Le livre de Georges Cattaui, publié pour la première fois en 1956 mais depuis longtemps épuisé, nous emmène à travers un voyage iconographique, au coeur du monde proustien. De nombreuses photographies et peintures font revivre les grands moments de la vie du célèbre auteur, ses amitiés d'élection, ses relations mondaines, les coteries et les clans dont il s'est largement inspiré pour écrire La Recherche. Ce livre évoque tout ensemble l'oeuvre de Proust mais aussi l'ambiance de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, dont il fut, autant qu'un Lautrec ou qu'un Seurat, le peintre et l'interprète.
Pour un nombre considérable de lecteurs, À la recherche du temps perdu est une oeuvre à part, la référence, le Livre. Au catalogue de la Pléiade, le coffret réunissant ses quatre volumes fait figure de navire amiral. L'établissement du texte, l'appareil critique, les Esquisses qui révèlent le roman en formation rendent cette édition irremplaçable. Selon toute vraisemblance, ce n'est que par crainte de devoir acquitter un supplément de bagage que les voyageurs ne l'emportent pas plus souvent sur l'île déserte.À l'occasion du centième anniversaire de la mort de Proust, la Pléiade propose à titre exceptionnel, et à tirage limité, le texte de la Recherche, intégral et nu (les notes et les Esquisses restant l'apanage de l'édition en quatre volumes), en deux tomes d'environ 1500 pages chacun. Ce tirage satisfera les globe-trotters, sans leur être réservé. Les sédentaires le placeront près de leur fauteuil. Les promeneurs le glisseront dans leurs poches. Toute table de chevet pourra l'accueillir. Une oeuvre-monde, toujours à portée de main, explorable à l'infini.
Céleste Albaret a été la gouvernante de Marcel Proust de 1913 à sa mort, en 1922. Tout juste arrivée de sa Lozère natale pour retrouver à Paris son mari, le chauffeur de Proust, elle entra au service de l'écrivain pour de menues tâches, et finit par lui dédier son existence, épousant sa vie de reclus jusqu'à participer matériellement à l'élaboration d'À la recherche du temps perdu (prenant des notes sous la dictée, collant ses ajouts sur les fameux « béquets »). Celle qui inspira le personnage de Françoise dans La recherche veillera sur Proust jusqu'à la fin. Avec l'aide de Georges Belmont, qui recueillit et mit en forme ses souvenirs, elle publia Monsieur Proust en 1973, élevé depuis au rang de livre culte.
Ce témoignage émouvant est un document unique sur la vie quotidienne de Proust lors de ses dernières années et sur les conditions dans lesquelles il écrivit son oeuvre.
Au fil d'une adaptation qui offre la quintessence du texte de Céleste et par la grâce des dessins de Stéphane Manel, nous nous introduisons à la suite de la jeune femme dans l'intimité du boulevard Haussmann et de la rue Hamelin pour découvrir l'invraisemblable cérémonial des jours et des nuits de Proust. De la cuisine à la chambre de liège, nous sommes les témoins des routines (fumigations, préparation du café, etc.), mais aussi des visites, des sorties et du monumental chantier de l'écriture...Tout prend vie dans cet ouvrage qui livre les clés sensorielles de ce monde à l'envers dont Proust fit son royaume, un monde où les frontières entre réalité et fiction étaient délibérément brouillées.
Rien n'était fait pour que Proust triomphe. Un mondain, un Juif, un homosexuel, qui a osé remporter le prix Goncourt contre un roman de guerre, ce qui lui a valu des persiflages infinis, jusqu'à une revue de cabaret présentant un numéro « Proust ma chère ». D'ailleurs, sa postérité a été lente à s'établir. Elle n'a réellement commencé que dans les années 1950, jusqu'à ce que Proust devienne l'un des écrivains français les plus célèbres du monde.
Il y avait une bonne raison à cela. Elle s'appelle A la recherche du temps perdu. Ce livre a apporté à la fiction française des sujets que Proust a été l'un des premiers à traiter sérieusement, comme l'homosexualité, et surtout, surtout, un sujet capital, que personne n'avait jamais abordé, celui de la création. Un écrivain ou futur écrivain personnage principal d'un roman, c'est Proust qui l'a inventé.
Plus encore, il a apporté à la littérature française une manière d'écrire authentiquement révolutionnaire. La langue française, si réglée, si sèche, souvent, a été assouplie par Proust à un point inouï. Le proust est ductile et englobant comme la mer. Lire A la recherche du temps perdu, c'est traverser l'Océan. Et c'est très facile, il suffit d'adapter sa respiration.
Comme il suffit au lecteur d'adapter la sienne pour plonger dans ce Proust Océan de Charles Dantzig, où l'on retrouve la manière si singulière de l'auteur, ses entrées inattendues, ses alternances de chapitres brefs et plus longs, de saillies et de réflexions, d'érudition et de gai savoir, de gravité et de drôleries.
Un livre sur Proust certes, mais aussi un essai d'esthétique proposant une certaine conception de la littérature fondée sur un longue familiarité avec les grandes oeuvres, une pratique des grands auteurs, un savoir encyclopédique. Tout est ici original et stimulant, mimétique de son objet même.
Première oeuvre écrite, première oeuvre publiée de Proust, Les Plaisirs et les jours parurent en 1896. Aujourd'hui, à travers la diversité même des textes qui composent ce recueil, on peut se demander si cet ouvrage de jeunesse ne constitue pas une ébauche encore imparfaite et schématique d'À la recherche du temps perdu, et surtout s'il n'existe pas déjà en lui-même, avec ses lois et ses beautés irréductibles «Nouvelles mondaines, histoires tendres, vers mélodiques, fragments où la précision du trait s'atténue dans la grâce molle de la phrase, M. Proust a réuni tous les genres et tous les charmes. Aussi les belles dames et les jeunes gens liront avec un plaisir ému un si beau livre.» Léon Blum
C'est un peuple légendaire, immense, vif comme s'il avait vécu. Ce sont les personnages d'A la recherche du temps perdu, avec leurs visages, leurs désirs, leurs tics, leurs mots fameux : ils sont une petite centaine, choisis par Mathilde Brézet dans ce dictionnaire libre et passionné.
Chaque nom est un récit - parfois une apparition : récit d'une vie, mais aussi récit d'un parcours de création. Comment est née Albertine ? Et Swann ? Que veut nous dire Proust avec Jupien ? Pourquoi un personnage comme la femme de chambre de la baronne Putbus, capital dans les premières versions de l'oeuvre, a quasiment disparu ? Il y a aussi les personnages sans nom mais pas sans regard, comme le liftier ou les « filles portant le lait ». Mathilde Brézet plonge dans les aléas de l'atelier littéraire et dans les méandres du désir de l'auteur pour ses personnages...
Nourri de nombreux et récents travaux universitaires, ce volume immense ouvre des perspectives en citant abondamment les avant-textes du chef-d'oeuvre, la correspondance de l'auteur, et les témoignages de ses contemporains. Le regard et le ton sont toujours personnels : ce sont ceux d'un lecteur qui parle à d'autres, et qui ne cesse de donner à connaître ou à reprendre. Pour qui n'a pas lu Proust, ce dictionnaire est l'occasion de se familiariser avec ses héros, et de découvrir la richesse inouïe de son univers. Pour les proustiens aguerris, il y a le plaisir des retrouvailles, de la découverte de ses propres sentiments de lecture, mais aussi la surprise d'interprétations nouvelles : tout est gracieux dans ces pages érudites, qui nous font voyager au plus beau des pays.
Philippe Delerm nous offre une merveilleuse plongée dans À la recherche du temps perdu, oeuvre qui l'a nourri et a contribué à façonner l'écrivain qu'il est devenu. À travers soixante extraits de son choix qu'il commente d'un ton à la fois amusé et profondément admiratif, se révèlent autant d'instantanés exhalant toute la saveur et la richesse de l'oeuvre proustienne. L'image du roman fleuve intimidant et hors d'atteinte laisse alors place à des trésors d'humour, de tendresse et d'irrévérence : un Proust sensible et inattendu, qui donne envie de se plonger avec délectation dans La Recherche !
« S'arrêter çà et là tout en suivant le fil du texte aux endroits que l'on préfère ne paraît pas antinomique avec le projet proustien. C'est même une manière de mettre en relief la modernité de Proust ».
Philippe Delerm
Proustonomics, Cent ans avec Marcel Proust explore les angles morts d'À la recherche du temps perdu avec la fantaisie débridée du conteur et l'oeil de l'entomologiste. L'auteur, «aventurier de la pensée proustienne» comme le qualifie Jean-Yves Tadié dans sa préface, s'intéresse tout particulièrement à l'économie du roman-fleuve et à sa postérité, proposant notamment une étude inédite des ventes de la Recherche sur un siècle, au moyen de graphiques. Pourquoi ce livre si long entraîne-t-il une telle addiction chez ses lecteurs depuis cent ans ? De Skopje à Reykjavik, c'est une véritable enquête sur le pouvoir des livres et de la littérature, sur la piste de l'aventure éditoriale proustienne dans plusieurs langues et même en braille, où l'on croise aussi bien le peintre Francis Bacon que Dave, Sergio Leone, Jean Zay ou Philippe Lançon. Un essai d'un genre nou- veau, divertissant et inclassable. Préface de Jean-Yves Tadié
Transporté dans le temps grâce à la rencontre d'un objet - la célèbre madeleine -, le narrateur se remémore son enfance dans la maison familiale de Combray. Il revit ses angoisses, à l'heure du coucher... Il revoit cette société bourgeoise, avec ses codes étranges et ses personnages hauts en couleur... Il retrouve la saveur des menus qui reflétaient le rythme des épisodes de la vie.
« Tu es comme une bougie que l'on a oublié d'éteindre dans une chambre vide », ainsi commence l'une des chansons d'Oxmo Puccino. Comment ne pas faire le parallèle avec le début de À la recherche du temps perdu de Marcel Proust où le narrateur raconte ses rêveries dans son lit, enfermé dans sa chambre ?
À l'occasion du centenaire de la disparition de son ami littéraire Marcel, Oxmo Puccino a souhaité lui rendre hommage en se soumettant à son fameux questionnaire. Les trente-quatre réponses de ce livre dessinent un autoportrait d'Oxmo Puccino.
On y découvre son rapport à la vie, à la poésie du présent, à la patience, les coulisses de son métier d'artiste, l'importance des absents dans son quotidien, le respect des souvenirs, la sacralité de l'amitié et même une passion tardive pour la pêche.
« Il aime les femmes ignobles qu'on ramasse dans la boue et il les aime follement ; [...] et non seulement il les aime follement, mais il n'aime qu'elles. La femme du monde la plus ravissante, la jeune fille la plus idéale lui est absolument indifférente. » Marcel Proust décline dans ce recueil les motifs qui lui sont chers : charmes et illusions de l'amour, splendeurs et misères des mondanités, nature fantasmée, nostalgie.
Quatre trésors indispensables pour qui cherche à lire ou relire À la recherche du temps perdu.
Grâce à de multiples sources, Chloé Cruchaudet tisse le portrait dévoué et passionné de Céleste Albaret, gouvernante et parfois secrétaire de Marcel Proust jusqu'à sa mort, en 1922. Elle révèle leur lien, l'écrivain sous toutes ses aspérités, l'atmosphère d'une époque et les dessous de la construction d'une fiction. Monde réel et monde fantomatique s'entremêlent pour nourrir ce sublime diptyque.
Ce livre capital apporte l'image, sortant de la plus fidèle des mémoires, d'un Proust unique de vérité.
Céleste Albaret fut la gouvernante et la seule confidente de Marcel Proust pendant les huit dernières années de son existence, durant lesquelles il acheva l'écriture de son chef-d'oeuvre - elle est d'ailleurs une des clefs du personnage de Françoise dans La Recherche. Jour après jour elle assista dans sa vie, son travail et son long martyre, ce grand malade génial qui se tua volontairement à la tâche. Après la mort de Proust en 1922, elle a longtemps refusé de livrer ses souvenirs. Puis, à quatre-vingt deux ans, elle a décidé de rendre ce dernier devoir à celui qui lui disait : « Ce sont vos belles petites mains qui me fermeront les yeux. »
En 1971, la Pléiade publiait «Contre Sainte-Beuve» précédé de «Pastiches et mélanges» et suivi de «Essais et articles». L'édition qui paraît aujourd'hui est dotée d'un sommaire considérablement enrichi et d'un titre qui témoigne de ses intentions. Exit le triple intitulé dominé par le massif central du Contre Sainte-Beuve. Choisir le titre Essais, c'est reconnaître à la fois l'unité et l'incertitude générique de l'oeuvre de Proust.Comme le souligne Antoine Compagnon, Proust fut toujours partagé, dans son désir d'écrire, entre narration et réflexion. Son roman est riche de développements critiques. Son oeuvre de réflexion connaît des développements romanesques. Son projet sur Sainte-Beuve, il le qualifie d'«essai», terme qui s'appliquait à des textes à la composition très libre. À preuve, la définition que le critique du Figaro, André Beaunier, donne de «Sur la lecture», préface de Proust à Sésame et les lys de Ruskin (1906) : «un essai original, et délicieux, émouvant, plaisant, gai parmi les larmes, mélancolique avec discrétion ; les souvenirs s'y mêlent aux rêveries, la fantaisie à la réalité, comme dans l'âme d'un philosophe très sensible». Des lignes qui annoncent l'expérience unique qu'offre la lecture des essais de Proust.Incertitude générique, donc : les Pastiches et mélanges reprennent en 1919 «Sur la lecture» et d'autres essais essentiels, mais aussi les pastiches de «l'affaire Lemoine», cette «critique en action» dans laquelle le récit a toute sa place. Et Contre Sainte-Beuve est certes un essai, mais narratif : c'est au cours d'une conversation avec sa mère que l'auteur entend critiquer la méthode de Sainte-Beuve. Mais voici que surgissent des personnages, Swann, les Guermantes, un Montargis au profil de Saint-Loup, un Guercy qui annonce Charlus. Ces développements romanesques constituent un nouveau départ pour le roman que l'on sait. Ils signent aussi la fin du projet Sainte-Beuve et expliquent pourquoi Contre Sainte-Beuve n'existe que dans l'idée qu'on s'en fait. Dans sa première édition (1954), le livre comportait des chapitres romanesques. Dans la seconde (1971), seules étaient retenues les pages critiques. On propose ici un «Dossier du Contre Sainte-Beuve», titre et dispositif plus conformes aux manuscrits conservés.Quant aux nombreux essais - critiques, études, chroniques, entretiens ou amples analyses -, ici plus nombreux que jamais, parus dans les revues et journaux du temps et non recueillis par Proust, ou encore révélés après sa mort, ils témoignent de l'ambition littéraire la plus haute et sont l'accompagnement obligé de la Recherche.
Pourquoi une nouvelle biographie de Proust ? Autant demander à un peintre pourquoi de nouveaux portraits. Un moment arrive où l'on croit pouvoir faire la synthèse des travaux existants, en rejetant ce qui paraît non vérifiable, en tenant compte des découvertes nouvelles, et surtout de ce que le travail d'éditeur permet seul de connaître, l'histoire des manuscrits, celle de l'oeuvre à mesure qu'elle s'écrit : la véritable biographie d'un écrivain, d'un artiste, est celle de son oeuvre. Il s'agit de montrer en quoi l'individu est d'abord un type : l'enfant d'une famille bourgeoise, l'élève de Condorcet, celui de Sciences-Po, l'asthmatique, le «jeune poète» qui envoie plus de lettres qu'il n'en reçoit, le curiste aux bains de mer. Qu'est-ce qu'être écrivain en 1890, ou homosexuel, ou malade, ou médecin ? Puis vient le moment où le grand artiste cesse d'être un type et, irrémédiablement différent, échappe à l'histoire et aux structures. Il y a dans cet ouvrage tout ce qu'on peut savoir de Proust, tout ce qu'il est utile de savoir pour comprendre sa personne et son oeuvre, non les infinis détails de vingt et un volumes de lettres. La biographie d'un grand écrivain n'est pas celle d'un homme du monde, ou d'un pervers, ou d'un malade : c'est celle d'un homme qui tire sa grandeur de ce qu'il écrit, parce qu'il lui a tout sacrifié
Voici la correspondance inédite et inconnue de Marcel Proust avec son camarade et ami du lycée Condorcet Horace Finaly. Directeur général de la Banque de Paris et des Pays-Bas, cet homme d'une haute culture qui passait pour savoir Homère et Dante par coeur fut aussi un grand banquier de gauche de la III? République.Le coeur de cette correspondance est la tragi-comédie que vit Marcel avec son secrétaire et ami Henri Rochat, ancien serveur du Ritz. Proust souhaite se débarrasser d'un jeune homme qui a vécu presque trois ans chez lui, de 1919 à 1921, et dont les frasques lui coûtent cher. Il a recours à Horace Finaly pour expédier à Recife cet autre modèle d'Albertine. Employé dans une agence de la banque, le jeune homme s'y comportera fort mal, malgré les envois d'argent de l'auteur. Il mourra quelques années plus tard, sans doute de maladie, au cours d'une excursion dans le nord du Brésil.Ce volume, qui révèle la sensibilité, la drôlerie et la complexité de Proust, est établi et présenté par Thierry Laget, romancier, auteur de Proust, prix Goncourt, et par Jacques Letertre, président de la Société des Hôtels Littéraires.
Vaste continent à explorer, la correspondance de Proust constitue un pont vital entre sa forteresse intime et la vie extérieure. Oscillant entre conversations mondaines et introspections profondes, ses lettres racontent la vie d'un écrivain qui a su faire de la faiblesse une vocation littéraire sans pareille et de la maladie une ressource de génie.
Marcel Proust se souvient avec nostalgie et tendresse de ses lectures d'enfant, allongé dans l'herbe d'un jardin ou dévorant Le Capitaine Fracasse à la lueur d'une bougie dans la maison familiale à Illiers... Convoquant ses émotions et ses sensations de ces journées de lecture, il se livre à un vibrant éloge de la lecture.
Avant d'être le génial auteur de la Recherche, Proust écrivit des nouvelles inspirées de sa jeunesse dans les salons mondains, entre découverte du désir et amour qui fuit, frivolité et profondeur, apparence et rivalité. C'est là qu'il met à l'épreuve son style, ses images, ses intuitions. Ce sera, en 1896, Les Plaisirs et les Jours. Mais peu avant la publication du recueil, Proust choisit d'en retirer quelques nouvelles, qui restèrent secrètes durant plus d'un siècle. Était-ce parce qu'il s'y confiait, presque sans dissimulation, sur son homosexualité, vécue comme une malédiction ? Voici ces textes, fragiles, imparfaits, inaboutis, qui auraient si bien pu ne pas nous parvenir, et pour cela si émouvants. On y lit, en miniature, toutes les obsessions qui seront celles de la Recherche : l'amour malheureux, la fuite du temps, la satire sociale. En une phrase, une fulgurance, le futur Proust est déjà là. En nous faisant entrer comme jamais dans sa conscience, Proust nous ouvre son atelier de travail, son secret laboratoire, et le journal intime qu'il n'a pas écrit.
Suivi de : « Aux sources de la Recherche du temps perdu », notes de travail de Proust.
Cet ensemble inédit de travaux scolaires composés par le jeune Marcel Proust permet de circonscrire sa culture littéraire et philosophique, et de voir naître le moraliste qui triomphera quelques années plus tard dans À la recherche du temps perdu.
Seul inédit de Proust qui ne soit pas un montage artificiel de manuscrits d'époques différentes, il constitue un texte romanesque abouti, continu et cohérent, mûrement élaboré par l'auteur.
Contraint de couper ce volume initial, Proust écarte de nombreux passages ici restitués et connus jusque-là des seuls spécialistes. Les noms de lieux et de personnages diffèrent : Balbec n'est encore que Bricquebec, Charlus s'appelle Fleurus et Norpois, Montfort. Odette n'a pas de passé niçois, Swann connaît moins la jalousie. Le séjour à la mer est plus court, et les jeunes filles en sont absentes, ce qui donne au héros une personnalité plus homogène.
Dans sa présentation, Jean-Marc Quaranta précise les enjeux littéraires du Temps perdu. Cette édition met aussi en lumière le travail de Proust en distinguant la part inédite de celle qu'il a conservée. Elle indique en notes les évolutions de l'oeuvre les plus significatives. Enfin, un dossier présente divers documents qui éclairent le projet originel du romancier, ainsi que les circonstances du refus de son manuscrit, les démarches qu'il entreprit pour le faire publier et le travail de refonte auquel il dut procéder, véritable cours de création littéraire.
Graal proustien, les «soixante-quinze feuillets» de très grand format étaient devenus légendaires. La seule trace qui en existait était l'allusion qu'y faisait Bernard de Fallois, en 1954, dans la préface du Contre Sainte-Beuve. En 1962, ils n'avaient pas rejoint la Bibliothèque nationale avec le reste des manuscrits de l'auteur de Swann. Leur réapparition en 2018 à la mort de Bernard de Fallois, après plus d'un demi-siècle de vaines recherches, est un coup de tonnerre.Car les insaisissables «soixante-quinze feuillets» de 1908 sont une pièce essentielle du puzzle. Bien antérieurs au Contre Sainte-Beuve, ils ne font pas que nous livrer la plus ancienne version d'À la recherche du temps perdu. Par les clés de lecture que l'écrivain y a comme oubliées, ils donnent accès à la crypte proustienne primitive. «Un livre est un grand cimetière où sur la plupart des tombes on ne peut plus lire les noms effacés», lit-on dans Le Temps retrouvé : mais ici, le temps n'a pas encore effacé tous les noms.
Cette édition d'À la recherche du temps perdu présente l'oeuvre de Marcel Proust sous un jour entièrement nouveau. Les trente ans qui nous séparent de l'édition précédente ont permis de connaître un ensemble de documents uniques au monde, et que nous sommes seuls à pouvoir offrir au lecteur. Ainsi, dans ce volume, à la suite de Du côté de chez Swann et de la première partie d'À l'ombre des jeunes filles en fleurs, on lira un choix très large d'esquisses tirées des cahiers de brouillon qui donnèrent naissance au texte définitif, seul connu du public jusqu'à ce jour : quatre cents pages, qui ont déjà la beauté de l'oeuvre achevée mais gardent le charme propre aux commencements, et font découvrir de nombreux faits, de nombreuses idées, de nombreux personnages inconnus. Ces inédits et ceux que l'on trouvera dans les variantes du volume composent une véritable biographie littéraire. Au service de ce dessein, un appareil critique réunit la documentation la plus complète possible et permet de comprendre les allusions les plus énigmatiques. Le texte lui-même a été réétabli grâce à des documents dont nous disposions pour la première fois : il est désormais plus proche de ce que souhaitait son auteur. Roman comique, roman tragique, roman d'aventures, roman érotique, roman poétique, roman onirique, roman d'une expérience unique, somme de tous les romans et de deux mille ans de littérature, À la recherche du temps perdu est devenu un monument historique. Mais c'est un monument encore habité.
Ce volume contient la deuxième partie d'À l'ombre des jeunes filles en fleurs, «Noms de pays : le pays» et Le Côté de Guermantes. Il marque ainsi le passage de la rêverie au réel. «Noms de pays : le pays » fait écho à «Noms de pays : le nom» et affronte à la poésie du nom de Balbec la réalité du lieu, comme Le Côté de Guermantes dévoile les Guermantes-personnages après que le narrateur a rêvé sur Guermantes-nom de personne. C'est à Balbec qu'apparaît la petite bande des jeunes filles pour qui le héros éprouve un amour «indivis», avant qu'Albertine ne vienne rompre, en émergeant du groupe, la cohésion où se neutralisaient «les diverses ondes sentimentales» que propageaient les jeunes filles. À Balbec que le narrateur rencontre le peintre Elstir, dont la conversation se fait leçon : d'où naît un nouveau pouvoir de regarder, une façon nouvelle de voir, grâce à cette métamorphose qu'est l'art, la beauté des choses là où il était impossible d'imaginer qu'elle fût. À Balbec encore que se dessinent les figures de Mme de Villeparisis, de Robert de Saint-Loup, du baron de Charlus, que Le Côté de Guermantes replacera dans leur contexte social et qui, avec d'autres, feront de cette partie d'À la recherche du temps perdu le roman de l'aristocratie, comme Du côté de chez Swann était celui de la bourgeoisie ; temps et lieu de la mort de l'enfance et de l'oubli de l'art - ramené à quelques apparitions mondaines -, Le Côté de Guermantes voit s'effacer, dans la mort, la maladie ou l'absence, les personnages combraysiens et s'ouvrir devant le narrateur ce monde neuf - le Monde - où s'abîment les illusions. On découvrira, à la suite des textes et sur plus de 400 pages, les versions primitives de «Noms de pays : le pays» et du Côté de Guermantes. Leur intérêt et leur richesse ne sont plus à démontrer. Il n'est que de rappeler la réponse d'Elstir à son jeune visiteur admirant une de ses toiles, Le Port de Carquehuit : «J'ai fait une petite esquisse où on voit bien mieux la cernure de la plage. Le tableau n'est pas trop mal, mais c'est autre chose.»