Quand ils se rencontrent le 28 octobre 1958, elle a quarante-cinq ans, lui, vingt-deux. Il est l'auteur d'un récit et d'un roman célébrés par Mauriac et Aragon, elle a publié en 1942 son premier roman salué par Cocteau et Max Jacob. Lattirance est immédiate et réciproque. Tout va très vite. Cette différence d'âge, impensable, semble-t-il à l'époque, scelle entre les amants un pacte de clandestinité. Ils ne se montreront jamais ensemble; personne ne se doutera de la nature et de la force de leur relation. Dans ce deuxième volume, l'envers du premier qui présente les lettres de Philippe Sollers, nous donnons près du quart des 892 lettres écrites par Dominique Rolin à Philippe Sollers entre 1958 et 1980. Cest le caractère romanesque de cette passion hors du commun qui a guidé notre choix. Nous avons tout simplement voulu raconter une grande histoire d'amour épistolaire.
Entre les murs d'une sombre bâtisse, Madame Tord et ses cinq enfants subissent quotidiennement la tyrannie d'un patriarche en mal de reconnaissance. Gare à celui qui dérangera le père, jamais avare de coups de fouet, de gifles ou de coups de pied. Une manière de fuir cette ambiance sourde sera de se réfugier dans un monde imaginaire aux dimensions insolites. Mais les événements auront raison de chacun d'eux : la mort accidentelle de la petite Barbe, la fuite de Ludegarde qui cherche à se délivrer des «marais» de son enfance, la départ d'Alban auprès d'une jeune femme rencontrée au hasard de ses fugues, tout cela brise leur rêve de liberté et l'univers visionnaire qu'ils s'étaient créés. Irrésistiblement, la maison Tord les ramène à elle, vieillis et désenchantés.
Cloué sur son lit d'agonie par un rhumatisme articulaire qui l'empêchera à jamais de peindre, Brueghel se rappelle sa vie. Première enfance paysanne, atelier d'un maître célèbre, paysages et peintures des Flandres puis d'Italie, villes déchirées par la répression espagnole, humanité grouillante, femmes qu'il a aimées... vie transformée en oeuvre.
«Avec Plaisirs, j'entrais dans le monde de Dominique Rolin, éblouie par son rire, son courage, ses obsessions et ses dons. Messages secrets est d'une toute autre nature. Elle m'embarque avec elle dans un voyage d'où l'on ne revient pas. Elle le sait, elle m'entraîne et elle sait ce qu'elle fait. Elle sait que je peux l'entendre. Sans hystérie et sans pathos. J'entre dans son rêve. J'en suis la dépositaire. Je dois en transmettre les messages secrets. Je me fais traductrice d'une métaphysique concrète. Je redessine à l'infini l'espace de sa liberté. Et ensemble, nous nous approchons du miroir, le plus près possible de cet inconnu impensable où elle me précède.» Patricia boyer de Latour.
Cinquante ans, c'est la durée de cette correspondance amoureuse qui a commencé en 1958 et se poursuit sous le signe de «l'axiome», lien indéfectible entre amour et écriture, le lit et la page, surfaces lisses et blanches où déposer la passion et les mots. On assiste à deux oeuvres en train de se faire, reliées par un canal souterrain. Ce n'est qu'en 2000, au cours de l'émission Bouillon de culture où Bernard Pivot a invité Dominique Rolin et Philippe Sollers, que leur amour, clandestin jusqu'alors, est révélé au grand jour.La vie suit son cours. On n'entend plus que le crissement de la plume sur le papier. Tout le reste, famille et mondanités, est devenu sans objet. Mais Dominique Rolin a beau se remettre à l'ouvrage chaque jour, insensiblement, elle y renonce. Il n'y a plus que les lettres, dont l'écriture quotidienne se fait vacillante, jusqu'au 25 avril 2008 où elle écrit ces derniers mots:«Moi aussi je ne pense qu'à toi. Et je continue à respirer comme la plus belle femme du monde.»
Cela commence par une rumeur. L'immeuble ancien où vit la narratrice va être vendu, transformé, rénové. À partir de là se déroule une guerre d'usure. Malgré le bruit, la poussière, le toit qu'on enlève, la charpente dénudée comme un crâne, les murs que l'on abat, elle relève le défi. Elle décide de rester, de résister. Abandonner son «ici», ce serait trahir. C'est aussi le début d'une comédie, avec un défilé de personnages pittoresques. Sans parler des fantômes, convoqués pour l'occasion:«Car notre péché de survivants détraqués consiste à jeter le bordel chez les morts.» Et des incursions de la grande ennemie, Lady Mémoire. Et si cette «rénovation», tout ce remue-ménage, tous ces intrus faisaient partie d'un vaste complot? Même le perroquet des voisins se moque d'elle en répétant:«Don't cry!» Comme si elle était une dame qui pleure!Tandis que le réel et les fantasmes se confondent, la narratrice gagne la partie. La rénovation achevée, c'est l'heure de la fête.
Il y a le dessus et le dessous. La vie présente avec Jim, à Venise, à Paris, et les fantômes du passé, les fantasmes du temps jadis. D'où vient le bonheur, l'amour fou qui dure depuis trente ans? D'une enfance entre une mère névrosée et un «Homme gris» qui n'est peut-être pas le vrai père de la narratrice. De l'étrange destin de la meilleure amie, Marie, qui avait tout pour séduire et dont la vie va être bafouée, usée, détruite. Du premier mariage de la narratrice avec un alcoolique demi-fou, de ses années auprès d'un peintre raté. Dans ce récit plein de violence, de poésie, mais aussi d'impudeur et parfois de sadisme, quelle est la part de vérité, quelle est la part d'imaginaire avec ses cauchemars nocturnes? Qu'importe, puisque le rêve, le «dessous», qu'il dise vrai ou qu'il mente, est aussi présent, aussi réel que le «dessus».
L'auteur du, journal amoureux nous parle avec une liberté insolente de la " divine comédie du bonheur de vivre ".
De la célébration des trois fêtes majeures : le vin, la musique, le sommeil.
Elle réduit son ennemi, le temps, à ce qu'elle appelle le " futur immédiat ", c'est-à-dire des illuminations, des instantanés " insaisissables à première vue, jaillis en direct du fond de ma tête sans qu'il soit possible de les prévoir. mais il faut faire vite : ils s'éteignent presque aussitôt pour me faire mal ou m'humilier.
Aucun d'entre eux n'a le pouvoir de se fixer, fût-ce en éclair, dans un compartiment de ma mémoire. ils veulent m'échapper, telle est leur vocation joueuse, malsaine : faire éclater à mon insu tout ce qui se dit, se tait par passion du mensonge ou de la vérité ". pourquoi faudrait-il mourir ?.
«Les chiffres ne nous ont jamais intéressés, Jim et moi. Nous avons su dès le départ, il y a quarante siècles, qu'il fallait se méfier de ces bestioles rusées, trompeuses, et souvent d'un rigorisme malfaisant.Nous nous fions aux battements d'une horloge qui serait sidérale. Pas de cadran, pas d'aiguilles, pas de remontoir. Les heures tournent d'elles-mêmes sans avoir besoin de nous qui les avons pourtant inventées.»
Les Van Zeel, riches amateurs d'art, se tuent dans un accident de voiture. Quelques jours plus tard, leur fils Klaus, quarante-quatre ans, quitte son travail à la banque, Louis, le vieux majordome qui l'a élevé, et Blossom, sa maîtresse. Son errance le mène d'une chambre d' hôtel à l'autre, tantôt dans un palace, tantôt dans une pension sordide. Hanté par le passé, il cherche à retrouver le goût des femmes.
Qu'importe qu'elles soient jeunes ou vieilles, belles ou laides. Sa fuite, ou sa quête, l'entraîne dans un univers de plus en plus onirique, de plus en plus fantastique, à travers lequel l'auteur semble rejoindre certains maîtres flamands de l'étrange. De son point de départ, l'hôtel de l'Horloge, jusqu'à la vingtième chambre à l'hôtel du Bon Accueil, Klaus Van Zeel décrit une sorte de grand cercle qui le ramène, épuisé, à demi mort, jusqu'à sa maison où l'attend une dernière aventure extraordinaire. Une des singularités de ce roman plein de surprises est le rapport conflictuel que le personnage principal entretient avec l'auteur, c'est-à-dire Dominique Rolin elle-même. Comme s'il était possible de sortir indemne des audaces d'une telle narration.
«Depuis octobre 1999, nous nous sommes vues régulièrement. Le rituel a été immuable. J'arrive à l'heure, je branche le magnétophone, et c'est parti. À ma demande, c'est elle [Dominique Rolin] qui a fixé les thèmes de nos rencontres:le doute, la question du double, les visages, l'amour... D'autres se sont présentés au fur et à mesure:la gourmandise, les chansons, des apparences... Elle m'avait dit au début:On va faire un livre vrai, et, plus tard:C'est une promenade dans un jardin. Nous avons échappé au jeu des réponses prévisibles aux questions convenues, nous avons pris tous les détours, laissé entrer le silence et les rires. Qui parle de travail? Personne. Plaisirs, donc.»Patricia Boyer de Latour.
«Depuis octobre 1999, nous nous sommes vues régulièrement. Le rituel a été immuable. J'arrive à l'heure, je branche le magnétophone, et c'est parti. À ma demande, c'est elle [Dominique Rolin] qui a fixé les thèmes de nos rencontres : le doute, la question du double, les visages, l'amour... D'autres se sont présentés au fur et à mesure : la gourmandise, les chansons, des apparences... Elle m'avait dit au début : On va faire un livre vrai, et, plus tard : C'est une promenade dans un jardin. Nous avons échappé au jeu des réponses prévisibles aux questions convenues, nous avons pris tous les détours, laissé entrer le silence et les rires. Qui parle de travail ? Personne. Plaisirs, donc.»Patricia Boyer de Latour.
Si l'on regarde les choses d'une certaine façon, Constance, la mère, est une chanteuse ratée, et Shadow, la fille, un écrivain à la vocation contrariée. Elles vont dîner ensemble au restaurant, le jeudi de l'Ascension. Dîner sans doute, mais s'affronter encore plus sûrement. Un duel avec des renversements de situation, des coups de théâtre. Tour à tour l'une ou l'autre prend le dessus. Est-ce de la haine ? Peut-être pas. Plutôt la rage de ne jamais vraiment communiquer, de ne pouvoir abattre les obstacles.Le duel se prolonge à la sortie du restaurant, dans la nuit. Peut-on imaginer deux adversaires aussi dissemblables ? La mère encore belle, maquillée, portant tous ses bijoux, aime la vie et connaît l'art de tout tourner à son avantage, même le suicide de son fils. La fille ne voit que le mauvais côté des choses. Au terme de la nuit, vont-elles enfin se comprendre, ou vont-elles devenir définitivement deux étrangères, comme le redoute Constance quand elle dit : «Elle a cessé d'être mon enfant pour devenir une ombre à l'intérieur de l'ombre.»
«Le Temps qui passe a posé sur mes lèvres un léger baiser, et le voilà qui se met à rire : à moins que ce ne soit moi, Dominique, en train de rire à travers ce misérable suppôt du Diable. Entre le Temps qui passe et moi, maintenant, circule un tourbillon de violence. Je le mords. Il pousse un cri. Il tombe. Avec précaution, j'avance le pied sur le tapis de ma grande pièce pour m'assurer que je l'ai bien tué. Oui, il a disparu sans laisser la moindre trace de son passage en éclair. Mon triomphe m'a mise en appétit. Boire un café bien chaud et savourer deux tranches de pain beurré, cela suffit à me ramener dans la zone voluptueuse du Temps qui ne passe pas, qui ne passera jamais. Pourquoi ?»