å'dipe roi incarne le mythe grec le plus radical sur l'homme et la tragédie la plus accomplie du plus classique des tragiques grecs.
Condamné par le destin à tuer son père et à épouser sa mère, å'dipe a fui loin de ceux qu'il croit ses parents pour aller tuer un homme au carrefour de deux routes - son père -, puis épouser la reine de thèbes - sa mère. l'homme aux pieds tuméfiés paraît lentement au seuil du palais : il est seul, en plein jour, face à son peuple frappé par la pestilence. il poursuivra le criminel qui souille la lumière du soleil.
Son regard exprime la clairvoyance qui lui a permis de vaincre la sphinx. mais les trous de son masque annoncent aussi les orbites qu'il percera devant l'évidence : å'dipe rendra son visage conforme à son masque.
Tragédie du retour du prince désireux de prendre possession de son héritage, tragédie de la vengeance et du châtiment, l'Électre de Sophocle est aussi une tragédie de la philia, où les liens familiaux sont constamment remis en question, détruits, recréés, où des enfants tuent leur mère. Pour attendu qu'il soit, cet aboutissement suscite émotions et questionnements sur son caractère juste, acceptable, dans une tragédie d'où les Érinyes sont absentes, où les dieux, s'ils sont bien présents dans les prières des personnages, laissent ces derniers forger seuls leur destin.
Le commentaire littéraire qui accompagne cette édition bilingue propose de démonter les mécanismes du dispositif tragique construit autour d'une héroïne dont l'action est circonscrite à sa souffrance et à sa parole. Avec Électre, le poète explore les possibilités qu'offrent les tensions de la parole théâtrale et redéfinit les notions d'action et d'héroïsme.
Les deux fils d'oedipe, Etéocle et Polynice, se sont entre-tués au combat. Leur oncle Créon, le roi de Thèbes, décide que le cadavre de Polynice - qui a trahi sa patrie - demeurera exposé sans sépulture. La jeune Antigone, sa soeur, viole volontairement le décret : elle est arrêtée, et récidive. Pour elle, les lois immuables de la conscience, les "lois non écrites", se situent au-dessus des décrets des hommes. Antigone est celle qui désobéit, celle qui dit non, celle qui va au-devant de la mort.
Archer légendaire, héritier de l'arc d'Héraclès, dont les flèches sont invincibles, Philoctète croupit sur l'île de Lemnos, où ses compagnons, en route pour Troie, l'ont abandonné, car la gangrène dont il est atteint dégage une puanteur insupportable.
Or, sans l'arc d'Héraclès, la ville de Troie ne pourra tomber. Après l'avoir trahi une première fois, les Grecs, conduits par Ulysse, viennent le persuader, par la ruse, de leur accorder son aide. Trompé, isolé, misérable, humilié, Philoctète finit par céder et consent à ce qui lui est demandé. A près de quatre-vingt-dix ans, en 409 avant notre ère, Sophocle a composé cette tragédie lyrique (appartenant au cycle troyen Ajax, Electre, Philoctète), puissante, qui montre les limites de l'héroïsme et rappelle la fragilité inhérente à la condition humaine.
Ajax, ou comment la scène tragique transforme l'un des grands de l'iliade en un personnage égaré, souffrant, voué à une mort sans gloire au nom des valeurs mêmes qui firent sa gloire.
Sophocle scrute les silences et les ambiguïtés du texte homérique pour construire le portrait d'un homme victime des dieux, mais aussi de lui-même et d'un monde oú il n'a plus sa place, celui de la cité classique : dans sa rage d'avoir été frustré des armes d'achille au bénéfice d'ulysse, ajax décide de massacrer les chefs grecs qu'il accuse de tromperie, mais la folie envoyée par athéna détourne sa main vers le bétail de l'armée ; revenu à lui, entouré des siens, mais fondamentalement seul comme la plupart des grands héros sophocléens, il se suicide en se jetant sur son épée fixée au soi.
Si la tragédie de sophocle gagne à être ancrée dans l'historicité des représentations grecques, la folie mélancolique d'ajax et les échos qu'elle suscite prennent place dans une très longue durée qui englobe notre présent.
Le titre choisi, Aïas, pour cette nouvelle édition de l'Ajax de Sophocle montre son orientation : la fidélité au grec. Le héros de Sophocle rapproche explicitement son nom du cri de douleur Aïaï. Le guerrier protecteur de l'Iliade, le héros officiel d'une « tribu » de la Cité d'Athènes, est ici un soldat perdu, traumatisé, un être de douleur. Il a tué des bestiaux au lieu de ceux qu'il visait, les Atrides et Ulysse, pourtant ses compagnons d'armes à Troie, mais qui l'avaient, estime-t-il, déshonoré en lui refusant les armes divines d'Achille après la mort de celui-ci, et en les accordant à Ulysse. C'est qu'Athéna, comme elle le montre à Ulysse dans un prologue extraordinaire, l'avait rendu fou, redoublant son déshonneur. Il n'a donc plus d'autre choix que la mort, et refuse d'écouter les objurgations de sa compagne Tecmesse et du choeur de ses soldats de marine. Après avoir feint ensuite de céder (pour mieux se débarrasser d'eux), il se suicide, seul devant les spectateurs, dans une autre scène exceptionnelle. Le roi Agamemnon interdit à son demi-frère Teucros, d'abord par l'entremise de son frère Ménélas, puis en venant en personne, qu'on ensevelisse celui qui a trahi l'armée achéenne, mais Ulysse, pris de pitié devant la façon dont la déesse Athéna s'est jouée de lui, obtient non sans mal que les Atrides lui accordent les funérailles auxquelles tout homme a droit en vertu des lois divines, et Aïas plus qu'un autre, lui qui est « le meilleur guerrier après Achille » : « Je ne considère pas plus son sort que le mien. Je vois que nous ne sommes rien d'autre que des fantômes, nous tous qui sommes en vie, ou bien une ombre légère ».
Cette tragédie, l'une des plus saisissantes de Sophocle, n'a guère eu de postérité, probablement en raison des difficultés de sa mise en scène : elle permet ainsi d'appréhender le genre tragique dans son contexte historique et littéraire, sans les filtres que la tradition occidentale a imposés à d'autres tragédies plus souvent reprises. Attentive au texte grec de la pièce, avec l'explication des principales difficultés, l'édition s'efforce de rester accessible aussi au lecteur non-helléniste, qui entrera ainsi au coeur de l'analyse de la tragédie grecque.
"Le tome III des Tragédies de Sophocle contient les deux oeuvres de l'extrème vieillesse du poète: Philoctète et Oedipe à Colone. La tradition manuscrite en est la même que celle qui a été utilisée pour les autres pièces, à cette réserve près que le manuscrit de Florence, G, ne présente pas Oedipe à Colone. La tradition papyrologique est fort réduite.
Avec ce tome III s'échève la participation de Paul Mazon à notre nouvelle édition de Sophocle."Extrait de l'avant-propos d'Alphonse Dain.
« On ne peut savoir, pour aucun mortel, avant q'il soit mort, si sa vie fut bonne ou mauvaise », tel est l'adage qui ouvre les « Trachiniennes » et qui traverse l'oeuvre de Sophocle. Or pour le poète, les Anciens n'eurent guère de mal à trancher, si bien que Sophocle était presque devenu une figure emblématique de l'homme heureux : mort à plus de 90 ans, il avait accumulé les succès tant poétiques que politiques et mourut en 406, juste avant les crises puis l'effondrement de la démocratie. Le paradoxe veut que cet homme, dont le sort semble si fortuné, soit l'auteur essentiellement de tragédies. Victorieux plus de 72 fois aux Dionysies, il aurait écrit plus de 120 pièces, la plupart dans la seconde moitié de sa vie, voire dans son extrême vieillesse.
Notre édition regroupe dans ce premier volume les deux pièces appartenant à la maturité du dramaturge, Les Trachiniennes, qui relate le double drame de Déjanire abusée et d'Héraclès empoisonné, ainsi que Antigone dont l'histoire n'est plus à présenter. Une notice précède chaque pièce et fournit toutes les informations nécessaires à une bonne intelligence du texte, ainsi que de judicieuses pistes de lecture. Le volume contient en outre une introduction générale, complétée et enrichie au fil des nouvelles éditions et réimpressions, qui présente l'auteur, son oeuvre et son temps, de manière synthétique. L'histoire, dense, du texte, est relatée en détail, tandis que des notes éclairent les nombreuses allusions mythologiques qui traversent ces pièces.