Le Dictionnaire philosophique de Voltaire (aussi intitulé par son auteur La Raison par l'alphabet) a été l'une des armes les plus efficaces du combat contre le fanatisme. Il fait aujourd'hui figure d'emblème des "Lumières", et son actualité est saisissante.
L'idée du Dictionnaire philosophique est née en 1752, lors du séjour de Voltaire auprès de Frédéric II à Potsdam. En cette même année paraît le premier volume de l'Encyclopédie à laquelle Voltaire va bientôt collaborer. Comme le projet de Diderot et de d'Alembert, mais avec la légèreté incisive d'un dictionnaire "portatif", il répond à un désir d'universalité sans imposer aucune hiérarchie de valeurs. Dans sa Préface, Voltaire écrit : "Ce livre n'exige pas une lecture suivie ; mais à quelque endroit qu'on l'ouvre, on trouve de quoi réfléchir. Les livres les plus utiles sont ceux dont les lecteurs font eux-mêmes la moitié".
Un dictionnaire "philosophique" au XVIIIe siècle place nécessairement la discussion sur un plan religieux. De fait, cette oeuvre, traversée par l'écho des querelles qui agitent l'époque, remet largement en cause la souveraineté de l'Église catholique mais aussi la monarchie absolue. Le Dictionnaire est avant tout un instrument de combat dans un contexte de lutte contre tous les dogmes arrogants, contre toutes les certitudes tyranniques : "Il n'y a de remède à cette maladie épidémique [le fanatisme] que l'esprit philosophique, qui répandu de proche en proche adoucit enfin les moeurs des hommes, et qui prévient les accès du mal". Il s'agit d'"écraser l'Infâme", pour reprendre la célèbre formule de Voltaire.
Par sa nature, le Dictionnaire, qui ignore la séparation entre les genres, offre à Voltaire un espace privilégié de création et de réflexion où son génie peut se déployer dans toute sa virtuosité. L'auteur y maîtrise à la perfection l'art de capter l'attention du lecteur par la variété des sujets qu'il aborde et des tons qu'il emploie (tantôt ironique, tantôt satirique, tantôt d'un enjouement faussement naïf). D'un article à l'autre, il ménage des contrastes et élabore des transitions. Au fil de la rédaction du Dictionnaire, le réseau se raffermit et se complète, devenant ainsi un merveilleux laboratoire d'expérimentation de formes littéraires (dialogue, conte, théâtre, poésie, parodie, argumentation scientifique, récit de voyage, etc.).
De A à Z (ou plus précisément - et ironiquement ? - de "Abbé " à "Vertu"), le Dictionnaire propose deux attitudes conçues a priori comme contradictoires : répertoire concis des connaissances sur les diverses religions en même temps qu'ouvrage de polémique. En réalité, il est le lieu où l'écrivain a consigné ses réflexions, c'est pourquoi il prend aussi une valeur testamentaire. Plus que l'exposé systématique d'une philosophie, le Dictionnaire constitue un manifeste pour la liberté de pensée. Les adversaires et partisans des Lumières l'ont bien senti : le Dictionnaire a été une des armes les plus efficaces du combat philosophique. Une fois le livre paru, il a fallu organiser une tactique de diffusion et d'autodéfense. Ainsi, Voltaire ne l'a pas signé. En 1765, le Dictionnaire est condamné à être lacéré et brûlé par arrêté du Parlement de Paris.
Plus de deux siècles après avoir été écrite, cette oeuvre admirable garde aujourd'hui toute sa virulence.
Qu'ils soient situés dans l'Antiquité ou au temps de la chevalerie, sur l'Olympe ou au royaume des fées, en Orient ou à Paris, les contes galants de Voltaire ont pour personnage principal le désir amoureux, qui fait fi de tous les obstacles et remet en cause la norme, les préjugés et les croyances. Ici, l'Eros est subversif, la volupté mène à la philosophie, le plaisir vaut moins pour lui-même que comme valeur émancipatrice : Il révèle les apories d'une morale chrétienne hypocrite et contradictoire, il bouscule ses règles contre nature. Sans tabou ni fausse pudeur, au rythme d'un récit rapide, souvent allusif, toujours drôle, ces délicieux petits textes célèbrent le bonheur de la jouissance et de la pensée libre. L'immense oeuvre de Voltaire (1694-1778), un des plus grandis auteurs de tous les temps, n'est aujourd'hui que très partiellement connue. Ce sont surtout ses contes ou romans "philosophiques'', Micromégas, Zadig ou Candide, que tout le monde lit. Il existe pourtant parmi les contes d'autres pièces, plus légères, que les contemporains appréciaient particulièrement et que Voltaire n'a jamais cessé de produire tout au long de sa vie : des contes " galants " en prose ou en vers, qui sont tous réunis dans ce volume.