Amaia Salazar, détachée de la Police forale de Navarre, suit une formation de profileuse au siège du FBI dans le cadre d'un échange avec Europol. L'intuition singulière et la perspicacité dont elle fait preuve conduisent l'agent Dupree à l'intégrer à son équipe, lancée sur les traces d'un tueur en série recherché pour plusieurs meurtres de familles entières. Alors que l'ouragan Katrina dévaste le sud des États-Unis, l'étau se resserre autour de celui qu'ils ont surnommé le Compositeur. La Nouvelle-Orléans, dévastée et engloutie par les eaux, est un cadre idéal pour ce tueur insaisissable qui frappe toujours à la faveur de grandes catastrophes naturelles.
L'association du réalisme cru de scènes apocalyptiques en Louisiane, de rituels vaudous des bayous et de souvenirs terrifiants de l'enfance basque d'Amaia constitue un mélange ensorcelant et d'une rare puissance romanesque.
La mort subite d'une petite fille devient suspecte lorsque le médecin légiste découvre qu'une pression a été appliquée sur le visage du bébé. Très vite, les soupçons se portent sur le père au comportement étrange, qui tente même de dérober le cadavre du nourrisson afin des motifs obscurs. La grand-mère, elle, est persuadée que ce meurtre est l'acte d'Inguma, créature maléfique issue de la mythologie basque.
Aux yeux de l'inspectrice Amaia Salazar, cette histoire est une énième légende. Mais lorsqu'elle décide de s'intéresser de plus près aux morts subites de nourrisson survenues dans la vallée de Baztán ces dernières années, Amaia observe pourtant des similitudes troublantes et l'enquête prend une tournure inattendue. Fuyant son rôle d'épouse et de mère, Amaia se consacre entièrement à cette nouvelle affaire qui la mène à l'origine même des événements qui ont frappé la vallée et la confronte bientôt à son passé et à ses propres démons.
Premier recueil majeur de Borges publié en français, premier volume à paraître dans « La Croix du Sud », la grande collection de littérature sud-américaine créée par Roger Caillois à son retour d'Argentine après-guerre, Fictions paraît en 1951.
Afin de rendre hommage à la littérature argentine, pays invité d'honneur du Salon du Livre de Paris 2014, les Éditions Gallimard ont choisi de rééditer en fac-simile intégral la toute première édition de Fictions.
Ce retirage à l'identique est limité à 2 000 exemplaires.
L'Absolu est la saga sur six générations d'une famille de génies voués corps et âme aux pouvoirs révolutionnaires de l'art, de la science et de la politique. En son coeur se trouve le pianiste et compositeur russe Alexandre Scriabine (1872-1915), inventeur de «l'accord mystique» et auteur de la symphonie inachevée Mystère.Les exploits de la famille que Guebel lui invente avaient cependant commencé bien avant lui:son libertin d'arrière-grand-père, Frantisek, conçoit une forme de musique totalement inédite; son grand-père, Andreï, accompagne Napoléon en Égypte et annote un célèbre ouvrage dont Lénine se sert ensuite pour préparer la révolution d'Octobre; son père, Esaü, fonde une société utopique anarchiste. Quant aux autres descendants, les aléas de l'histoire les ballotteront jusqu'en Argentine:le frère jumeau de Scriabine est un pianiste virtuose mais méconnu; sa fille vivra pour rédiger la chronique de ses ancêtres; enfin, le dernier rejeton de la lignée construira une machine à remonter le temps.Vaste et drolatique traversée des avant-gardes et des utopies du siècle passé, L'Absolu est un roman russe aux accents baroques et à l'humour juif, une épopée à la grâce cervantine et à la verve rabelaisienne - tout cela à la fois.
Avant d'être le cinéaste universellement reconnu que nous savons, Luis Bunuel (1900-1983) a été dans les années 20, à Madrid puis à Paris, comme ses amis Garcia Lorca et Dali, un poète conséquent. Le recueil Un chien andalou auquel nous avons adjoint de nombreux textes, relève assurément au premier chef de l'univers surréaliste, insolent et libertaire, dont Bunuel prouve qu'il fut avant même la rencontre avec Breton et la réalisation des films L'âge d'or et Le chien andalou, un des plus justes interprètes.
Fernanda, une belle et insolente lycéenne passionnée de littérature et de films d'horreur, se réveille pieds et poings liés dans une cabane au milieu de la forêt équatorienne. Sa kidnappeuse n'est pourtant pas une inconnue : il s'agit de sa professeure de lettres, Miss Clara, une femme hantée par le souvenir de sa mère et harcelée depuis des mois par ses élèves dans un établissement catholique de l'Opus Dei, réservé aux élites de Guayaquil.
Les raisons de cet enlèvement vont cependant vite se révéler bien plus inattendues et complexes qu'une simple vengeance pour les humiliations subies. Un amour qui ne dit pas son nom, une trahison inespérée et les rites secrets d'une bande d'adolescentes intoxiquées par les creepypastas - ces histoires d'épouvante devenues virales sur Internet - composent la trame surprenante et parfaitement maîtrisée de ce thriller psychologique sur la jeunesse, le sexe et la peur.
Mónica Ojeda décrit ici magistralement les relations passionnelles entre mères et filles, entre enseignantes et élèves, entre soeurs et « meilleures amies ». Elle recrée un monde féminin sans limites et sans merci, où le danger et le désir règnent comme une fascinante déesse à deux têtes.
Qui est cet homme qui revient à Madrid en 1994, après douze années d'absence ? Berta Isla se pose cette question à plusieurs reprises, car c'est elle la narratrice principale, qui nous raconte la fin de l'histoire. Son récit est celui d'une Pénélope moderne dont la personnalité se construit autour de l'attente de son mari, Thomas Nevinson, disparu au cours de la guerre des Malouines ou peut-être lors d'une de ces opérations spéciales du MI5 ou MI6 en Irlande et au Moyen Orient.
Tel qu'il l'avait déjà fait dans Comme les amours (2013), Javier Marías donne ici la parole à une femme qui vit de ses souvenirs dans l'ignorance et dans l'espoir, aux prises avec l'impossibilité de connaître vraiment celui qu'elle aime. Au fil des pages, Berta devient une figure presque mythique : la fragile gardienne de la mémoire qui mène un combat acharné au quotidien pour sauvegarder la présence toujours précaire des absents et assurer ainsi la continuité entre les générations. Quant au malheureux agent secret, il est le protagoniste d'une autre partie du roman : celle d'un Ulysse qui devient graduellement personne et dont la vie au service de l'Histoire n'est qu'une interminable pièce de théâtre, une tragique fantasmagorie.
Avec Berta Isla, Javier Marías offre au lecteur une nouvelle variation fictionnelle sur certains thèmes qui lui sont chers et informent son oeuvre en filigrane : la part d'inconnu, d'ombre et d'imposture qui entoure toujours la personne avec qui on vit, le moment où l'existence bascule lorsque l'on perce à jour son secret ou lorsque l'avenir tout tracé déraille, le « ni avec toi ni sans toi » qui régit nos vies de couple mais aussi, sur un plan moins intimiste, plus politique, la duperie, le mensonge, le compromis, la trahison et la perception ambiguë du bien et du mal.
Le carrefour des Cinq Rues, qui donne son nom à l'un des quartiers les plus fréquentés de Lima, est ici le décor d'une brillante comédie de moeurs aux multiples rebondissements, dont le centre étoilé est occupé par un gigantesque scandale politique, médiatique et sexuel.
Quelques photos compromettantes, un maître chanteur, un crime crapuleux : la presse à sensation ne pouvait rêver mieux. Le respectable et riche ingénieur Enrique («Quique») Cárdenas, mais également des figures de la finance, du show-business et même des plus hautes instances du pouvoir se retrouvent éclaboussés par cette affaire.
Une vaillante journaliste surnommée «la Riquiqui» va essayer de démêler le vrai du faux, dans une enquête où l'on croise aussi un poète malheureux, un sulfureux directeur de magazine people et le chef de la police politique du dictateur Fujimori.
En coulisses, loin des rumeurs qui parcourent la ville, l'épouse de l'ingénieur Cárdenas et sa meilleure amie ouvrent un rideau indiscret révélant l'autre affaire derrière l'affaire, celle qui peut-être ne sortira jamais sur la place publique et dont nous, lecteurs, les seuls témoins, devrons garder le secret.
Que vient chercher à Saint-Domingue cette jeune avocate new-yorkaise après tant d'années d'absence ? Les questions qu'Urania Cabral doit poser à son père mourant nous projettent dans le labyrinthe de la dictature de Rafael Leonidas Trujillo, au moment charnière de l'attentat qui lui coûta la vie en 1961. Dans des pages inoubliables - et qui comptent parmi les plus justes que l'auteur nous ait offertes -, le roman met en scène le destin d'un peuple soumis à la terreur et l'héroïsme de quatre jeunes conjurés qui tentent l'impossible : le tyrannicide. Leur geste, longuement mûri, prend peu à peu tout son sens à mesure que nous découvrons les coulisses du pouvoir : la vie quotidienne d'un homme hanté par un rêve obscur et dont l'ambition la plus profonde est de faire de son pays le miroir fidèle de sa folie.
Jamais, depuis Conversation à «La Cathédrale», Mario Vargas Llosa n'avait poussé si loin la radiographie d'une société de corruption et de turpitude. Son portrait de la dictature de Trujillo, gravé comme une eau-forte, apparaît, au-delà des contingences dominicaines, comme celui de toutes les tyrannies - ou, comme il aime à le dire, de toutes les «satrapies». Exemplaire à plus d'un titre, passionnant de surcroît, La fête au Bouc est sans conteste l'une des oeuvres maîtresses du grand romancier péruvien.
Comme il l'avait confié à Jaime Sabartés en 1939, Pablo Picasso avait rêvé d'un livre qui «serait le reflet le plus exact de sa personnalité et son portrait le plus fidèle. On y verrait exprimé le désordre qui lui est propre. Chaque page serait un vrai pot-pourri sans la moindre trace d'arrangement ou de composition. [...] Simplicité et complexité s'allieraient comme dans ses tableaux, ses dessins ou ses textes, comme dans une pièce de son appartement ou de son atelier, comme en lui-même».Dans le prolongement de ce désir, la présente édition donne à lire l'ensemble des écrits de Picasso publiés en 1989, auxquels s'adjoignent un grand nombre d'inédits découverts dans l'ancienne collection de Dora Maar, dans des collections privées et celles des musées Picasso (Paris, Barcelone). Composés au crayon noir, en couleurs, à l'encre de Chine, au stylo-bille ou encore au crayon-feutre, ces textes ornent papier à dessin, à lettres, dos d'enveloppe, cartons d'invitation, morceaux de papier journal... Certains sont même gravés, enluminés, lithographiés ou peints, ainsi élevés au rang d'oeuvre d'art.La fascination que continue d'exercer Picasso sur le public rend plus que jamais nécessaire la lecture de ces écrits, souvent méconnus et pourtant indispensables à l'appréhension et à la compréhension de son oeuvre. Cette édition bénéficie des derniers apports de la recherche en cours dans un volume en couleurs, richement illustré d'oeuvres et de manuscrits, et, à la manière d'un parcours muséal, elle permet de s'immerger au coeur du processus créatif de l'un des plus grands artistes du XX? siècle.
Au coeur d'une grande capitale latino-américaine qui bascule dans la guerre civile, Adelaida Falcón doit se battre au quotidien pour survivre au milieu des combats. Courageuse, lucide et pragmatique, elle fera tomber toutes les barrières pour s'échapper de ce monde apocalyptique.
Adelaida Falcón vient d'enterrer sa mère lorsque de violentes manifestations éclatent à Caracas. Isolée et atterrée, Adelaida incarne la détresse d'une partie de la population qui voit le pays dans lequel elle a grandi plonger dans une guerre civile. Son appartement ne tarde pas à être « occupé » par un commando de femmes paramilitaires qui la dépouille de toutes ses affaires au nom de la Révolution. Mais au lieu de quitter l'immeuble, Adelaida tente de trouver refuge chez Aurora Peralta, une voisine espagnole qu'elle découvre morte dans son salon, sans que l'on sache comment elle est décédée. Pour éviter d'être inculpée de meurtre, elle se débarrasse du cadavre et décide de s'approprier, à son tour, des affaires d'Aurora, car elle a tout perdu.
Ce ne sont que les premiers pas qui vont la conduire, avec un naturel effrayant, à s'emparer aussi du passeport espagnol de la défunte, à supplanter Aurora Peralta et annoncer à sa famille qu'après tant d'années d'absence, elle rentre à Madrid.
« L'Aleph restera, je crois, comme le recueil de la maturité de Borges conteur. Ses récits précédents, le plus souvent, n'ont ni intrigue ni personnages. Ce sont des exposés quasi axiomatiques d'une situation abstraite qui, poussée à l'extrême en tout sens concevable, se révèle vertigineuse.
Les nouvelles de L'Aleph sont moins roides, plus concrètes. Certaines touchent au roman policier, sans d'ailleurs en être plus humaines. Toutes comportent l'élément de symétrie fondamentale, où j'aperçois pour ma part le ressort ultime de l'art de Borges. Ainsi, dans L'Immortel : s'il existe quelque part une source dont l'eau procure l'immortalité, il en est nécessairement ailleurs une autre qui la reprend. Et ainsi de suite...
Borges : inventeur du conte métaphysique. Je retournerai volontiers en sa faveur la définition qu'il a proposée de la théologie : une variété de la littérature fantastique. Ses contes, qui sont aussi des démonstrations, constituent aussi bien une problématique anxieuse des impasses de la théologie. » Roger Caillois.
Le labyrinthe de la solitude est un ouvrage capital de la littérature mexicaine contemporaine.
" le labyrinthe de la solitude, dit octavio paz, fut un exercice de l'imagination critique : une vision, mais aussi une révision du mexique. point du tout un essai sur la philosophie de l'essence du mexique ou une recherche de notre prétendu être. le mexicain n'est pas une essence, mais une histoire. de ce point de vue, le caractère des mexicains n'a pas une fonction différente de celui des autres peuples : d'une part, il est un bouclier, un mur ; d'autre part, un faisceau de signes, un hiéroglyphe.
Dans le premier cas, c'est une défense contre le regard d'autrui, mais qui nous immobilise et nous emprisonne ; dans le second, c'est un masque qui, en même temps, nous exprime et nous étouffe. ce n'est donc pas la définition de l'essence du mexique qui m'intéressait mais la critique : cette activité qui consiste, autant qu'à nous connaître, à nous libérer.
" le mexique est un fragment, une partie d'une histoire beaucoup plus vaste.
Les révolutions contemporaines en amérique latine ont été et sont des réponses à l'insuffisance du développement, d'oú procèdent aussi bien leur justification historique que leurs fatales et évidentes limites. les modèles de développement que nous offrent aussi bien l'est que l'ouest sont des compendiums d'horreurs : pourrons-nous à notre tour inventer des modèles plus humains et qui correspondent mieux à ce que nous sommes ? gens de la périphérie, habitants des faubourgs de l'histoire, nous sommes, latino-américains, les commensaux non invités, passés par l'entrée de service de l'occident, les intrus qui arrivent au spectacle de la modernité au moment oú les lumières vont s'éteindre.
Partout en retard, nous naissons quand il est déjà dans l'histoire ; nous n'avons pas de passé, ou si nous en avons eu un, nous avons craché sur ses restes. nos peuples ont dormi tout un siècle et, pendant qu'ils dormaient, on les a dépouillés et ils vont maintenant en haillons. et pourtant, depuis un siècle, sur nos terres, si hostiles à la pensée, ici et là, en ordre dispersé mais sans interruption, sont apparus des poètes, des prosateurs et des peintres qui les égaux des plus grands des autres continents.
Allons-nous enfin nous montrer capables de penser une société qui ne soit pas fondée sur la domination d'autrui et qui ne nous mène ni aux glacials paradis policiers de l'est ni aux explosions de nausée et de haine qui interrompent le festin de l'occident ? ".
Que de tours et de malices chez cette " vilaine fille ", toujours et tant aimée par son ami Ricardo, le " bon garçon ". Ils se rencontrent pour la première fois au début des années cinquante, en pleine adolescence, dans l'un des quartiers les plus huppés de Lima, Miraflores. Joyeux, inconscients, ils font partie d'une jeunesse dorée qui se passionne pour les rythmes du mambo et ne connaît d'autre souci que les chagrins d'amour. Rien ne laissait alors deviner que celle qu'on appelait à Miraflores " la petite Chilienne " allait devenir, quelques années plus tard, une farouche guérillera dans la Cuba de Castro, puis l'épouse d'un diplomate dans le Paris des existentialistes, ou encore une richissime aristocrate dans le swinging London. D'une époque, d'un pays à l'autre, Ricardo la suit et la poursuit, comme le plus obscur objet de son désir. Et chaque fois, il ne la retrouve que pour la perdre. Et, bien entendu, ne la perd que pour mieux la rechercher. Il n'est jamais facile d'écrire l'histoire d'une obsession. Mais la difficulté est encore plus grande quand il s'agit d'une obsession amoureuse et quand l'histoire que l'on raconte est celle d'une passion. Mario Vargas Llosa avait déjà affronté ce défi par le passé dans La tante Julia et le scribouillard (1980), l'un de ses romans les plus populaires. Et voici qu'il le relève encore vingt-cinq ans plus tard et nous offre ce cadeau inattendu : une superbe tragi-comédie où éros et thanatos finissent par dessiner une autre Carte de Tendre entre Lima, Paris, Londres et Madrid. Car Tours et détours de la vilaine fille est bien cela : la géographie moderne d'un amour fou.
«Marelle est une sorte de capitale, un de ces livres du XXe siècle auquel on retourne plus étonné encore que d'y être allé, comme à Venise. Ses personnages entre ciel et terre, exposés aux résonances des marées, ne labourent ni ne sèment ni ne vendangent : ils voyagent pour découvrir les extrémités du monde et ce monde étant notre vie c'est autour de nous qu'ils naviguent. Tout bouge dans son reflet romanesque, la fiction se change en quête, le roman en essai, un trait de sagesse zen en fou rire, le héros, Horacio Oliveira, en son double, Traveler, l'un à Paris, l'autre à Buenos Aires.
Le jazz, les amis, l'amour fou - d'une femme, la Sibylle, en une autre, la même, Talita -, la poésie sauveront-ils Oliveira de l'échec du monde ? Peut-être... car Marelle offre plusieurs entrées et sorties. Un mode d'emploi nous suggère de choisir entre une lecture suivie, "rouleau chinois" qui se déroulera devant nous, et une seconde, active, où en sautant de case en case nous accomplirons une autre circumnavigation extraordinaire. Le maître de ce jeu est Morelli, l'écrivain dont Julio Cortázar est le double. Il cherche à ne rien trahir en écrivant et c'est pourquoi il commence à délivrer la prose de ses vieillesses, à "désécrire" comme il dit. D'une jeunesse et d'une liberté inconnues, Marelle nous porte presque simultanément au paradis où on peut se reposer et en enfer où tout recommence».
Florence Delay.
Roberto Juarroz est né en 1925 et mort en 1995 à Bueno Aires. Parmi les poètes argentins il est de cinq ans l'aîné de Juan Gelman et de six ans celui d'Alejandra Pizarnik. Il publia sa première Poésie verticale à compte d'auteur, en 1958. Ce qui n'empêche pas Cortazar de le remarquer très tôt et Paz de le considérer comme «un grand poète d'instants absolu». Ses recueils n'ont porté qu'un seul et unique titre:Poésie verticale, suivi d'un numéro. L'oeuvre poétique est d'un seul tenant, monolithique, et constitue un livre inachevé à jamais ouvert. Relisons Juarroz, car peu de poètes nous conduisent aux frontières du réel, nous y laisse seul, plein et entier, c'est-à-dire responsable de notre langage et de la relation que nous établissons, par celui-ci, avec la réalité - et dès lors responsable de notre humanité. Peu de poètes nous permettent, par la poésie, de naître à nous-même, au monde et dès lors de mieux nous connaître ainsi que d'être par là mieux ajusté au monde - c'est-à-dire au réel. Juarroz était de ceux-là, rares, qui firent de la poésie une expérience de vie.
On l'a lu d'abord comme un roman « rural » et « paysan », voire comme un exemple de la meilleure littérature « indigéniste ». Dans les années soixante et soixante-dix, il est devenu un grand roman « mexicain », puis «latino-américain». Aujourd'hui, on dit que Pedro Páramo est, tout simplement, l'une des plus grandes oeuvres du XXe siècle, un classique contemporain que la critique compare souvent au Château de Kafka et au Bruit et la fureur de Faulkner.
Et pour cause : personne ne sort indemne de la lecture de Pedro Páramo. Tout comme Kafka et Faulkner, Rulfo a su mettre en scène une histoire fascinante, sans âge et d'une beauté rare : la quête du père qui mène Juan Preciado à Cómala et à la rencontre de son destin, un voyage vertigineux raconté par un choeur de personnages insolites qui nous donnent à entendre la voix profonde du Mexique, au-delà des frontières entre la mémoire et l'oubli, le passé et le présent, les morts et les vivants.
Cinquante ans après sa parution, voici enfin, d'après le manuscrit original, le grand roman de Juan Rulfo tel que l'auteur l'avait rêvé et conçu.
Après plusieurs romans situés dans les géographies les plus éloignées dans l'espace et dans le temps (le Congo belge, le Tahiti de Gauguin), Mario Vargas Llosa revient au Pérou et fait de son pays natal le décor du Héros discret. Il nous dépeint la situation actuelle d'une société dopée par une croissance économique sans précédent mais qui voit également se développer la corruption, la cupidité et le crime.
À Piura, Felícito Yanaqué, patron d'une entreprise de transports, est l'objet de chantage et d'intimidations mafieuses. Aussi frêle de corps qu'énergique de caractère, il saura cependant y faire face, et son opiniâtreté d'homme du peuple qui s'est élevé à la force des bras, fera de lui un héros national.
À Lima, Ismael, patron d'une riche compagnie d'assurances, se voit menacé par ses deux fils, qui convoitent sa fortune en souhaitant sa mort. Là encore, l'homme saura répondre à ces menaces, et sera tout aussitôt doté par le romancier d'une aura héroïque.
Mais il ne faut pas prendre leur épopée trop au sérieux. Car entre le mélodrame et le vaudeville, Vargas Llosa s'amuse, et nous amuse, avec ces deux histoires qu'il mène avec brio et dont le résultat final est une oeuvre drôle, corrosive et magistralement écrite.
Le lecteur y reconnaîtra souvent le ton moqueur de La tante Julia et le scribouillard et de Tours et détours de la vilaine fille. Mais il retrouvera surtout avec plaisir l'univers de don Rigoberto et de Fonchito, du sergent Lituma et du capitaine Silva, tous à nouveau réunis dans ce portrait critique du Pérou contemporain.
L'Oubli que nous serons est à la fois le récit d'un crime, la biographie d'un homme, la chronique d'une famille et l'histoire d'un pays. L'homme est un médecin colombien engagé dans le combat contre la misère et l'ignorance. Le docteur Héctor Abad Gômez enseigne à l'Université de Medellin et travaille dans les quartiers populaires de la ville. Eduqué dans la tradition des Lumières, ce libre penseur croit à la possibilité de changer la vie de ses semblables et de bâtir, grâce à la science, un avenir meilleur. Le portrait de ce père d'exception est dépeint par Abad avec une admiration et un amour tout aussi exceptionnels. Le pays est, bien entendu, la Colombie des années 1980 : une société déchirée par la violence et la guerre sans merci que se livrent les paramilitaires, l'armée, les guérilleros et le narcotrafic. L'Oubli que nous serons donne des éléments pour comprendre la genèse de cette situation, car il nous offre une fresque de l'histoire colombienne récente, ou plutôt, une chronique intime de cette histoire à travers le quotidien de la famille Abad. A travers ce dosage équilibré entre histoire publique et chronique privée, le lecteur a l'impression de découvrir les événements qui ont marqué l'histoire colombienne récente, mais de l'intérieur, tel qu'ils ont été vécus par les Colombiens. Enfin, L'Oubli que nous serons est le récit d'un crime : l'assassinat d'un juste, d'un défenseur des droits de l'homme qui n'a pas cédé à la peur ni à la menace des armes. Les pages dans lesquelles Abad raconte les derniers jours de la vie de son père et la scène de l'assassinat sont plus qu'émouvantes : elles sont d'un courage et d'une beauté extraordinaires. En effet, tout au long de ce livre, Abad peut être drôle, amusant, ou émouvant, mais ce qu'il nous raconte porte en lui une exigence de vérité qui soutient le récit, car il s'agit de narrer, de décrire, sans rien cacher de sa douleur, l'assassinat de son père, « L'oubli que nous serons » est d'ailleurs un vers d'un poème de Borges retrouvé sur le corps. Salué par Manuel Rivas, Javier Cercas et Mario Vargas Llosa, le livre s'est placé pendant plus de six mois parmi les préférés du public en Espagne et en Amérique latine, et en juin 2008, le Syndicat de l'Edition et les libraires lui ont attribué le Prix de la Foire du livre de Madrid.
Le 7 avril 1803 naît à paris la militante féministe et ouvriériste flora tristan, fille d'un officier péruvien au service du roi d'espagne et d'une bourgeoise parisienne.
Un siècle plus tard, le 8 mai 1903, son petit-fils, paul gauguin, meurt seul et presque aveugle dans son faré des îles marquises. le curieux rapport entre les deux dates, tout comme les liens de parenté entre le peintre et l'activiste politique ne sont ici que le point de départ d'un récit qui met en scène leurs vies parallèles et leur destin commun. sous la plume de mario vargas llosa, flora tristan et paul gauguin deviennent flora et paul - florita l'andalouse et koké le maori -, deux êtres libertaires, passionnés et profondément humains, mais hantés par une quête de l'absolu qui leur donne une dimension tragique.
Ils iront jusqu'au bout de leurs rêves et ils paieront cher leur audace. pourtant, leur chute semble aussi admirable que leur envol, car elle est porteuse d'espoir. ce roman nous dit que le paradis qu'ils cherchaient se trouve toujours un peu plus loin, mais il le fait dans une langue qui nous le rend très proche : celle des grandes utopies politiques et artistiques qui ont marqué les temps modernes.
Don Quichotte lui-même, au seuil de la «Seconde partie» (1615), n'en croit pas ses oreilles : «Il est donc vrai qu'il y a une histoire sur moi?» C'est vrai, lui répond le bachelier Samson Carrasco, et cette histoire - la «Première partie» du Quichotte, publiée dix ans plus tôt -, «les enfants la feuillettent, les jeunes gens la lisent, les adultes la comprennent et les vieillards la célèbrent». Bref, en une décennie, le roman de Cervantès est devenu l'objet de son propre récit et commence à envahir le monde réel. Aperçoit-on un cheval trop maigre? Rossinante!
Quatre cents ans plus tard, cela reste vrai. Rossinante et Dulcinée ont pris place dans la langue française, qui leur a ôté leur majuscule. L'ingénieux hidalgo qui fut le cavalier de l'une et le chevalier de l'autre est un membre éminent du club des personnages de fiction ayant échappé à leur créateur, à leur livre et à leur temps, pour jouir à jamais d'une notoriété propre et universelle. Mais non figée : chaque époque réinvente Don Quichotte.
Au XVIIe siècle, le roman est surtout perçu comme le parcours burlesque d'un héros comique. En 1720, une Lettre persane y découvre l'indice de la décadence espagnole. L'Espagne des Lumières se défend. Cervantès devient bientôt l'écrivain par excellence du pays, comme le sont chez eux Dante, Shakespeare et Goethe. Dans ce qui leur apparaît comme une odyssée symbolique, A.W. Schlegel voit la lutte de la prose (Sancho) et de la poésie (Quichotte), et Schelling celle du réel et de l'idéal. Flaubert - dont l'Emma Bovary sera qualifiée de Quichotte en jupons par Ortega y Gasset - déclare : c'est «le livre que je savais par coeur avant de savoir lire». Ce livre, Dostoïevski le salue comme le plus grand et le plus triste de tous. Nietzsche trouve bien amères les avanies subies par le héros. Kafka, fasciné, écrit «la vérité sur Sancho Pança». Au moment où Freud l'évoque dans Le Mot d'esprit, le roman est trois fois centenaire, et les érudits continuent de s'interroger sur ce qu'a voulu y «mettre» Cervantès. «Ce qui est vivant, c'est ce que j'y découvre, que Cervantès l'y ait mis ou non», leur répond Unamuno. Puis vient Borges, avec «Pierre Ménard, auteur du Quichotte» : l'identité de l'oeuvre, à quoi tient-elle donc? à la lecture que l'on en fait?
Il est un peu tôt pour dire quelles lectures fera le XXIe siècle de Don Quichotte. Jamais trop tôt, en revanche, pour éprouver la puissance contagieuse de la littérature. Don Quichotte a fait cette expérience à ses dépens. N'ayant pas lu Foucault, il croyait que les livres disaient vrai, que les mots et les choses devaient se ressembler. Nous n'avons plus cette illusion. Mais nous en avons d'autres, et ce sont elles, peut-être - nos moulins à vent à nous -, qui continuent à faire des aventures de l'ingénieux hidalgo une expérience de lecture véritablement inoubliable.
Dans le Brésil du Nord-Est, le picaresque Antonio Balduino incarne la peine et les rêves du peuple noir. Enfant perdu, mauvais garçon, boxeur professionnel, initié des « macumbas », travailleur sur les plantations de tabac, docker, employé de cirque, Antonio cherche toujours « le chemin de la maison ». Il a des amours - irréelles - avec la blanche Lindinalva et une liaison avec la trépidante Rosenda Roseda. Une grève lui permettra de découvrir ce qu'est la solidarité et donnera un sens à sa vie : la lutte pour la libération.
Madrid, 1980 : après quarante années de dictature, le vent du changement souffle sur la société espagnole. Le jeune Juan de Vere vient de trouver son premier emploi en tant que secrétaire privé du célèbre réalisateur et scénariste Eduardo Muriel. Celui-ci lui présente sa femme, la belle et inquiétante Beatriz Noguera, lui fait connaître son cercle d'amis et lui ouvre sans le savoir une porte dérobée sur son intimité et ses souvenirs.
D'abord fasciné par la vie de son patron, Juan découvre pourtant progressivement que le brillant décor a un envers bien plus obscur : pourquoi Eduardo Muriel déteste-t-il sa femme? Où se rend cette dernière lors de ses longues promenades en ville sans but apparent? Qui est en réalité le docteur Van Vechten, ce vieil ami de la famille, et faut-il croire ce qu'on raconte à son sujet?
Le jeune secrétaire va essayer d'éclaircir ces mystères, et bien d'autres, au cours d'une enquête captivante qui servira de cadre à son éducation sentimentale, dans ces années où Madrid s'est transformé en une interminable fête.
Après le succès mondial de Comme les amours (Gallimard, 2013), Javier Marías signe à nouveau une éblouissante fable moderne sur les frontières souvent incertaines entre la passion et la haine, entre la justice et le désir de vengeance, entre l'oubli et l'impossibilité du pardon.