armes et fis monter une balle dans le canon. Jamais Sally ne m'avait couvé d'un regard aussi tendre. Pendant que je m'employais à ces préparatifs, le transistor qui grésillait dans un coin de la pièce annonça la chute de Saigon, et cela me fit autant d'effet que s'il s'était agi du résultat d'un match de football.»
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«Venant de Slavonie, ayant franchi la Save à hauteur de Bosanski Samac, la première difficulté que nous ayons rencontrée ce fut à la sortie de Kakanj, au pied de la centrale thermique qui se dresse sur le côté gauche de la route, un barrage de miliciens dont il n'était pas facile de déterminer l'obédience. Après avoir fouillé la voiture, ils nous taxèrent d'un peu d'argent et de quelques paquets de cigarettes. Ils avaient l'air heureux, sinon vraiment de bonne humeur : c'était le début de la guerre, il faisait beau, les pertes étaient encore limitées de part et d'autre, et tout neuf le plaisir de porter les armes et de s'en servir pour imposer sa loi, terroriser les civils, abuser des filles, enfin jouir gratuitement de toutes ces choses si longues et si coûteuses à se procurer en temps de paix, quand il faut travailler, et encore, pour les obtenir.»
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Dans le petit carnet à couverture bleue - sur laquelle elle avait collé deux décalcomanies d'abeilles jaune et noir - Joséphine, sous la date du mardi 28 avril 1992, a écrit ceci:«Je peux définir l'amour:l'amour, c'est la possibilité de se dissimuler dans un être, d'oublier qu'on existe (...). Je deviendrai normale pour garder son corps. Je garderai son corps. Il ne le perdra jamais complètement. J'en prendrai soin. Je crois que je peux y arriver, je peux me fixer ça comme objectif.» Je ne sais pas au juste pourquoi je reproduis ces notes, convaincu que le déchirement qu'elles me causent, nul ne peut s'en faire la moindre idée. Et je les reproduis pourtant comme si quelqu'un qui ne l'a pas connue, qui ne l'a pas perdue, pouvait en les lisant être transi d'amour pour Joséphine au point de vouloir comme elle «oublier qu'il existe».
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Vue du large, la Principauté de Marsagne a de quoi faire rêver : une côte charmante, un climat enchanteur, une princesse photogénique. Mais le narrateur, sur les traces de son père disparu, va découvrir une réalité moins attendue. Intrigues de palais, névroses princières, désastre écologique, corruption, espionnage, chantage, meurtres, disparitions : tel est l'envers du décor marsagnasque, dévoilé par d'incessants rebondissements, au gré d'une verve sans frein. Roman policier ? D'aventures ? D'espionnage ? D'anticipation ? Cyrille et Méthode est plutôt une parodie hilare de ces genres, servie par une prose impeccablement cinglée.
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On habite un très vieil appartement, on y a passé la moitié de sa vie, entassé un prodigieux bric-à-brac, journaux, lettres, photos, livres surtout, des livres partout - et puis un jour on est viré, il faut prendre ses cliques et ses claques. Un déménagement, écrit Michel Leiris, c'est une «fin du monde au petit pied», et c'est aussi un jugement dernier : chaque objet, pour être sauvé, est sommé de dire son histoire - un vieux chapeau parle d'un lointain voyage au Texas et d'un auteur de best-sellers internationaux, un fossile d'une plage de sable noir, au bout de la Sibérie, où Tchekhov imprima ses pas, les livres évoquent les lieux et les temps où on les a lus, la bibliothèque devient lanterne magique. Les histoires se bousculent, des paysages se déploient, sortis de l'oubli.Quand en plus la rue d'où on est chassé est celle où fut publié puis traduit l'Ulysse de Joyce, où deux librairies célèbres voyaient passer les plus grands écrivains des langues française et anglaise ; quand l'injonction de vider les lieux vous tombe dessus au moment où une pandémie assigne tout le monde à résidence... alors on se dit que ce chambardement mérite peut-être d'être raconté. On écrit ce livre.O. R.
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«Ceux devant qui se sont dressés, sous l'éclatant ciel bleu de juin, ces deux effrayants chefs-d'oeuvre de la guerre civile, ne les oublieront jamais» : Victor Hugo, dans un chapitre des Misérables, évoque ainsi les deux plus formidables barricades de l'insurrection parisienne de juin 1848, dont il fut un témoin et même un acteur. À la tête de l'une un «gamin tragique», ouvrier mécanicien, derrière l'autre un géant truculent, ex-officier de marine. Emmanuel Barthélemy, l'ouvrier, et Frédéric Cournet, le marin, ne sont pas des personnages de fiction, ils ont réellement existé. Ils ont beau se battre du même côté en ces jours de sang, ils vont devenir des ennemis mortels. Hugo résume leur destinée furieusement romanesque en quelques lignes qui m'ont donné envie de reconstituer du début jusqu'à la fin, de Paris à Londres, l'histoire croisée de ces deux figures oubliées des révolutions du dix-neuvième siècle. On y voit des barricades, le bagne, des évasions, un coup d'État, un duel à mort, plusieurs meurtres, le gibet, et des comparses comme Karl Marx et Napoléon III. Et Hugo lui-même, excusez du peu. C'est ce livre. O.R.
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Bigarré, vertigineux, toujours surprenant, tel demeure le monde aux yeux de qui en est curieux:
Pas mondialisé, en dépit de tout. Venu du profond de l'enfance, le désir de le voir me tient toujours, écrire naît de là. Chacun des noms qui constellent les cartes m'adresse une invitation personnelle. Ce livre est un voyage à travers mes voyages. Digressions, zigzags, la mémoire vagabonde. Visages, voix, paysages composent un atlas subjectif, désordonné, passionné. Le tragique, guerres, catastrophes, voisine avec des anecdotes minuscules. Des femmes passent, des lectures. Si j'apparais au fil de cette géographie rêveuse, c'est parce que l'usage du monde ne cesse de me former, que ma vie est tressée de toutes celles que j'ai rencontrées.
O. R.
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Ceci est le premier roman de Dominique Rolin. Quand il parut, en 1942, il fut considéré comme un événement. Voici par exemple ce que Max Jacob écrivit aussitôt à l'auteur que, trompé par le prénom, il prenait pour un romancier et non une romancière : Monsieur, vous avez, et vous seul, compris ce qui est la beauté de la création... Ce qui ne descend pas du ciel n'y remonte pas. Votre livre descend du ciel jusqu'à notre enfer et y remonte comme Notre-Seigneur est remonté des limbes ; il traîne à sa suite toute la méchanceté sournoise des hommes, leur orgueil et leur animalité... Je ne suis pas critique mais j'ai le flair de la beauté et je sais qu'elle est dans ce livre unique. Je vous salue avec respect.» Max Jacob
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Lettres à Philippe Sollers (1958-1980)
Dominique Rolin
- GALLIMARD
- Blanche
- 25 Octobre 2018
- 9782072795428
Quand ils se rencontrent le 28 octobre 1958, elle a quarante-cinq ans, lui, vingt-deux. Il est l'auteur d'un récit et d'un roman célébrés par Mauriac et Aragon, elle a publié en 1942 son premier roman salué par Cocteau et Max Jacob. Lattirance est immédiate et réciproque. Tout va très vite. Cette différence d'âge, impensable, semble-t-il à l'époque, scelle entre les amants un pacte de clandestinité. Ils ne se montreront jamais ensemble; personne ne se doutera de la nature et de la force de leur relation. Dans ce deuxième volume, l'envers du premier qui présente les lettres de Philippe Sollers, nous donnons près du quart des 892 lettres écrites par Dominique Rolin à Philippe Sollers entre 1958 et 1980. Cest le caractère romanesque de cette passion hors du commun qui a guidé notre choix. Nous avons tout simplement voulu raconter une grande histoire d'amour épistolaire.
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«Les chiffres ne nous ont jamais intéressés, Jim et moi. Nous avons su dès le départ, il y a quarante siècles, qu'il fallait se méfier de ces bestioles rusées, trompeuses, et souvent d'un rigorisme malfaisant. Nous nous fions aux battements d'une horloge qui serait sidérale. Pas de cadran, pas d'aiguilles, pas de remontoir. Les heures tournent d'elles-mêmes sans avoir besoin de nous qui les avons pourtant inventées.»
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Plaisirs ; messages secrets ; entretiens avec Patricia Boyer de Latour
Dominique Rolin
- GALLIMARD
- L'infini
- 25 Avril 2019
- 9782072849053
«Avec Plaisirs, j'entrais dans le monde de Dominique Rolin, éblouie par son rire, son courage, ses obsessions et ses dons. Messages secrets est d'une toute autre nature. Elle m'embarque avec elle dans un voyage d'où l'on ne revient pas. Elle le sait, elle m'entraîne et elle sait ce qu'elle fait. Elle sait que je peux l'entendre. Sans hystérie et sans pathos. J'entre dans son rêve. J'en suis la dépositaire. Je dois en transmettre les messages secrets. Je me fais traductrice d'une métaphysique concrète. Je redessine à l'infini l'espace de sa liberté. Et ensemble, nous nous approchons du miroir, le plus près possible de cet inconnu impensable où elle me précède.» Patricia boyer de Latour.
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Lettres à Philippe Sollers (1981-2008)
Dominique Rolin
- GALLIMARD
- Blanche
- 3 Décembre 2020
- 9782072893759
Cinquante ans, c'est la durée de cette correspondance amoureuse qui a commencé en 1958 et se poursuit sous le signe de «l'axiome», lien indéfectible entre amour et écriture, le lit et la page, surfaces lisses et blanches où déposer la passion et les mots. On assiste à deux oeuvres en train de se faire, reliées par un canal souterrain. Ce n'est qu'en 2000, au cours de l'émission Bouillon de culture où Bernard Pivot a invité Dominique Rolin et Philippe Sollers, que leur amour, clandestin jusqu'alors, est révélé au grand jour.La vie suit son cours. On n'entend plus que le crissement de la plume sur le papier. Tout le reste, famille et mondanités, est devenu sans objet. Mais Dominique Rolin a beau se remettre à l'ouvrage chaque jour, insensiblement, elle y renonce. Il n'y a plus que les lettres, dont l'écriture quotidienne se fait vacillante, jusqu'au 25 avril 2008 où elle écrit ces derniers mots:«Moi aussi je ne pense qu'à toi. Et je continue à respirer comme la plus belle femme du monde.»
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Cela commence par une rumeur. L'immeuble ancien où vit la narratrice va être vendu, transformé, rénové. À partir de là se déroule une guerre d'usure. Malgré le bruit, la poussière, le toit qu'on enlève, la charpente dénudée comme un crâne, les murs que l'on abat, elle relève le défi. Elle décide de rester, de résister. Abandonner son «ici», ce serait trahir. C'est aussi le début d'une comédie, avec un défilé de personnages pittoresques. Sans parler des fantômes, convoqués pour l'occasion : «Car notre péché de survivants détraqués consiste à jeter le bordel chez les morts.» Et des incursions de la grande ennemie, Lady Mémoire. Et si cette «rénovation», tout ce remue-ménage, tous ces intrus faisaient partie d'un vaste complot ? Même le perroquet des voisins se moque d'elle en répétant : «Don't cry !» Comme si elle était une dame qui pleure ! Tandis que le réel et les fantasmes se confondent, la narratrice gagne la partie. La rénovation achevée, c'est l'heure de la fête.
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L'auteur du Journal amoureux nous parle avec une liberté insolente de la «divine comédie du bonheur de vivre». De la célébration des trois Fêtes majeures : le vin, la musique, le sommeil. Elle réduit son ennemi, le Temps, à ce qu'elle appelle le «futur immédiat», c'est-à-dire des illuminations, des instantanés «insaisissables à première vue, jaillis en direct du fond de ma tête sans qu'il soit possible de les prévoir. Mais il faut faire vite : ils s'éteignent presque aussitôt pour me faire mal ou m'humilier. Aucun d'entre eux n'a le pouvoir de se fixer, fût-ce en éclair, dans un compartiment de ma mémoire. Ils veulent m'échapper, telle est leur vocation joueuse, malsaine : faire éclater à mon insu tout ce qui se dit, se tait par passion du mensonge ou de la vérité». Pourquoi faudrait-il mourir ?
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Il y a le dessus et le dessous. La vie présente avec Jim, à Venise, à Paris, et les fantômes du passé, les fantasmes du temps jadis. D'où vient le bonheur, l'amour fou qui dure depuis trente ans? D'une enfance entre une mère névrosée et un «Homme gris» qui n'est peut-être pas le vrai père de la narratrice. De l'étrange destin de la meilleure amie, Marie, qui avait tout pour séduire et dont la vie va être bafouée, usée, détruite. Du premier mariage de la narratrice avec un alcoolique demi-fou, de ses années auprès d'un peintre raté. Dans ce récit plein de violence, de poésie, mais aussi d'impudeur et parfois de sadisme, quelle est la part de vérité, quelle est la part d'imaginaire avec ses cauchemars nocturnes? Qu'importe, puisque le rêve, le «dessous», qu'il dise vrai ou qu'il mente, est aussi présent, aussi réel que le «dessus».
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«Le Temps qui passe a posé sur mes lèvres un léger baiser, et le voilà qui se met à rire : à moins que ce ne soit moi, Dominique, en train de rire à travers ce misérable suppôt du Diable. Entre le Temps qui passe et moi, maintenant, circule un tourbillon de violence. Je le mords. Il pousse un cri. Il tombe. Avec précaution, j'avance le pied sur le tapis de ma grande pièce pour m'assurer que je l'ai bien tué. Oui, il a disparu sans laisser la moindre trace de son passage en éclair. Mon triomphe m'a mise en appétit. Boire un café bien chaud et savourer deux tranches de pain beurré, cela suffit à me ramener dans la zone voluptueuse du Temps qui ne passe pas, qui ne passera jamais. Pourquoi ?»
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«Je dors, je m'éveille et voici que mon corps de nuit, ultravivant, agile, aigu, me dépêche en instantané une sorte de fax quasi professionnel. À moi de déchiffrer cet avant-texte qui ne souffre ni commentaire ni correction : un certain je qui commence un nouveau jour. La passation de pouvoir se fait avec naturel : un vrai cadeau. La transcription doit s'opérer dans l'immédiat. On m'ordonne sourdement d'ouvrir mon carnet pour y noter mot par mot, image par image, une série de petits romans bien construits dont la mobilité délirante n'a pas besoin d'être décodée. J'en suis toujours la désastreuse héroïne visitant des villes fantômes, des maisons ou des campagnes inconnues, on m'attend ici et là mais je rate les rendez-vous car il n'y a pas de trains, pas de taxis, je perds mes vêtements et mes bagages, mon passé et mon présent se confondent, un théâtre saugrenu s'organise afin de m'humilier, me disqualifier même, et l'angoisse me réveille en sursaut.» Dominique Rolin.
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Un accoudoir, que rêver de mieux pour un auteur. On s'appuie sur la petite rampe de la fenêtre, au cinquième étage, dès l'aube, avant l'aube même, à la nuit noire. Et là, on est comme dans une loge de théâtre. Le monde est à vous. Celui de la rue, en bas. Celui des rêves qu'on vient à peine de quitter. Celui des vivants et des bonheurs présents, avec Jim. Celui des morts et du passé.De l'accoudoir, on revoit Venise, mais aussi Boitsfort, en Belgique, fief du clan Rolin. Et si l'on quitte son «accoudoir», c'est pour aller en voisine à Saint-Germain-des-Prés, à l'Uniprix ou à la pharmacie.Toute cette contemplation, tous ces personnages présents, passés ou imaginaires ne sont que les images de la «tâche immense et nulle qu'on appelle vivre», du combat contre la mort où l'auteur puise son énergie. Et alors, du bout de la rue, surgissent bannières, saint sacrement, la Vierge, une fabuleuse procession du 15-Août, comme dans son enfance, comme au temps de l'innocence. Décidément, cet Accoudoir fait penser au Balcon de Baudelaire : «Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses...»Roger Grenier.
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Deux narratrices parlent à tour de rôle. La première grandit en Belgique parmi les siens, rêveuse, féroce et gaie mais saisie, dès l'adolescence, par les drames ordinaires de l'espèce. Écrire est sa vocation. Un mariage destructeur la force à fuir à Paris au lendemain de la guerre. Elle publie son premier livre, se croit perdue, erre en pleurant dans les rues, frappe le regard d'une inconnue qui, d'autorité, l'emmène chez elle. La seconde a réalisé son oeuvre de romancière. Elle vit depuis longtemps auprès de Jim, l'écrivain célèbre et caché : ils sont heureux. Qu'est-ce que l'amour sinon l'élaboration et le lucide entretien d'un jardin d'agrément ? Il y faut un commun génie de paysagiste : ronds-points, allées, bosquets, pavillons de rires, discipline de fer, complicité dans la sagesse et la folie, silence et musique, bancs de repos ombragés. Le trajet de la première narratrice est montant, marqué par les curiosités, les chagrins, les espoirs. Celui de la seconde obéit à l'horizontalité vibrante, orgueilleuse et modeste de la sérénité. La rencontre de ces deux femmes apparemment contradictoires donne à penser qu'un principe d'équilibre, coupant l'espace et le temps de chacune, va les amener à se confondre grâce aux jeunes prémonitions de l'une et à l'ancienne mémoire de l'autre.
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Les Van Zeel, riches amateurs d'art, se tuent dans un accident de voiture. Quelques jours plus tard, leur fils Klaus, quarante-quatre ans, quitte son travail à la banque, Louis, le vieux majordome qui l'a élevé, et Blossom, sa maîtresse. Son errance le mène d'une chambre d' hôtel à l'autre, tantôt dans un palace, tantôt dans une pension sordide. Hanté par le passé, il cherche à retrouver le goût des femmes.
Qu'importe qu'elles soient jeunes ou vieilles, belles ou laides. Sa fuite, ou sa quête, l'entraîne dans un univers de plus en plus onirique, de plus en plus fantastique, à travers lequel l'auteur semble rejoindre certains maîtres flamands de l'étrange. De son point de départ, l'hôtel de l'Horloge, jusqu'à la vingtième chambre à l'hôtel du Bon Accueil, Klaus Van Zeel décrit une sorte de grand cercle qui le ramène, épuisé, à demi mort, jusqu'à sa maison où l'attend une dernière aventure extraordinaire. Une des singularités de ce roman plein de surprises est le rapport conflictuel que le personnage principal entretient avec l'auteur, c'est-à-dire Dominique Rolin elle-même. Comme s'il était possible de sortir indemne des audaces d'une telle narration. -
De Jérôme à Stephen, en passant par Simon et Thomas, Laure cherche le mot de passe qui lui livrera l'accès du monde des autres. Les gens tournent autour d'elle, vivent autour d'elle, sans la voir ni l'entendre. Comment devenir leur semblable ? Elle a beau faire, elle ne les connaît pas. Alors, pour tromper sa solitude, elle rêve. Peut-être qu'il suffit d'attendre... ou encore que les autres n'ont pas de secret, pas d'univers ? Peut-être faut-il se contenter de voguer à la dérive ? Mais cela n'est sans doute plus le secret des autres. «Vous formez des couples, des bandes, contre lesquels je me casse le nez. Glisser le doigt entre l'arbre et l'écorce, se faufiler entre deux êtres humains, oh mon plus cher, mon plus triste désir !»
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Charlot journaliste, Bécassine en chômage, Gribouille amoureux, l'héroïne de ce roman appartient à la grande famille des maladroits qui traversent la vie en glissant sur les peaux de bananes. Ses mésaventures auprès de ceux qui appliquent les règles du jeu parisien et mondain font rire. Jusqu'au jour où elle rencontre quelqu'un qui ressemble au bonheur. Tête basse, elle fonce dans ce dernier mirage.
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