Comment comprendre la politisation des violences sexistes et leur perpétuation dans un environnement institutionnel en apparence favorable à leur sanction ? Ce livre retrace la construction en enjeu public des violences contre les femmes au Nicaragua, et la façon dont ce phénomène traverse historiquement trois régimes politiques (de la fin de la dictature des Somoza à l'essai d'instauration démocratique) et une guerre civile en période de guerre froide. Cet enjeu a été consubstantiel au façonnement du féminisme nicaraguayen de la deuxième vague, en collusion et en collision avec les dirigeants révolutionnaires sandinistes. Puis, il s'est inscrit dans une nouvelle acception des droits humains. L'investissement de ce langage juridique a engendré une production contradictoire du droit, où ont fini par se côtoyer la pénalisation des violences intrafamiliales et sexuelles, et l'interdiction totale de l'avortement. Enfin, ces processus ont paradoxalement contribué au reflux d'une expression latente sur les crimes sexistes perpétrés sur les fronts guerriers.
Cet ouvrage permet de relire l'histoire nicaraguayenne contemporaine à l'aune du genre. Il apporte un regard neuf sur l'imbrication des pactes patriarcaux et de pouvoir dans l'entretien des violences sexistes. Il fournit des éléments de compréhension plus généraux sur la façon dont les politiques contre ces violences sont menées dans une sorte de dissociation instrumentale entre l'objet fédérateur qu'elles représentent, et l'étouffement de controverses plus souterraines qu'elles engendrent à propos de l'impunité masculine.
A partir d'octobre 2017, #MeToo devient un phénomène mondial, en diffusant internationalement le slogan que Tarana Burke, militante new-yorkaise contre les violences sexuelles avait lancé dix ans plus tôt. Une multitude de victimes témoignent sur divers supports numériques et médiatiques, reformulant et intensifiant des luttes féministes en cours contre les violences sexistes.
A l'initiative d'une nouvelle génération de chercheuses et chercheurs francophones sur les violences de genre, ce premier ouvrage académique en France sur #MeToo cherche à comprendre l'événement. Il propose une approche empirique de ce mouvement mondial. Il décrypte d'abord l'événement #MeToo dans sa matérialité, ses contextes de réception et d'appropriation et s'efforce de montrer comment l'usage des réseaux socionumériques permet d'articuler de nouvelles formes de militantisme ou de renforcer des pratiques militantes existantes en ligne et hors ligne. Il inscrit ensuite #MeToo dans une histoire des luttes féministes de plus long terme et s'efforce de questionner son unité à travers l'étude de ses résonances contrastées dans différents milieux professionnels.